Beautés de la poésie anglaise/Pétition d’une Souris

Née en Juin 1743-Morte le 9 Murs 1825.
Pétition d’une Souris[1]
au Docteur Priestly.


Oh ! daigne écouter ma prière,
Je suis prisonnière, ô douleur !
Que ton cœur ne soit pas de pierre
Et prends en pitié le malheur.

Car je suis ici seule et triste
Dans un cachet de fil d’archal,
Et si jusqu’à demain j’existe,
Demain sera mon jour fatal.

Si jamais tu sentis la fibre
De la liberté dans ton cœur,
Relâche-moi, je naquis libre
Ne te fais pas mon oppresseur.

Épargne une pauvre victime,
La ruse est un triste métier,
Ne va pas, par un vilain crime,
Souiller ton seuil hospitalier.

De ton festin les moindres restes
Pour moi c’est la manne du ciel,
Mais si de ces repas modestes
Tu m’interdis le casuel,


oh ! souviens-toi que la lumière
Et l’air pur que nous respirons,
Pour tout ce qui vit sur la terre
D’un Dieu créateur sont les dons.

L’esprit vraiment philosophique
Accorde à tous compassion,
Une sympathie angélique
Pour tout être, est sa passion.

Si selon la métempsycose
Tout esprit ne s’éteint jamais,
Et qu’à chaque métamorphose
Il ne perde rien—que ses traits :

En écrasant si petit être
Que moi,—prends garde, en vérité,
D’écraser un frère, un ancêtre
Ou celle qui fut—ta beauté.

Mais si le jour et la lumière
Sont les seuls liens entre nous,
Oh ! sois sensible à ma, prière
De moi détourne ton courroux.

Et puisse alors en ta demeure
Se fixer la santé, la paix,
Et puisse un plaisir à chaque heure
Germer sous ton toit désormais.

Alors quand viendra la camarde
(Homme et souris y sont sujets),
Puisse un ange t’avoir en garde,
Et te sauver des farfadets !

  1. Trouvée dans la souricière où la souris avait été enfermée toute la nuit.