Autres balades (Christine de Pisan)/XXIII

Autres balades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 233-234).


XXIII


S’il est ainsi que de vous soye amée
Si loiaument comme je vous oy dire
Et que vo cuer d’amour trés affermée
M’aime si fort et ne veult ne désire
Fors moy sanz plus, je vous suppli, beau sire,
Sanz telz semblans ne telz ditz recorder[1]

Pour m’asseurer qu’ailleurs vo cuer ne tire,[2]
Faittes voz faiz a voz ditz accorder.

Car les amans si male renommée
Ont a present, non obstant qu’on souspire
Et que mainte dame soit d’eulx clamée
Dame et amour, que le meilleur ou pire
On ne cognoist, tant y a a redire
En leurs faulz cuers, s’ay je ouy recorder
Et pour ce a fin qu’il me doye souffire[3]
Faittes voz faiz a voz ditz accorder.

Et se je vueil estre bien informée
Ains qu’a ami du tout vous vueille eslire
J’ay bien raison, n’en doy estre blasmée ;
Car son renom dame trop fort empire
Qui a croire legierement se tire,
Si demonstrez qu’en riens a moy frauder[4]
Vous ne taschiez, et pour ne m’en desdire[5]
Faittes voz faiz a voz ditz accorder.

Se vous m’amez n’en aiez ne dueil n’yre,
Bien le sçaray, sanz longuement tarder ;[6]
Pour esprouver le vray sanz contredire
Faittes voz faiz a voz ditz accorder.

  1. XXIII. — 6 B S. t. s. monstrer ne r.
  2. XXIII. — 7 B P. moy monstrer
  3. — 15 B que me doyés s.
  4. — 22 A1 Si d. qu’a r.
  5. — 23 B de ce n’ayez nulle yre
  6. — 26 B B. le verray