Ballades et Chants populaires de la Roumanie/XXIII


Ballades et Chants populaires de la Roumanie (principautés danubiennes)E. Dentu (p. 143-158).


XXIII

LE MONASTÈRE D’ARGIS 75


I


Le long de l’Argis 76
Sur un beau rivage,
Passe Negru Voda 77
Avec ses compagnons,
Neuf maîtres maçons,
Et Manol, dixième,
À tous supérieur.
Ensemble ils vont choisir
Au fond de la vallée
Un bel emplacement
Pour un monastère.

Voici qu’en chemin
Ils firent rencontre,
D’un jeune berger
Jouant de la flûte,
Jouant des doïnas.
Et l’apercevant,
Le prince lui dit :

« Gentil bergeret,
« Joueur de doïnas,
« Tu as rencontré
« Le cours de l’Argis
« Avec ton troupeau ;
« Tu as descendu
« Le cours de l’Argis
« Avec tes moutons.
« N’aurais-tu point vu
« Par où tu passas,
« Un mur délaissé
« Et non achevé,
« Dans le vert fouillis
« Des noisetiers ? »
— « Oui, prince, j’ai vu
« Par où j’ai passé
« Un mur délaissé
« Et non achevé ;
« Mes chiens à sa vue
« Se sont élancés
« En hurlant à mort, 78
« Comme en un désert. »

Le prince à ces mots
Devient tout joyeux

Et repart soudain,
Allant droit au mur
Avec ses maçons,
Neuf maîtres maçons,
Et Manol, dixième,
À tous supérieur.
« Voici le vieux mur ;
« Ici je choisis
« Un emplacement
« Pour un monastère.
« Or, vous, mes maçons,
« Mes maîtres maçons,
« Jour et nuit en hâte
« Mettez-vous à l’œuvre ;
« Afin de bâtir ;
« D’élever ici
« Un beau monastère
« Sans pareil au monde.
« Vous aurez richesses
« Et rangs de boyards ;
« Ou sinon, par Dieu !
« Je vous fais murer,
« Murer tout vivants
« Dans les fondements.


II


Les maçons en hâte
Tendent leurs ficelles,
Prennent leurs mesures
Et creusent le sol ;
Bientôt ils bâtissent
Bâtissent un mur.
Mais tout le travail du jour
Dans la nuit s’écroule ;
Le second jour de même ;
Le troisième, de même ;
Le quatrième, de même.
Leurs efforts sont vains,
Car tout le travail du jour,
Dans la nuit s’écroule.
Le prince étonné
Leur fait des reproches ;
Puis dans sa colère
De nouveau menace
De les murer tous
Dans les fondements.
Les pauvres maçons
Se remettent à l’œuvre,
Et travaillent en tremblant,

Et tremblent en travaillant,
Tout le long d’un jour d’été,
D’un grand jour jusqu’au soir.
Voilà que Manol
Quitte ses outils,
Se couche et s’endort
Et fait un rêve étrange.
Puis soudain se lève,
Et dit ces paroles :
« Vous, mes compagnons,
« Neuf maîtres maçons,
« Savez-vous quel rêve
« J’ai fait en dormant ?
« Une voix du ciel
« M’a dit clairement
« Que tous nos travaux
« Iront s’écroulant,
« Jusqu’à ce qu’ensemble
« Nous jurions ici
« De murer dans le mur,
« La première femme,
« Épouse ou sœur,
« Qui apparaîtra
« Demain à l’aurore,
« Apportant des vivres
« Pour l’un d’entre nous.
« Donc si vous voulez
« Achever de bâtir
« Ce saint monastère,
« Monument de gloire,
« Jurons tous ensemble
« De garder le secret,

« Jurons d’immoler,
« De murer dans le mur
« La première femme,
« Épouse ou sœur
« Qui apparaîtra
« Demain à l’aurore.


III


Voici qu’à l’aurore
Manol s’éveille,
Et en s’éveillant
Il grimpe aussitôt
D’abord sur la haie ;
Puis il monte encore
Sur l’échafaudage,
Et regarde au loin,
Les champs et la route.
Mais qu’aperçoit-il ?
Qui voit-il venir ?
C’est sa jeune épouse
La Flora des champs.
Elle se rapprochait
Et lui apportait
Des mets à manger
Et du vin à boire.
Manol la voit ;
Lors sa vue se trouble,
Et saisi d’effroi,
Il tombe à genoux,
Joint les mains et dit :


« Ô Seigneur, mon Dieu !
« Répands sur la terre
« Une pluie écumante
« Qui trace des ruisseaux,
« Et creuse des torrents ;
« Que les eaux se gonflent
« Pour monder la plaine,
« Et forcent ma femme
« De rebrousser chemin. »

Dieu prend pitié,
Et à sa prière,
Assemble les nuages
Qui dérobent le ciel.
Soudain il en tombe
Une pluie écumante,
Qui trace des ruisseaux
Et coule en torrents.
Mais elle ne peut
Arrêter l’épouse
Qui toujours avance,
Traverse les eaux
Et toujours approche.
Manoli la voit
Et son cœur gémit ;
Il s’incline encore
Joint les mains et dit :

« Ô Seigneur, mon Dieu !
« Déchaîne un grand vent
« Au loin sur la terre,
« Qui torde les platanes,

« Dépouille les sapins,
« Renverse les montagnes,
« Et force ma femme
« De s’en retourner
« Loin dans la vallée. »

Dieu prend pitié,
Et à sa prière
Déchaîne un grand vent
Du ciel sur la terre ;
Le vent souffle, siffle,
Il tord les platanes,
Dépouille les sapins
Renverse les montagnes ;
Mais il ne peut encor
Arrêter l’épouse
Qui toujours avance,
Fait de longs circuits.
Mais toujours approche,
Approche, ô malheur !
Du terme fatal.


IV


Pourtant les maçons,
Neuf maîtres maçons,
Éprouvent à sa vue
Un frisson de joie,
Tandis que Manol
La douleur dans l’âme
La prend dans ses bras,
Grimpe sur le mur
L’y dépose, hélas !
Et lui parle ainsi :
« Reste, ma fière amie,
« Reste ainsi sans crainte,
« Car nous voulons rire,
« Pour rire te murer. »
La femme le croit
Et rit de bon cœur,
Tandis que Manol,
Fidèle à son rêve,
Soupire et commence
À bâtir le mur.

La muraille monte
Et couvre l’épouse,
Jusqu’à ses chevilles,
Jusqu’à ses genoux.
Mais elle, la pauvrette,
A cessé de rire ;
Et saisie d’effroi
Se lamente ainsi :

« Manoli, Manol,
« Ô, maître Manol !
« Assez de ce jeu
« Car il est fatal.
« Manoli, Manol,
« Ô, maître Manol !
« Le mur se resserre
« Et brise mon corps. »

Manoli se tait
Et bâtit toujours.
Le mur monte encore
Et couvre l’épouse
Jusqu’à ses chevilles
Jusqu’à ses genoux,
Et jusqu’à ses hanches,
Et jusqu’à son sein.
Mais elle, oh ! douleur !
Pleure amèrement
Et se plaint toujours :

« Manoli, Manol,
« Ô, maître Manol !

« Assez de ce jeu,
« Car je vais être mère.
« Manoli, Manol,
« Ô, maître Manol !
« Le mur se resserre
« Et tue mon enfant.
« Mon sein souffre et pleure
« Des larmes de lait. »

Mais Manol se tait
Et bâtit toujours.
Le mur monte encore
Et couvre l’épouse
Jusqu’à ses chevilles,
Jusqu’à ses genoux,
Et jusqu’à ses hanches,
Et jusqu’à son sein,
Et jusqu’à ses yeux,
Et jusqu’à sa tête ;
Si bien qu’aux regards
Elle disparaît,
Et qu’à peine encore
On entend sa voix
Gémir dans le mur :

« Manoli, Manol,
« Ô, maître Manol !
« Le mur se resserre
« Et ma vie s’éteint. »


V


Le long de l’Argis
Par un beau rivage,
Negru Voda vient
Faire ses prières
Au saint monastère,
Monument de gloire
Sans pareil au monde.
Le grand prince arrive,
Et en le voyant
Devient tout joyeux
Et s’exprime ainsi :

— « Vous les architectes,
« Les maîtres maçons,
« Déclarez ici,
« La main sur le cœur,
« Si votre science
« Peut me construire
« Un autre monastère,
« Monument de gloire
« Plus grand et plus beau ! »

Les maîtres maçons,
Les dix architectes,

Perchés sur le toit
Se sentent à ces mots,
Tout joyeux, tout fiers,
Et répondent ainsi :

« Il n’existe pas
« Ici sur la terre,
« Pareils à nous dix,
« Dix maîtres maçons.
« Sachez qu’à nous dix
« Nous pouvons bâtir
« Un autre monastère,
« Plus grand et plus beau ! »

Le prince à ces mots
Devient tout pensif ;
Puis avec un méchant rire
Soudain il commande
Qu’on brise l’échelle
Et l’échafaudage,
Et qu’on abandonne
Là-haut sur le toit
Les pauvres maçons
Afin qu’ils expirent.
Mais eux à l’instant,
Sans perdre la tête,
Tiennent un conseil,
Et se construisent
Des aîles volantes
Avec des planchettes,
Et puis les étendent
Et volent dans l’air.

Mais, hélas ! ils tombent,
Et après leur chute
Se changent en pierres.
Or, quant à Manol,
Au maître Manol,
Juste au moment même
Où il prend l’élan,
Voici qu’il entend
Sortir des murailles
Une voix chérie,
Faible et étouffée,
Qui pleure et gémit ;
Et se plaint ainsi :

« Manoli, Manol,
« Ô, maître Manoli !
« Le mur froid m’oppresse,
« Et mon corps se brise,
« Et mon sein s’épuise,
« Et ma vie s’éteint. »

À ces mots touchants
Manoli pâlit ;
Son esprit se trouble,
Ses regards se voilent ;
Il voit tout tourner,
Ciel, terre et nuages ;
Et du haut du toit
Il tombe soudain.
La place où il tombe
Se creuse en fontaine,
Fontaine d’eau claire,

Amère et salée ;
Eau mêlée de larmes,
De larmes amères !


NOTES


I

LA PETITE BREBIS


1. C’est-à-dire un Roumain de la Transylvanie ; dans son ignorance, l’habitant des provinces danubiennes confond très-souvent le Transylvain, son frère par le sang et par la langue, avec le Hongrois qui se l’est incorporé.


2. Vrantcha est un arrondissement du district de Poutna, en Moldavie, sur le penchant des Carpathes, dont les habitants forment entre eux une sorte de fédération patriarcale et ont conservé dans leur costume, comme dans leurs habitudes, le type primitif du Moldave.


3. Birsa, village des environs de Cronstadt en Transylvanie ; on appelle brebis birsane, celle qui marche en tête du troupeau.


4. Dans la cérémonie du mariage selon le rite grec, il est d’usage que les pères, assis, tiennent dans leurs mains, pendant quelques minutes, les couronnes de fleurs ou d’or émaillé dont le prêtre orne le front des jeunes mariés.


5. Ce passage admirable de la ballade où le poëte fait assister toutes les merveilles de la création à la consécration de l’union de l’homme avec la mort, rappelle une description analogue dans Atala.


6. Le portrait que la mère fait de son enfant est, dans l’original, un chef-d’œuvre de sentiment, d’harmonie poëtique et de concision :

Mindru ciobanel
Tras pintr’ un inel ;
Perișorul luĭ,
Pana corbuluĭ ;
Mustețĭoara luĭ
Spicul griuluĭ ;
Ochișoriĭ luĭ
Mura cămpuluĭ ;
Fețișoara luĭ
Spuma lapteluĭ.

Un beau petit berger
Tiré par une bague ;
Ses gentils cheveux,
Plume de corbeau ;
Sa fine moustache,
Épi du blé ;
Ses gentils yeux,
Mûres des champs ;
Sa gentille figure,
Écume du lait.

Tous les mots de la langue roumaine sont susceptibles de diminutifs, comme dans l’italien, et, dans ce cas, ils deviennent des termes caressants. Pour rendre en français le véritable sens des mots perisori, cheveux ; ochisori, yeux ; fetisoara, figure, etc., nous avons ajouté l’adjectif gentil à tous les mots correspondants dans la traduction.


7. La fin de cette ballade manque ; toutes nos recherches pour la découvrir ont été jusqu’à ce jour infructueuses.




II

HERCULE


8. Cette ballade est une des plus anciennes et des plus intéressantes, par rapport à l’allégorie mythologique qui en fait le fond. Elle reporte la pensée aux temps de la domination romaine en Dacie, alors que les bains d’Hercule situés dans le banat de Témesvar, et connus aujourd’hui sous le nom de Méhadia, étaient célèbres parmi les colons de Trajan. La jeune fille, « douce, attrayante et cachée dans l’ombre d’un rocher » personnifie la source minérale, qui a conservé après deux mille ans, le nom de « Source d’Hercule. »


9. La Tcherna, petite rivière encaissée dans une gorge romantique des Carpathes Transylvaines et qui se jette dans le Danube à côté de la ville d’Orsova. L’établissement des bains de Méhadia, s’élève sur les bords de ce petit torrent. La route qui y conduit en partant d’Orsova traverse une contrée montagneuse des plus pittoresques et très-riche en souvenirs romains.


10. Il est vraisemblable que le poëte a voulu personnifier, dans ces trois jeunes filles, les trois grandes parties de la Dacie, c’est-à-dire la Transylvanie, la Valachie et la Moldavie qui s’étendait anciennement jusqu’au Dniester, et possédait une partie du littoral de la Mer Noire.




III

LE DRAGON


11. La race des chevaux de la Dobrodja était célèbre autrefois.


12. Les femmes roumaines ont pour habitude d’endormir leurs enfants avec des strophes douces et mélancoliques, qui commencent et se terminent presque toujours par le mot nani nani.

Nani-nani copilas,
Dormĭ cu mama, angeras,
Ca mama te-a legana,
Si mama te-a saruta,
Si mamuca țĭ a canta
Nani-nani, nani-na, etc.

Nani-nani, petit enfant,
Dors, cher ange, près de ta maman,
Car ta maman te bercera
Et ta maman t’embrassera
Et ta maman chantera
Nani-nani, nani-na… etc.

Ce refrain rappelle la strophe que les femmes chantent en Italie, le jour de Noël :

Dormi, dormi nel mio seno
Dormi, o ! mio fior Nazareno,
Il mio cor culla sara,
Fa la nina-nana na.


13. Paloche, épée à deux tranchants.


14. Devenir frères en croix ou frères de la croix est un usage antique dont les contes et les ballades populaires font souvent mention. Ce lien sacré imposait à ceux qui le formaient, le devoir de se sacrifier les uns pour les autres. On devenait frères en croix après avoir accompli certaines formules mystérieuses et après avoir surtout opéré le mélange du sang. Cette opération cabalistique consistait à se faire sur le bras droit des incisions en forme de croix, et à mélanger ainsi le sang de son frère avec le sien. Les peuplades à demi sauvages de l’Épire, de la Thessalie, du Monténégro, ont de même, leurs frères faits (adelphopoiêtoi.)

Tout porte à croire que cet usage, qui se perd de nos jours, remonte à certaines traditions de franc-maçonnerie du temps des Croisades, ou bien qu’il se rattache aux signes mystérieux adoptés sous l’empire romain par les premiers chrétiens.




IV

LA MALÉDICTION


15. Cette malédiction est connue dans la Roumanie sous le nom, de « la malédiction des hirondelles ; » elle atteint, à ce que l’on croit, ceux qui détruisent les nids de ces oiseaux.


16. Le boutouk est une espèce de cangue, dans laquelle on emprisonne les pieds des condamnés, pour les empêcher de se sauver. Lorsqu’on découvrit la prison dans les fouilles de Pompei, on découvrit un grand boutouk en bronze.




V

LE VOILE ET L’ANNEAU


17. Zméi, animaux fantastiques, qui jouent un grand rôle dans les superstitions et les légendes populaires.




VI

BOUJOR


18. Le nom de ce brigand est très-populaire en Moldavie ; le peuple parle de lui avec admiration et respect : car s’il était impitoyable pour les employés de l’État et les boyards, il était au contraire fort généreux envers les paysans et les malheureux. Boujor signifie pivoine ; c’est un sobriquet que lui a valu la couleur de ses cheveux roux.


19. La plupart des chants populaires commencent par ces mots : Feuille verte de noisetier, ou de chêne, ou de muguet, ou de sapin, etc ; cette introduction semble étrange, mais en voici l’explication :

La fleur ou l’arbre, dont le poëte populaire arrache une feuille pour la mettre au front de son petit poëme, doit avoir quelque analogie symbolique avec le sujet même du chant, en sorte que, sous une forme allégorique, la feuille de telle ou telle fleur, de tel ou tel arbre, joue le même rôle que l’invocation des poëmes antiques, invocation qui sert d’explication du sujet. Ainsi le poëte veut-il chanter un brave brigand ? Il choisira parmi les arbres de la forêt, celui qui donnera le mieux l’idée de la force, et il commencera nécessairement par la feuille verte du chêne ; plus loin, dans le cours même de la légende, le brigand arrive-t-il au terme de sa vie, le poëte fera figurer la feuille verte du sapin, l’arbre de la mort. S’agira-t-il au contraire d’une jeune fille ? Le chant commencera par la feuille verte de la rose, ou par la feuille du muguet, ou par la feuille de la violette, etc.

Tel a été, dans le principe, le sens de cette allégorie poétique ; mais plus tard les troubadours Cigains qui parcourent le pays, ont abusé de la formule et en ont fait une licence poétique qu’ils ont poussée souvent jusqu’à l’extravagance.


20. Ciocoï est un terme de mépris dont le peuple stigmatise ses oppresseurs, tels qu’employés de l’État, boyards, etc. ; ce mot signifie valet, homme vil, pied-plat.


21. Fokchani, ville frontière située entre la Moldavie et la Valachie.


22. La vedritza est une mesure de vin contenant près de vingt litres.


23. La potira, espèce de maréchaussée irrégulière, chargée de poursuivre les bandes de brigands ; avant la nouvelle organisation des principautés, la potira était composée d’un ramassis d’Albanais aux gages des princes régnants.




VII

LE COUCOU ET LA TOURTERELLE


24. Ces deux oiseaux figurent souvent dans les chants populaires. Le coucou est entouré d’un certain prestige mystérieux, aux yeux du peuple roumain, et son chant est considéré comme un signe de bon ou de mauvais augure, selon qu’il résonne à droite ou à gauche de celui qui l’entend.


25. Une des pratiques de dévotion le plus en usage chez les Grecs, consiste à faire le tour de l’Église et à baiser successivement, en s’accompagnant d’un signe de croix, toutes les petites images de saints qui décorent la muraille à hauteur d’homme.




VIII

L’OMBRE


26. La cofitza est un vase en bois blanc, qui sert à puiser de l’eau aux fontaines.




IX

LE ROUMAIN GROUÉ GROZOVAN


27. Cette ballade date du XVe siècle, alors que les Moldaves étaient en guerres continuelles avec les Tatares, leurs voisins, et qu’ils faisaient souvent des invasions désastreuses les uns chez les autres, mettant tout à feu et à sang sur leur passage et emmenant en esclavage les femmes et les enfants.


28. Yalpeou, rivière de la Bessarabie.


29. Zméines, femelles des Zméi. (Note 17e.)


30. Zermines, monstres femelles de la même famille que les zméines.


31. Mirzas, nom donné aux Tatares de sang noble.


32. Le Boudjiak est la partie basse de la Bessarabie.


33. Le Boudjiak produisait anciennement une race de chevaux sauvages, petits et nerveux, renommés dans toutes les contrées danubiennes par leur agilité.




X

LE SOLEIL ET LA LUNE


34. La belle Hélène aux cheveux dorés, est une image des plus poétiques que l’imagination populaire ait jamais créées ; elle sert de terme de comparaison à ce qu’il y a de plus gracieux, de plus tendre et de plus noble dans le monde. Hélène est la charmante héroïne de tous les contes populaires.


35. Dans les cérémonies du mariage, la jeune fiancée est couronnée de longues tresses de fil d’or. Cet ornement, à la fois riche et gracieux, tient lieu du voile.




XI

NOVAK ET LA FILLE DU KADI


36. Hadji, titre que prennent, dans le Levant, les fidèles, musulmans ou chrétiens, qui ont accompli le pélerinage soit de la Mecque, soit de Jérusalem.


37. Komanak, sorte de calotte en feutre noir.


38. Zméou, singulier de zméi ; voyez la note 17.


39. Cadines, dames turques.


40. Kahvènè, café public chez les Turcs.


41. Faire kèf, expression intraduisible dans notre langue, de même que la chose qu’elle représente n’a point d’analogue dans nos mœurs. Le kèf, c’est la volupté suprême pour les Orientaux, quelque chose comme il dolce far niente des Napolitains, mais plus complet, plus absorbant.




XIII

LE PAON DES FORÊTS


42. Le mot roumain paounach signifie allégoriquement un jeune homme beau, fier et mystérieux comme le dieu Pan, le dieu des forêts. Or, dans un pays où l’on trouve tant de vestiges romains, il ne serait peut-être pas trop hasardeux de croire que le nom du dieu Pan se soit conservé dans la mémoire du peuple, et ait été confondu, assimilé après des siècles, avec celui de l’oiseau de Junon. On voit figurer dans les contes populaires des Roumains, les dieux Jupiter, Mercure, Vénus : ne serait-on pas en droit de reconnaître le dieu Pan, le dieu des forêts, dans le héros de cette ballade !


43. Ma richesse, c’est-à-dire, ma force. Un proverbe populaire dit : Putere, avere (Pouvoir, avoir), pour dire que le trésor le plus précieux pour un homme, c’est la valeur.




XIV

CODRÉAN


44. Movileou, ancienne Ville de Bessarabie.


45. Sarica, manteau en gros feutre blanc ; couchma, bonnet en peau d’agneau.


46. On appelle Mokans, les habitants des montagnes qui font le métier de bergers ou celui de rouliers.


47. Oltou, rivière qui prend sa source en Transylvanie, traverse les Carpathes et la petite Valachie, et va se jeter dans le Danube.


48. Les poëtes populaires de la Roumanie excellent dans le genre descriptif, et tous les passages de leurs chants, qui peignent les courses de chevaux, sont admirables de concision, de force et de mouvement. Ainsi la course de l’alezan est décrite en deux vers, presque intraduisible et qui, dans l’original valent tout un poëme ; les voici :

Astfel murgul meŭ fugea
Vaile s ’e limpiḍea.

c’est-à-dire littéralement :

Tellement le cheval fuyait,
Les vallées se liquéfiaient.


49. La Ploska est une espèce de gourde en bois, enrichie de sculptures peintes de diverses couleurs. Les principautés danubiennes produisent des vins très généreux et qui sont appelés à devenir une branche de commerce très-importante pour ces provinces. Les crus les plus célèbres de la Moldavie, sont ceux de Kotnar, Cruce, Socola, Odobesti, etc.


50. Copoou, vaste plateau qui domine la ville de Jassi, capitale de la Moldavie, et dont la verte pelouse sert de promenade aux habitants, pendant les soirées de printemps et d’automne. — Le bois de Briazo se trouve au bout de ce plateau.


51. Le peuple croit qu’il existe des chemises de fer rendues impénétrables aux balles de plomb par l’influence des sortiléges, et que les balles d’argent ont seules le pouvoir de briser leurs mailles.


52. Ce prince a régné au commencement du XVIe siècle ; la ballade de Codréan a donc plus de deux siècles de date.


53. Bousdougan, massue en fer.


54. Une autre version de cette ballade, place un Grec du Phanar à côté du prince, au lieu d’un Turc, et fait dire à Codréan, les vers suivants qui rappellent le Timeo Danaos et dona ferentes, et qui traduisent la haine des Roumains pour les Phanariotes.

Domnule, măria ta
Tu pe Greci nuĭ asculta
Că cĭ capul ți-or manca
Grecu ’ĭ fiară veninoasă,
Grecuĭ boală lipicioasă
Ce patrunde păn la oase.

Altesse princière
N’écoute pas les Grecs,
Car ils mangeront ta tête.
Le Grec est un serpent venimeux
Le Grec est un fléau contagieux
Qui pénètre jusqu’aux os.




XV

LE CHOLÉRA


55. La rivière du Pruth, qui sépare la Moldavie de la Bessarabie, a acquis une grande célébrité en Europe, depuis que les armées russes l’ont franchie pour aller à la conquête de Constantinople, et surtout depuis que les soldats du Czar, humiliés, battus, décimés par les Turcs, se sont vus forcés de repasser ce nouveau Rubicon pour aller cacher leur honte au fond des steppes de leur pays.




XVI

LE PAUVRE SERBE


56. Mourgo, cheval bai. La race des chevaux Moldaves était tellement célèbre anciennement dans tout l’Orient que les Turcs disaient : Agem dilberi, Bogdan barghiri meckhurdir, c’est-à-dire, rien n’est beau comme un jeune Persan, et un cheval Moldave.


57. Urluks, monnaie turque.


58. Haïdar-Pacha est une plaine située près de Scutari, en Asie ; c’est dans cette plaine que se réunissent les caravanes de pèlerins, partant pour la Mecque.


59. On croit généralement dans le pays, que pour obtenir des chevaux extraordinaires, il faut les élever dans une complète obscurité jusqu’à l’âge de trois ans. Tous les coursiers célèbres, qui figurent dans les contes et les ballades populaires, tels que Cal graour, Cal Vintech, ont été élevés de cette manière, au rapport de la légende.




XVII

KIRA


60. Paftalès, agrafes ornées de pierres précieuses, qui servent à attacher les ceintures des femmes en Orient.


61. Irmiliks, monnaie turque.




XVIII

TOMA ALIMOCHE


62. Kojok, habit d’hiver, en peau de mouton.




XIX

CHALGA


63. Le boutchoum est un long tuyau en bois de cerisier, dont les bergers des montagnes tirent des sons puissants, que l’on entend à plusieurs lieues de distance ; ils se servent de cet instrument pour se donner des signaux. Au moyen âge, le boutchoum donnait le signal du combat aux troupes roumaines.


64. Bousdougan, voyez note 53.




XX

LA COLLINE DE BOURTCHEL


65. Étienne le grand, est le héros du peuple Moldave. Ce prince, dit la légende, a combattu pendant quarante ans contre les ennemis de son pays, les Tatares, les Polonais, les Hongrois et les Turcs ; il a remporté quarante victoires, et bâti quarante églises.


66. Vasloui, petite ville de la Moldavie, située non loin de Jassi.


67. Sorte d’onomatopée par laquelle les laboureurs excitent les bœufs attelés à la charrue ; le peuple roumain parle constamment aux chevaux et aux bœufs pendant les heures de travail et leur donne une foule de noms caressants.


68. Les Pantziri étaient anciennement un corps de gendarmerie.


69. Célèbre bataille que le prince Étienne remporta sur les Turcs.


70. La tradition populaire porte en effet, que le prince Étienne avait placé au sommet de la colline du Bourtchel, une sentinelle dont la voix retentissante était entendue jusqu’à Vasloui, à la distance de six lieues.




XXI

BOGDAN


71. C’est ce prince qui, fidèle au testament politique de son père, le grand Étienne, et voyant la Moldavie épuisée par quarante ans de guerres continuelles, fit acte de soumission envers la Porte, en ne reconnaissant toutefois au sultan qu’un droit de suzeraineté purement nominale. Le tribut que la Moldavie s’engageait à payer à son suzerain, consistait en quatre mille ducats, quarante chevaux de race, et vingt-quatre choïmi (éperviers) des Carpathes.


72. Hetman, commandant en chef ; vestiar, ministre des finances ; titres de grands boyards.


73. Radvan, sorte de voiture très-ancienne.




XXII

CONSTANTIN BRANKOVANO


74. Cette ballade historique date du commencement du XVIIIe siècle.




XXIII

LE MONASTÈRE D’ARGIS


75. Le monastère d’Argis fut bâti au XIIIe siècle, par Rodolphe le Noir ; on peut donc rapporter à cette époque la date de la ballade de Manoli.

Le fond de cette ballade repose sur une croyance fort accréditée dans l’esprit des Roumains et qui leur fait dire que chaque maison en pierres, chaque monument est habité par une vision effrayante, une stahié. Cette vision n’est autre chose que l’ombre courroucée de la victime, que l’on a murée dans les fondements de la bâtisse pour la rendre plus solide, car, d’après la tradition populaire, tous les monuments du pays ont eu leur victime.

De nos jours encore, les maçons placent dans les fondements des maisons qu’ils construisent, de longs roseaux avec lesquels ils ont essayé de prendre la mesure de l’ombre de quelque passant. Ce malheureux est destiné, croient-ils, à mourir au bout de quarante jours et à se métamorphoser en stahié.

Quant au nom de Manoli, il s’est conservé dans la mémoire du peuple, comme la personnification de l’art architectural, et on lui attribue la fondation de tous les monuments anciens du pays.


76. Argis, rivière de la Petite Valachie.


77. Radu Negru fondateur de la principauté de Valachie.


78. Le hurlement des chiens, ainsi que les cris plaintifs du chat-huant, sont considérés par le peuple roumain comme un présage de mort.




XXIV

MIHOU


79. Kobouz, espèce de flûte.


80. Mourguchor, diminutif de mourgo, cheval bai.


81. Un des grands plaisirs du peuple roumain, c’est celui de s’égarer dans la profondeur des bois, quand le beau temps est revenu, et de faire claquer les feuilles en les frappant d’une certaine façon particulière, entre leurs mains ; ces détonations produisent sous la voute des arbres, des effets étranges.



FIN.