Avertissement de l’éditeur (Poésies de Chaulieu)

Avertissement de l’éditeur (Poésies de Chaulieu)
Œuvres de ChaulieuPissotTome 1 (p. vii-xii).


AVERTISSEMENT DE L’ÉDITEUR.



On a souvent réimprimé les Œuvres de l’Abbé de Chaulieu depuis 1724 qu’elles ont paru pour la premiere fois : des gens de lettres, & des hommes de goût ont présidé à la plupart de ces Éditions ; malgré cela, on peut assurer qu’aucune de ces Éditions n’a été jusqu’à présent exacte, ni complette. Il est vrai que la derniere de toutes, donnée par M. de Saint-Marc en 1751, offre un Recueil plus riche que les précédentes ; mais cet Éditeur a-t-il évité les défauts dont il eut pu se garantir ? a-t-il donné aux Œuvres du Poëte tout le soin, tout l’ordre, & tous les agrémens dont elles étoient susceptibles ? Sans parler des inutilités dont son Édition est surchargée, une infinité d’omissions, de transpositions, d’altérations et de contre-sens, ont souvent défiguré l’original, & fait murmurer le Lecteur. Aux fautes des Éditeurs précédens, M. de Saint-Marc en a ajouté de nouvelles ; ce dont il sera aisé de se convaincre par les Remarques qui accompagnent l’Édition que nous publions aujourd’hui. Qu’on n’attende cependant pas de notre part une attention scrupuleuse à relever les méprises, les inexactitudes & les autres défauts qui fourmillent dans la sienne : un tel examen serait peu intéressant pour le Public, & aurait dégénéré en pures minuties. On s’est donc borné à relever les fautes les plus importantes, & encore cette espece de critique ne s’étend-elle que jusqu’au milieu du premier volume. Fatigué de cet exercice aussi puérile que rebutant, on a mieux aimé mettre les variantes, afin d’instruire par l’Auteur lui-même, plutôt que par les fautes de celui qui l’a si souvent défiguré.

L’Édition que nous donnons aujourd’hui ne sera exposee à aucun de ces reproches. Les anciens Éditeurs de l’abbé de Chaulieu ont pu être trompés par des copies infidelles, peu en ordre, & par de fausses traditions. Pour nous, nous avons eu entre les mains trois manuscrits originaux, un entre-autres qui, peu de temps avant la mort de l’Abbé de Chaulieu, a été rédigé sous ses yeux, d’après le manuscrit corrigé de sa main. Nous nous sommes particulierement attachés à celui qu’il avoit adopté, parce que c’est celui que le Poëte destinoit au Public, comme on peut en juger par la Préface composée par lui-même, & qu’on ne trouve dans aucun des manuscrits qui ont servi aux Éditions précédentes. Cette Préface est d’autant plus intéressante, qu’elle fait connaître les véritables sentimens de l’Abbé de Chaulieu. Il y convient des écarts de son imagination, mais il désavoue & condamne d’avance tous les jugemens qu’ils pourraient faire naître au préjudice de ses mœurs & de sa foi. Il veut bien se soumettre au blâme de s’être oublié quelquefois dans les transports de sa verve ; mais il rend toujours hommage aux principes qui doivent diriger l’honnête homme & le Chrétien. Trois de ses Pieces sur-tout, intitulées par lui-même, les trois manieres de penser sur la Mort, lui ont paru exiger l’interprétation. Elles en avaient besoin en effet ; c’est pourquoi le Poëte, abandonnant ses autres Ouvrages à la critique, & dédaignant la gloire attachée aux productions de l’esprit, ne permet pas qu’on insere de ces trois Pieces aucune assertion préjudiciable à son respect pour les dogmes du Christianisme & pour la Religion. C’est ce qu’il fait d’une maniere aussi louable que précise. Il revient même sur cet objet dans quelques-unes de ses Lettres, nouvelle preuve qu’on a eu tort de le placer parmi les Partisans de l’incrédulité, assertion démentie plus formellement encore par les sentimens religieux qu’il fit paraître dans sa derniere maladie.

Outre la Préface de l’Abbé de Chaulieu qui n’avait point encore été imprimée, nous sommes en droit d’annoncer qu’il y a dans notre Édition une cinquantaine de Pieces qui ne sont pas dans celle de Saint-Marc. Nous eussions pu, malgré cette augmentation, la réduire à un volume, en nous bornant aux Pieces renfermées dans le manuscrit qui nous a servi de guide, & que nous avons scrupuleusement suivi jusques dans les fautes de langue qu’il nous eût été facile de corriger ; mais pour nous proportionner au goût de tous les esprits, & ne pas donner lieu de regarder comme tronquée ou défectueuse une Édition qui ne renfermeroit pas toutes les Poésies qui ont paru sous le nom de Chaulieu, nous avons renvoyé à la fin du sécond volume les différens morceaux que M. de Saint-Marc a insérés dans la sienne. Par ce moyen on aura avec le vrai Chaulieu, quelques Pieces fugitives qui lui ont été attribuées, & que nous ne garantissons pas être de lui, mais qui cependant peuvent tenir place dans un Recueil.