Beautés de la poésie anglaise/L’Esprit fait la Noblesse

Anonyme
Traduction par François Chatelain.
Beautés de la poésie anglaiseRolandivolume 1 (p. 13-14).


L’Esprit fait la Noblesse.

SONNET

Jadis dans les vieux temps de féodalité
Où la force du bras était une puissance,
Quand joûtes et tournois seuls gagnaient la Beauté,
Que le reste était impuissance :
Qu’on n’était vertueux que quand on était fort,
Qu’assujettir un peuple était une prouesse
Qui vous faisait du coup héros… triple sabord !
Oui, la force était la noblesse !

Mais alors que lassé du train-train Chevalier
Le monde fut courir sus à l’amour du lucre,
Que la force brutale et le brutal acier
Durent tous deux se fondre en sucre ;
Le rude travailleur, celui qui sut le mieux
Utiliser son temps, car le temps c’est richesse,
Obtint l’or et le rang,—insignes précieux…
Le similor de la noblesse !

Or la force brutale ayant son coup de bas,
Il faut que fait aussi la stupide opulence ;
La raison s’éveillant, de tous nos parias
Réveillera l’intelligence :
Et l’on verra surgir une fraternité
Qui fondra l’univers en une seule espèce,
Et qui fera sentir à notre humanité
Que sang pur—vaut mieux que noblesse !

Au ciel porte tes yeux, Toi qui des oppresseurs
Fus dans tous les pays la proie et la victime,
C’est par l’affliction que se font les grands cœurs
Que des cieux on touche à la cime !
Connais bien ton pouvoir ! sache garder ta foi,
L’avenir t’appartient, reçois en la promesse,
Et ne fais le pied plat devant Seigneur ni Roi,
Car l’Esprit seul fait la noblesse !