Bertram, ou le Château de St-Aldobrand, tragédie en cinq actes
Traduction par Taylor et Nodier.
(p. 175-178).

ÉPILOGUE,

PAR M. GEORGE LAMB,

PRONONCÉ PAR MISS KELLY.


Dites-moi…. car l’espoir téméraire de notre auteur aspire à faire sonner la lyre délaissée du barde tragique…. dites-moi, car notre jeune débutante, qui souffre d’une double inquiétude, attend impatiemment l’arrêt qui décide de sa destinée et de celle du poète… Oh ! dites-moi, quel espoir pouvons-nous fonder sur votre indulgence ? Il est mêlé de doute et de crainte, le moment pénible où je viens implorer ici votre jugement. Cependant, par égard pour moi, suspendez du moins votre sentence, et souffrez que je vous entretienne quelque temps de la morale de la pièce.

Les larmes que vous avez versées pour Imogène suffisent à cette infortunée. Je viens maintenant vous dire un mot en faveur de Bertram….. Bertram ! je vous entends vous écrier au nom de ce brigand impitoyable et sanguinaire…. Il étoit ce que vous dites, mais il étoit aussi le plus fidèle des amans. Et vraiment, d’après ce que nous voyons tous les jours, il semble que tout doit prospérer à la fidélité.


L’homme, pendant qu’il aime, n’est jamais tout-à-fait perdu pour la société, et son salut peut dépendre encore du triomphe d’une femme. Le cœur flétri qui cherche le crime pour s’en glorifier, et qui se tait une cruelle volupté de ses infortunes…. celui-là même, s’il n’est pas fermé tout entier à l’amour, s’il a besoin de palpiter de tendresse contre le cœur d’une femme, peut voir éclore de cet unique germe toutes les fleurs de la vertu, jaillir tous ses rayons de cette unique étincelle. Que s’il est conduit avec soin par une femme dans la voie de l’honneur, et qu’elle y encourage ses progrès, désabusé d’une vaine et altière ambition, il finira par sentir un profond regret de toutes les erreurs dont l’amour l’a délivré, une vive reconnaissance de toutes les vertus qu’il lui doit.

Le beau sexe, vous le savez, ne voit pas toujours de l’œil le plus favorable les vertueux et les sages. Il préfère même souvent s’associer aux besoins du dissipateur, ou au délire exalté d’une ame romanesque. L’homme de bien n’a pas besoin d’être excité au bien, et c’est pour cela que la suprême sagesse a placé quelque indulgence pour les défauts de l’homme dans le cœur des femmes qui sont destinées à les réformer….


Les femmes peuvent aussi, dans ces tems de galanterie (du moins les auteurs le disent), recommander les pièces de théâtre. Le prologue, grave et sévère, vient faire l’exposition d’une voix mâle avant que la pièce soit connue.

Quand elle est terminée et que vous paroissez irrités par les fautes de l’auteur, les femmes et les épilogues arrivent pour vous calmer. À la faveur de ce siècle complaisant, j’ose me présenter en liCe à mon tour, moi qui ne sais que parler et marcher sur un théâtre, et qui suis ignorante dans l’art des jeux guerriers et des combats du mélodrame. Oui, j’ose me présenter pour plaider en faveur de l’auteur ; car, si vous approuvez son premier effort, la vraie tragédie reprendra ses droits.


Bertram fut exalté parle crime, orgueilleux de l’assassinat, cruel envers tous les hommes ; et cependant la douce voix d’une femme toucha son ame de fer. Seriez-vous seuls à ne pas vous laisser attendrir ? Oubliez, à la voix d’une femme, les sévères pensées ; et que cette voix privilégiée soit la mienne !