Aventures fantastiques d’un canadien en voyage/13

P. R. Dupont, imprimeur-éditeur (p. 141-144).

XIII

on se sépare. — retour.


Il ne faut pas croire que nos quatre amis se plurent longtemps au genre de vie qu’ils menèrent à Paris. Non. Il leur fallait à eux, une vie plus active encore. Ils voulaient le danger, la vie dure, droite comme le devoir, la vie de l’aventurier enfin qui se bat partout à l’aventure dans les bois. Aussi, après quelques jours de vie joyeuse, intéressante même, à Paris, prirent-ils le parti de repartir pour un autre pays.

Mais où aller ?

C’était la grande question, le point interrogatif mystérieux.

Le nègre voulait aller en Australie.

Le Marseillais et le Parisien voulaient visiter la France.

Bernard voulait partir pour le Canada.

Après quelques jours d’une discussion vive, on arriva à cette conclusion : Williams Jicalha devait retourner à Melbourne où sa cousine l’attendait ; Dupont devait aller résider à Marseille ; le Parisien demeurerait à Paris et Bernard partirait pour le Canada.

— Nous allons en ce cas, nous séparer, fit le Canadien.

— Mais oui, dit Dupont les yeux humides, c’en a tout l’air.

— Hélas ! fit le Parisien, pourquoi sommes-nous riches !

— Bah ! philosopha le nègre, il fallait toujours en venir là ; autant vaut aujourd’hui que demain.

Sauf le Parisien qui demeurait à Paris, les autres se préparèrent au départ.

C’est à ce moment que Bernard se sépara de ses amis.

Jamais il ne devait les revoir.

Quoique né, semblait-il, uniquement pour la vie d’aventures, de dangers, la vie de soldat, Bernard, devenu riche, fut homme de société et de salon.

Il séjourna quelques semaines encore à Paris, puis se rendit à Londres.

De Londres, il s’embarqua pour l’Amérique.

Lorsqu’enfin, il toucha du pied le sol canadien, il se sentit tout à l’aise et bénit son étoile qui l’avait conservé intact, lui, le héros de tant d’aventures extraordinaires.

Parti à l’âge de trente-neuf ans, de St-Cuthbert, comté de Berthier, il y revenait à l’âge de quarante-neuf ans. Ses voyages ne l’avaient nullement fatigué. Il était tout aussi robuste, tout aussi vigoureux à son arrivée qu’il l’était à son départ.

À cinquante ans, il épousa Madame veuve Gauthier, de St-Cuthbert, où il avait définitivement établi ses pénates. Bon chrétien, croyant sincère, il termina ses jours dans la tranquillité, dans la douceur d’une vie heureuse.

Bernard aimait souvent à raconter à ceux avec lesquels il était le plus intimement en contact, les péripéties de sa vie d’aventures. Et il le faisait dans un style imagé et énergique. Il avait même écrit ou fait écrire quelques notes qu’il donna à l’auteur de cet ouvrage.

Mes lecteurs croiront peut-être que les faits que j’ai rapportés jusqu’ici sont imaginés. Bernard Riberdy, lui-même, me les a racontés, m’assurant qu’il en avait bel et bien été le héros.

Le lecteur sera-t-il intéressé à connaître les côtés saillants de la vie intime de Bernard Riberdy, la part active qu’il prit aux luttes politiques de son Comté ?

Peut-être oui, peut-être non.

Quoi qu’il en soit, nous écrirons un jour l’histoire de la vie toute originale qu’a menée Bernard Riberdy, à St-Cuthbert, depuis son arrivée de ses voyages et jusqu’à sa mort, si ce récit de sa vie d’aventures reçoit du public un bon encouragement.



FIN.