Beautés de la poésie anglaise/Le Monde
Le monde est une bulle d’air,
Et l’homme est bien moins qu’un éclair ; –
Conçu dans le péché dès le sein de sa mère
Jusqu’à la tombe il traîne sa misère ;
Maudit dès son berceau l’homme un jour parvient-il
Jusqu’à l’âge viril,
Les soucis, les chagrins, le suivent par derrière, –
Qui s’attache à la vie – écrit sur la poussière !
Cependant tant que nous vivons
Où peut-on mieux vivre ?… voyons :
À la cour ? Mais la cour, c’est une école faite
Pour élever niais à la brochette.
À la campagne ?… oh ! non – La campagne, entre nous,
Est un pays de loups :
À la ville ?… encor moins, c’est un égoût de vices
Qui roule dans ses flots toutes les immondices.
L’homme en ménage a maintefois
Maux de tête fort discourtois :
Qui vit seul en garçon a peine à se suffire,
Et c’est vraiment tomber de mal en pire :
L’un voudrait des enfants, l’autre en ayant trop jà
Les voudrait… à Riga !
Avoir ou n’avoir pas de femme au bout du compte
C’est servage pour un – ou pour deux c’est mécompte.
Esclaves de tous nos désirs
Nos goûts deviennent nos martyrs :
Aller courir les mers pourquoi ?… pour une figue !
Foin du plaisir, c’est péril, et fatigue :
Quand cessent à la fin guerres qui font vain bruit,
Toujours il nous en cuit ;
Il ne nous reste donc qu’à pleurer la misère
D’être né, pour sitôt retourner à la terre !