Aventures merveilleuses mais authentiques du capitaine Corcoran/2/XXIX

Librairie Hachette et Cie (2p. 321-324).

XXIX

Conclusion.


Je passe sous silence les fêtes et les réjouissances qui suivirent, Corcoran, qui ne se faisait illusion sur rien, était dégoûté du pouvoir. Il n’avait vu autour de lui que trahison et lâcheté. Il résolut d’abdiquer.

« Seigneur maharajah, lui dit le fidèle Sougriva, ne nous abandonnez pas aux Anglais. On ne régénère pas un peuple en trois ou quatre ans.

— Mon ami, dit Corcoran, je suis venu aux Indes pour chercher le Gouroukaramta, et je l’ai trouvé. Je ne cherchais pas une bonne femme et une grande fortune, et je les ai trouvées aussi. Je vous ai montré comment il fallait faire pour être libre. Profitez de la leçon si vous pouvez, et faites-vous tuer plutôt que de vous laisser donner des coups de bâton. Pour moi, j’ai rempli ma tâche, et je peux désormais disposer de moi-même. J’en profite pour abdiquer et rejoindre mon ami Quaterquem. Mais, auparavant, je veux faire un legs aux Mahrattes. Avertis mon Corps législatif que j’aurai demain une communication importante à lui faire. »

Le lendemain, il entra dans la salle des séances, et prononça le discours suivant :

« REPRÉSENTANTS DU PEUPLE MAHRATTE,

« Je vous remercie de la fidélité que vous m’avez toujours montrée.

« Nous avons combattu et vaincu ensemble l’ennemi de la patrie.

« Il ne vous reste plus qu’à terminer l’œuvre commencée, — l’œuvre de votre délivrance.

« Vous avez conquis la liberté, apprenez à la défendre.

« J’abdique en vos mains, et, dès aujourd’hui, je proclame la République fédérale des États-Unis mahrattes.

« Je remets, pour trois mois, la présidence de la République nouvelle à mon fidèle et intrépide Sougriva. Passé ce temps, vous chercherez vous-mêmes un chef. Puissiez-vous trouver le plus digne !

« Je pars ; mais si jamais l’indépendance de la République mahratte est menacée, avertissez-moi. Je reprendrai mes armes et je viendrai combattre dans vos rangs.

« Adieu ! »

À ces mots, l’enthousiasme éclata de toutes parts. On voulut retenir le maharajah ; mais sa résolution était prise. Il partit le soir même avec son ami, Quaterquem, qui était venu le chercher avec la Frégate.

Louison et Moustache l’accompagnèrent dans son île, qui n’était qu’à trois lieues de l’île Quaterquem.

C’est là que Corcoran vit heureux depuis quatre ans. Un fil télégraphique joint son île à celle de son ami, et ils peuvent causer tous deux au coin du feu sans se déranger. Alice et Sita se visitent souvent, et les deux familles sont aujourd’hui très-nombreuses, car Corcoran n’a pas moins de trois garçons outre le jeune Rama, et trois filles jouent déjà sur les genoux d’Alice. Ils doivent tous venir à l’Exposition de 1867, vers le 15 ou le 20 juillet.

P. S. On prétend (mais je n’ose affirmer ou contredire ce bruit) que Corcoran n’a pas perdu de vue son ancien projet de délivrer l’Hindoustan de la domination anglaise. On m’a même communiqué tout récemment de nombreux détails sur les intelligences qu’il entretient avec les brahmines des diverses parties de la Péninsule, depuis l’Himalaya jusqu’au cap Comorin ; mais je me garderai bien de commettre une indiscrétion. Au reste, qui vivra verra.