Autres balades (Christine de Pisan)/XXXVI

Autres balades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 248-249).


XXXVI


(À la reine Isabelle de Bavière.)


Redoubtée, excellent, trés sage et digne,
Noble, vaillant, de hault honneur porprise,
Renommée Royne trés bénigne,
La souvraine des dames que l’en prise,[1]
Je pri cil Dieu, qui sur tout a maistrise,
Qui a ce jour de l’an si bonne estraine
Il vous envoit qu’adès en vous esprise
Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.

Ma redoubtée, ou tout le monde encline,[2]
Pour ce que sçay que, comme bien aprise,
Livres amez, moy vostre serve indigne
 Vous envoie cestui ou est comprise
Matière qu’ay en haulte place prise ;
En gré l’aiez, trés noble et de sens pleine,

En qui tousjours, sanz ja estre desprise,
Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.

Et s’il vous plaist, trés poissant, vraie et fine,
Que vostre grant haultece un petit lise
En mon dittié, et vo sens détermine
De la cause qui est en termes mise.
Mieulx en vauldra en tout cas mon emprise.
Si en jugiez, princepce trés hautaine,
A qui Dieux doint grace qu’en toute guise[3]
Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.

Haulte, poissant et pleine de franchise,
Trés humblement a vo valeur certaine
Me recomand en qui trouvée et quise
Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.

  1. XXXVI. — 4 A1 souveraine
  2. — 9 A2 Ma trés souvraine
  3. XXXVI. — 23 A1 A q. d. d.