C. Lahure (p. 83-87).

XVI

L’ESPION.


Le coup de pistolet tiré par le Bison-Blanc n’avait pas produit tout le résultat que sans doute celui-ci en espérait.

L’homme avait été touché, il est vrai, mais la précipitation que le chef avait été obligé de mettre en déchargeant son arme, avait nui à la sûreté de son coup d’œil, et l’écouteur en avait été quitte pour une légère blessure : la balle, mal dirigée, lui avait fait une éraflure au crâne, qu’elle avait simplement labouré, tout en causant, à la vérité, une assez forte hémorragie.

Cependant cet avertissement tant soit peu brutal avait suffi à l’espion, qui avait compris qu’il était démasqué et qu’un plus long séjour en cet endroit amènerait inévitablement une catastrophe ; aussi avait-il trouvé, selon la locution indienne, des pieds de gazelle pour s’enfuir au plus vite.

Après une course de quelques minutes, certain d’avoir dépisté ceux qui auraient eu la fantaisie de le suivre, il s’arrêta afin de reprendre haleine et de panser sa blessure qui, bien que dénuée de gravité, saignait beaucoup.

Tout en reprenant haleine, il promena un regard inquiet autour de lui.

La prairie était calme et solitaire.

Une neige épaisse, qui depuis une heure environ tombait à flocons pressés, avait contraint tous les habitants de l’Atepelt à chercher un abri dans leurs tentes.

L’explosion du pistolet n’avait causé aucune panique ; les Peaux-Rouges, habitués aux rixes nocturnes dans leurs villages, ne s’en étaient pas autrement inquiétés, nul n’avait bougé.

On n’entendait d’autre bruit que les aboiements de quelques chiens attardés et les cris rauques et saccadés des bêtes fauves qui vaguaient dans la prairie en quête d’une proie.

L’espion, rassuré par le calme qui régnait autour de lui, s’occupa sans plus attendre à panser sa blessure, tout en rendant intérieurement grâce à cette neige qui, en tombant, effaçait les traces de sang qu’il avait laissées dans sa fuite.

« Allons, murmura-t-il à demi-voix, je ne saurai rien encore cette nuit, le génie du mal protège ces hommes ; rentrons au calli. »

Il jeta un dernier regard dans la campagne, et se prépara à partir.

Au même instant, une ombre blanche, glissant sur la neige comme un fantôme, passa à une faible distance de lui.

« Qu’est cela ? murmura l’Indien, saisi tout à coup par une crainte superstitieuse, la Vierge des Heures-Noires vient-elle donc errer dans le village ? quel malheur effroyable nous menace donc ? »

Et l’Indien pencha le corps en avant, tendit le cou, et, comme attiré par une force supérieure, il suivit des yeux l’étrange apparition dont les blancs contours se fondaient déjà au loin dans les ténèbres.

« Cette créature ne marche pas, murmura-t-il avec épouvante, ses pieds ne laissent nulle empreinte sur la neige, elle semble planer sur la terre ! est-ce donc un génie ennemi des Pieds-Noirs ? Ceci cache un mystère que je veux éclaircir. »

L’instinct de l’espion surexcitant encore la curiosité de l’Indien, celui-ci oublia pour un moment sa terreur et s’élança résolument à la suite du fantôme.

Au bout de quelques minutes, l’ombre ou le spectre s’arrêta et regarda autour de lui avec une visible indécision.

L’Indien, pour ne pas être découvert, n’eut que tout juste le temps de se cacher derrière la muraille d’un calli ; mais un rayon blafard de la lune, glissant entre deux nuages, avait pendant une seconde éclairé le visage de celle qu’il poursuivait.

« Fleur-de-Liane ! » murmura-t-il, en étouffant avec peine un cri de surprise.

En effet c’était elle qui errait ainsi au milieu des ténèbres.

Après quelques minutes d’hésitation, la jeune fille releva la tête et marcha résolument vers un calli dont elle releva la peau de bison d’une main ferme.

Elle entra et laissa retomber derrière elle le rideau.

L’Indien bondit jusqu’au calli, en fit le tour, planta son couteau jusqu’à la poignée dans le mur, retourna deux ou trois fois la lame, afin d’agrandir le trou, puis, appuyant son visage à cette oreille de Denys d’un nouveau genre, il écouta.

Le silence le plus complet continuait à régner dans le village.

Au premier pas que fit la jeune fille dans la hutte, une ombre se dressa subitement devant elle, et une main tomba sur son épaule.

Instinctivement elle recula.

« Que voulez-vous ? » demanda une voix menaçante.

Cette question était faite en français, ce qui la rendait doublement inintelligible pour la jeune Indienne.

« Répondez, ou je vous brûle la cervelle, » reprit la voix toujours aussi menaçante.

Et l’on entendit le bruit sec produit par l’échappement de la détente d’un pistolet qu’on arme.

« Ooah ! répondit à tout hasard la jeune fille de sa voix douce et mélodieuse ; je suis une amie.

— Il est évident que c’est une femme, grommela le premier interlocuteur ; c’est égal, soyons prudent. Que diable vient-elle faire ici ?

— Eh ! s’écria tout à coup Balle-Franche, réveillé en sursaut par cette courte altercation ; que se passe-t-il donc ici ? À qui en avez-vous, Ivon !

— Ma foi ! je ne sais pas ; je crois que c’est une femme.

— Eh ! eh ! dit en riant le chasseur, voyons donc un peu ; ne la laissez pas s’échapper.

— Soyez tranquille, reprit le Breton, je la tiens. »

Fleur-de-Liane restait immobile, sans essayer un geste pour se débarrasser de l’étreinte de l’homme qui la tenait.

Balle-Franche se leva, il alla en tâtonnant au foyer, s’accroupit auprès, et, avec son souffle, chercha à le raviver.

Ce fut l’affaire de quelques minutes ; le feu couvait sous la cendre ; quelques brassées de bois mort, jetées dessus, l’eurent bientôt rallumé. Une flamme brillante s’éleva presque immédiatement et illumina l’intérieur de la hutte.

« Tiens ! tiens ! s’écria le chasseur avec étonnement ; soyez la bienvenue, jeune fille ; que cherchez-vous donc ici ? »

L’Indienne rougit et répondit en baissant les yeux :

« Fleur-de-Liane vient visiter ses amis, les visages pâles.

— L’heure est singulièrement choisie pour une visite, mon enfant, reprit le Canadien avec un sourire ironique. C’est égal, continua-t-il, en s’adressant au Breton, lâchez-la, Ivon ; cet ennemi, si c’en est un, n’est pas bien à redouter. »

Celui-ci obéit de mauvaise grâce.

« Approchez-vous du feu, jeune fille, dit le chasseur ; vos membres sont glacés ; lorsque vous serez réchauffée, vous m’informerez de la cause de votre présence à cette heure avancée. »

Fleur-de-Liane sourit tristement et s’accroupit devant le feu.

Balle-Franche prit place auprès d’elle.

L’Indienne avait d’un regard exploré l’intérieur de la hutte, et aperçu le comte dormant paisiblement sur un monceau de fourrures.

La vie entière de Balle-Franche s’était écoulée au désert ; élevé dans une tribu indienne, il connaissait à fond le caractère des Peaux-Rouges, il savait que la circonspection et la prudence sont les deux qualités principales qui les caractérisent ; que, dans aucune circonstance, un Indien ne tente une démarche sans en avoir d’abord calculé dans sa tête toutes les conséquences, et que ce n’est jamais sans de fortes raisons qu’il se décide à faire une chose en dehors des habitudes et des mœurs indiennes.

Le chasseur soupçonnait donc que le but de la visite de la jeune fille était important, sans cependant pouvoir deviner, sous le masque d’impassibilité qui couvrait son visage, le mobile qui la faisait agir.

Les Peaux-Rouges ne sont pas de même que les autres hommes, faciles à interroger. L’astuce et la finesse n’obtiennent aucun résultat sur ces natures défiantes, concentrées et continuellement repliées sur elles-mêmes ; le plus habile juge d’instruction de nos pays n’obtiendrait rien et serait obligé de s’avouer vaincu, après avoir fait subir à un Indien l’interrogatoire le plus serré.

Il faut user de précautions extrêmes, même vis-à-vis de ceux dont l’intention est de parler ; car dès qu’ils se voient pressés de questions, leur défiance s’éveille, leur naturel ombrageux reprend le dessus et leur bouche se ferme pour ne plus s’ouvrir, quelques instances qu’on leur fasse et quel que soit l’intérêt qu’ils auraient à parler.

Aucune des nuances du caractère soupçonneux des Peaux-Rouges n’était ignorée du chasseur ; aussi se garda-t-il de laisser supposer à la jeune fille qu’il eût un intérêt quelconque à ce qu’elle s’expliquât.

D’un geste Balle-Franche intima à Ivon l’ordre de reprendre son sommeil, ce que fit immédiatement le Breton, rassuré par un clignement d’yeux du chasseur.

La jeune fille était assise devant le feu, se chauffant d’un air distrait, tout en jetant par intervalles un regard en dessous au Canadien.

Mais celui-ci avait allumé sa pipe, et à moitié voilé par les épais nuages de fumée qui l’enveloppaient, il semblait parfaitement absorbé par la douce occupation à laquelle il se livrait.

Les deux interlocuteurs demeurèrent ainsi face à face près d’une demi-heure, sans échanger une parole.

Enfin Balle-Franche secoua le fourneau de sa pipe sur l’ongle de sa main gauche pour en faire tomber la cendre, repassa sa pipe à sa ceinture et se leva.

Fleur-de-Liane, sans paraître y attacher d’importance, suivait du coin de l’œil les mouvements du chasseur, aucun de ses gestes ne lui échappait.

Elle le vit prendre des fourrures, les porter dans un coin obscur de la hutte et là, les étendre à terre de façon à former une espèce de lit.

Puis, lorsqu’il jugea que la couche était assez douce, il jeta dessus une couverture et revint nonchalamment s’asseoir auprès du feu.

« Mon frère pâle vient de faire un lit, dit Fleur-de-Liane, en lui mettant la main sur le bras, au moment où il allait reprendre sa pipe.

— Oui, répondit-il.

— À quoi bon quatre lits pour trois personnes ? »

Balle-Franche la regarda avec une expression étonnée parfaitement jouée.

« Ne sommes-nous pas quatre ? dit-il.

— Je ne vois que les deux chasseurs pâles et mon frère ; pour qui donc est le dernier lit ?

— Mais pour ma sœur Fleur-de-Liane, je suppose, n’est-elle pas venue demander l’hospitalité à ses amis pâles ? »

La jeune fille secoua la tête d’un air négatif.

« Les femmes de ma tribu, dit-elle avec un accent de fierté blessée, ont leurs callis pour dormir et ne passent pas la nuit dans les huttes des guerriers. »

Balle-Franche s’inclina d’un air convaincu.

« Je me suis trompé, répondit-il avec respect, mettons que je n’ai rien dit, je n’ai nullement l’intention de chagriner ma sœur ; mais en la voyant entrer si tard dans ma hutte, j’ai supposé qu’elle me venait demander l’hospitalité. »

La jeune fille sourit avec finesse.

« Mon frère est un grand guerrier des visages pâles, dit-elle ; sa tête est grise, il a beaucoup de ruse, pourquoi feint-il d’ignorer la raison qui amène Fleur-de-Liane sous sa hutte ?

— Parce que je l’ignore en effet, répondit-il ; comment la saurais-je ? »

L’Indienne se tourna à demi du côté où reposait le jeune homme, et le désignant du doigt avec une moue charmante :

« L’Œil-de-Verre sait tout, fit-elle, il aura averti mon frère le chasseur.

— Je ne puis nier, répondit Balle-Franche avec un magnifique aplomb, que l’Œil-de-Verre ne sache bien des choses, mais dans cette circonstance il a été muet.

— Est-ce vrai ? demanda-t-elle vivement.

— Pourquoi le nierais-je ? Fleur-de-Liane n’est pas une ennemie pour nous.

— Non, je suis une amie, au contraire ; que mon frère ouvre ses oreilles.

— Parlez.

— L’Œil-de-Verre est puissant.

— On le dit, répondit évasivement le chasseur, trop honnête pour s’abaisser à mentir.

— Les anciens de la tribu le considèrent comme un génie supérieur aux autres hommes, disposant à son gré des événements et pouvant, s’il le veut, changer le cours des événements futurs.

— Qui dit cela ?

— Tout le monde. »

Le chasseur secoua la tête, et, serrant entre les siennes la main mignonne de la jeune fille :

« On vous trompe, enfant, lui dit-il avec bonhomie, L’Œil-de-Verre n’est qu’un homme comme les autres, le pouvoir dont on vous a parlé n’existe pas ; je ne sais dans quel but les chefs de votre nation ont fait courir ce bruit ridicule, mais c’est un mensonge que je ne dois pas laisser se propager.

— Non, le Bison-Blanc est le sachem le plus sage des Pieds-Noirs, il possède toute la science de ses pères de l’autre côté du grand lac salé, il ne peut se tromper ; n’a-t-il pas annoncé, il y a longtemps déjà, l’arrivée de l’Œil-de-Verre parmi nous ?

— C’est possible ; bien que je ne puisse deviner comment il l’a su, puisqu’il y a trois jours à peine, nous ignorions nous-mêmes que nous mettrions les pieds dans ce village. »

La jeune fille sourit avec triomphe.

« Le Bison-Blanc sait tout, dit-elle ; du reste, depuis mille lunes et beaucoup davantage, les sorciers de la nation annoncent la venue d’un homme en tout semblable à l’Œil-de-Verre ; son apparition était si bien prédite que son arrivée n’a surpris personne, puisque tous l’attendaient. »

Le chasseur reconnut l’inutilité de lutter plus longtemps contre une conviction si profondément gravée dans le cœur de la jeune fille.

« Bon, répondit-il, le Bison-Blanc est un sachem très-sage ; quelles sont les choses qu’il ignore ?

— Aucune ! N’est-ce pas lui qui a prédit que l’Œil-de-Verre se mettrait à la tête des guerriers peaux-rouges et les délivrerait des faces pâles de l’Est ?

— C’est juste ! » fit le chasseur qui ne savait pas un mot de ce que lui dévoilait la jeune fille, mais qui commençait à soupçonner un vaste complot ourdi avec cette science ténébreuse que possèdent si bien les Indiens, et dont la curiosité, de plus en plus éveillée par ces demi-confidences, lui faisait désirer d’en apprendre davantage.

Fleur-de-Liane le regardait avec une expression de joie naïve.

« Mon frère voit que je sais tout, dit-elle.

— C’est vrai, reprit-il, ma sœur est mieux instruite que je ne le supposais ; maintenant elle peut m’expliquer sans crainte le service qu’elle désire de l’Œil-de-Verre. »

L’Indienne jeta un long regard sur le jeune homme qui dormait toujours.

« Fleur-de-Liane souffre, dit-elle d’une voix basse et tremblante, un nuage s’est abaissé sur son esprit et l’a obscurci.

— Fleur-de-Liane a seize ans, répondit en souriant le vieux chasseur, un nouveau sentiment s’éveille en elle, un petit oiseau chante dans son cœur, elle écoute à son insu les notes harmonieuses de ce chant qu’elle ne comprend pas encore.

— C’est vrai, murmura la jeune fille, devenue subitement rêveuse, mon cœur est triste, l’amour est-il donc une souffrance ?

— Enfant, répondit mélancoliquement le chasseur, les créatures sont ainsi faites par le maître de la vie, toute sensation est une souffrance ; la joie poussée à l’extrême se résume par la douleur. Vous aimez sans le savoir : aimer c’est souffrir.

— Non, fit-elle avec un geste d’effroi, non, je n’aime pas, ou du moins de la façon que vous dites ; je suis venue, au contraire, chercher auprès de vous protection contre un homme qui m’aime, lui, mais dont l’amour me fait peur, et pour lequel je n’aurai jamais que de la reconnaissance.

— Êtes-vous bien certaine, pauvre enfant, que ce sentiment soit réellement celui que vous éprouvez pour cet homme ? »

Elle fit un signe affirmatif en baissant la tête.

Sans parler davantage, Balle-Franche se leva.

« Où allez-vous ? » lui demanda-t-elle en se redressant vivement.

Le chasseur se retourna vers elle.

« Dans tout ce que vous m’avez dit, enfant, répondit-il, il y a des choses tellement importantes, que je dois sans retard éveiller mon ami, afin qu’il puisse vous écouter à son tour, et si cela est possible vous venir en aide.

— Faites, » dit-elle avec découragement en laissant retomber sa tête sur sa poitrine.

Le chasseur s’approcha du jeune homme, et se penchant sur lui, il le toucha légèrement à l’épaule.

Le comte s’éveilla aussitôt.

« Qu’y a-t-il ? Que me voulez-vous ? dit-il en se levant et saisissant ses armes avec cette promptitude de l’homme habitué par la vie qu’il mène à toujours se tenir sur ses gardes.

— Rien qui doive vous effrayer, monsieur Édouard ; cette jeune fille désire vous parler. »

Le comte suivit la direction que lui indiquait le chasseur ; son regard rencontra celui de la jeune fille. Ce fut comme un choc électrique ; elle chancela, porta la main à son cœur, et baissa les yeux en rougissant.

Le Français s’élança vers elle.

« Qu’avez-vous ? À quoi puis-je vous être bon ? » lui dit-il.

Au moment où elle allait répondre, la portière fut levée, un homme bondit tout à coup par-dessus le corps d’Ivon et se trouva au milieu de la hutte.

Cet homme était l’espion.

Le Breton, réveillé en sursaut, s’élança vers lui ; mais l’Indien le retint d’une main ferme.

« Alerte ! dit-il.

— Le Loup-Rouge ! s’écria avec joie la jeune fille en se plaçant devant lui ; abaissez vos armes, dit-elle, c’est un ami.

— Parlez, » fit le comte en remettant à sa ceinture le pistolet qu’il en avait retiré.

L’Indien n’avait pas fait un geste pour se défendre ; il avait attendu, impassible, le moment de s’expliquer.

« Voici Natah-Otann, dit-il en se tournant vers la jeune fille.

— Oh ! je suis perdue s’il me trouve ici !

— Que m’importe cet homme ! s’écria le comte avec hauteur.

— De la prudence, fit Balle-Franche en s’interposant ; êtes-vous un ami, Peau-Rouge ?

— Demandez à Fleur-de-Liane, répondit-il dédaigneusement.

— Bon ; alors vous venez pour la sauver ?

— Oui.

— Vous devez avoir un moyen ?

— J’en ai un.

— Je ne comprends pas du tout, disait à part lui Ivon, confondu de tout ce qu’il voyait : quelle nuit !

— Hâtez-vous, dit le comte.

— Ni Fleur-de-Liane ni moi ne devons être vus ici, reprit le Loup-Rouge ; Natah-Otann est mon ennemi ; c’est entre nous une guerre à mort : jetez toutes ces fourrures sur la jeune fille. »

Fleur-de-Liane, accroupie dans un coin, disparut bientôt sur les peaux amoncelées sur elle.

« Hum ! l’idée est bonne, murmura Balle-Franche, et vous, comment allez-vous faire ?

— Voyez. »

Le Loup-Rouge se plaça contre la peau de bison qui servait de portière, et se dissimula au milieu des plis.

« C’est ma foi vrai, fit Ivon, voyons comment il se sortira de là. »

À peine ces diverses dispositions étaient-elles prises, que Natah-Otann parut sur le seuil de la porte.

« Déjà levés ! » dit-il avec étonnement, en promenant un regard soupçonneux autour de lui.

Et il s’avança rapidement vers le comte, qui l’attendait immobile au milieu de la hutte.

Le Loup-Rouge profita de ce mouvement pour sortir sans être vu du chef.

« Je viens prendre vos ordres pour la chasse, » continua Natah-Otann.