Avadâna-Çataka. Cent légendes bouddhiques
Traduction par Léon Feer.
Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux (Annales du Musée Guimet, tome 18p. v-viii).


PRÉFACE


La présente traduction de l'Avadâna-Çataka est faite depuis plus de dix ans : il est inutile, il serait d’ailleurs trop long, d’expliquer les causes du long retard qu’a subi la publication. Je dois dire toutefois qu’une des principales a été le dessein que j’avais formé de joindre à la traduction une étude minutieuse et complète du recueil, faite tant au point de vue des moeurs et de la vie sociale de l’Inde qu’au point de vue des religions brahmanique et bouddhique, lien que j’eusse reconnu de bonne heure que l’étude projetée ne pourrait pas tenir dans le même volume que la traduction, et que celle-ci, par conséquent, pouvait paraître d’abord isolément, j’ai longtemps persévéré dans l’idée de publier simultanément l’étude et la traduction. D’autres travaux, diverses circonstances et considérations m’ont fait renoncer au projet d’étude ; et, après de nouveaux retards qu’il n’a pas tout à fait dépendu de moi d’éviter, je donne enfin la traduction.

Entre temps, j’ai publié dans le Journal asiatique, de 1881, à 1884, une série d’articles dans lesquels j’étudie le recueil au point de vue exclusivement religieux et bouddhique. Ces articles, dont la réunion forme un volume in-8 de 364 pages, ne représentent qu’une pArtie du grand travail que je m’étais proposé d’entreprendre,

L’Avadàiia-Çataka :iv ;iit nltiic do bonne liourc rattcution de l’ilUistre Euiiène lUirnouf, qui i.’u paii’ assez souvent dans son Inlroduclion à rinsloire dit Baddkisme ixdli-n, uii il a inséiV", outre plusieurs citations, la traduction entière d’un des récits (le 7") et des fragments plus ou moins longs de (luatre autres récits (les ’.U’f, ’J(j", 99% 100"). H avait même entrepris, sans doute pour la publier, la traduction cijini>lcte du r.’cueil. Car il s’exprime ainsi à la page 7 ((J de la réimpression) dudit ouvrag(.’ :

Le vingt-neuvicnie Vdiumc (du Kandjour) donne une version tibétaine très littérale, ainsi que je l’ai vérifié moi-même, d’un recueil de légendes intitulé Avadàna -Çafaka, dont je m’occuperai ailleurs plus en détail, et dont j’ai déjà traduit deux livres.

Nous savons maintenant lesquels ; ce sont le premier et le dernier. Ils se trouvent dans le di’rnier lot des papiers de Burnouf donné à la bibliothèque Nationale par M"’" Delisle, depuis le décès de la veuve du célèbre indianiste. Le premier livre occu[)e 71 feuillets, le dernier en remplit 103 ; le récit final est incomplet, mutilé, sans doute à cause de l’impression de la seconde moitié de ce vécïi diusl’InlrodKclioti àVhi»ini}-e du Bnddliisyiie indien^^1.

C’est en 1844 que Burnouf annonçait la traduction de ces deux chapitres. Ou l’a retrouvée ; on n’a rien trouvé de plus ; d’où nous pouvons conclure que, dès 1S44, il avait abandonné le travail commencé. .Je n’ai pas à rechercher les motifs ou les causes de cet abandon, ni à l’apprécier. Tout ce que je [)uis faire, c’est d’exprimer le souhait qu’il n’excite pas trop de regrets.

La publication d’une trailuction de l’Avadàna-Çataka, fùt-elle de Burnouf, ne saurait présenter aujourd’hui tout l’intérêt qu’elle aurait eu en 1S44. Les travaux de Burnouf lui-même et de ses successeurs ont fait connaître une [lartie de ce qui se trouve dans ce recueil. Et cette traduction, si elle eût paru de son vivant et par ses soins, n’aurait même pas eu lavanlage d’être le premier recueil de ce genre publié dans une langue européenne ; elle était déjà devancée parle Rage et Fou de J.-J. Schmidt, qui avait paru dès 184 ;j. .Je crois, cependant que, depuis cette date, aucun recueil analogue n’a été publié dans une des langues de l’Occident. En tout cas, celui que j’offre au public est le premier qui paraisse en français.

1 Ces fragmeiils (où Ton trouve aussi le commejiceraent du [ireiiiiei- récit du troisième livre) forment le 11" 57, dans la CMlleclinn dili- « Papiers de Buniouf, » cpd est à la hibliotliéque Nationale et dont le classeniiMit deliiiitif a ete fait tout recenimenl.

Je n’insiste pas sur l'importance que l'Avadâna-Cataka a, je ne dis pas pour nous, mais pour les Indiens ; elle est attestée par les imitations ou reproductions qui en ont été faites systématiquement, comme on le verra dans l’Introduction. Notre attention n’en est que plus fortement, et j’ajoute légitimement, appelée sur cet ouvrage. C’est assurément un des livres bouddhiques qui méritent le plus les honneurs d’une traduction : je suis seulement étonné qu’il ne les ait pas obtenus depuis longtemps.

Les noms propres, les mots, les membres de phrases, et même les passages entiers que j’ai du citer en sanskrit et en tibétain, — voire même quelques mots chinois — m’obligent à faire connaitre la valeur que les Ictti’cs ont dans la transcription de ces mots étrangers. Il est à peu près impossible de citer des mots des langues de l’Orient (peut-être même d’une langue quelconque) en conservant à nos lettres la valeur et même la forme que nous leur donnons dans la notre. On ne peut éviter de les moditiin’ d’une manière ou d’une autre, principalement en les «pointant », d’attribuer soit aux lettres ainsi modifiées, soit à plusieurs décolles qui ne changiMit point, une valour conventionnelle. Je ne puis donner ici la raison de ces moditieations de fîn^me et de valeur, je me borne à en présenter le tableau. Voici la forme des lettres et leurs prononciatinns :


a se prononce comme a (dans tache),
â^^1 â (dans tâche),
ai aïe
au aou
b, bh b
c, ch tch
ç ç (dans ça, garçon),
d, ḍ, dh, dḥ^^2 d
e^^3 ê
g, gh g dur (dans gai, gui, gué, gomme, aigu),
h^^4 h (dans haine)

1 L’accent circonflexe ^ indique l’allongement de la voyelle a, i, u.

2 Le point souscrit indique une modification de la lettre que nous ne savons pas rendre, mais qui a une grande importance- dans les langues de l’Inde.

3 On trouvera quelquefois ê.

4 h seule ou accouplée à une consonne (b, c, d, j, k, etc.) exprime une aspiration forte que nous ne savons pas rendre, si ce n’est peut-être dans le verbe haïr et ses dérivés, qui, paraît-il, veulent être prononcés avec une dureté particulière.

i, ï i (dans tache),
j dj (dans les mots sanskrits).
j j (dans les mots tibétains)
k, kh k
l, m l, m
m
n, ṇ n
ñ gn (dans Espagne)^^1
ṅ^^2 ng (dans langueur),
o o
p, ph p
r r
ṛ (ou rĭ) ri
s s (dans sac. Jamais comme dans poison),
ch
t, ṭ, th, ṭh t
u ou
ü u
v v
w ou
x kch
y y (dans yacht) ou ï (dans naïade),
z z
: h muette ou s final dans les, des.

1 Devant c et j, ñ se prononre comme n ordinaire.

2 Dans les mots tibétains, où ṅ peut être initial, ṅa, ṅi, ṅu, ṅe, ṅo, se prononcent nga, ngui, nguê, ngo.