Autres balades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 212-213).


V


Les biens mondains et tous leurs accessoires
Chascun voit bien qu’ilz sont vains et fallibles,[1]
Si sommes folz quant pour les transitoires
Choses, laissons les joyes infallibles
Que Dieux donne aux innocens paisibles
Qui n’ont nul soing de tresor acquérir ;
Mais pour prisier pou choses corruptibles
Avisons nous qu’il nous convient morir.

Qu’est il des grans, dont on lit es hystoires,
Qui portèrent les fais griefz et penibles[2]
Pour avoir loz, grans honneurs et vittoires ?
Ne sont ilz mors et a noz yeulx visibles ?
Ne veons nous, soient choses sensibles
Ou non, faillir toute riens ? fault porrir ;
Si n’ayons foy en choses impossibles,
Avisons nous qu’il nous convient morir.

Et pour les biens qui ne valent deux poires
Pour nous sauver, ains souvent sont nuisibles,
Ne perdons Dieu, disans choses non voires,

Pour accomplir péchiez laiz et orribles
Et pour deliz vains, laiz et non loisibles ;
Car Dieu scet tout : on ne lui puet couvrir ;[3]
Pour eschiver ses vengences terribles[4]
Avisons nous qu’il nous convient morir.

Princes et clers d’entendemens sensibles,
Ne vueillons pas par noz meffais perir,[5]
A nous sauver soions tous entendibles,
Avisons nous qu’il nous convient morir.

  1. V. — 2 B q. s. fains et f.
  2. — 10 A grans et p.
  3. V, — 22 V C. D. t. s.
  4. — 23 B Et p. fouïr
  5. — 26 B pour n. m.