Autour d’une auberge/Épilogue

Imprimerie de la « Croix » (p. 182-183).


ÉPILOGUE.


Il n’y a pas longtemps, un prêtre canadien des États-Unis vint visiter le bon Curé de Notre-Dame de la Pointe-aux-Foins.

Au cours d’un sermon qu’il donna, il dit :

« Vous avez connu un homme, appelé Jules Rougeaud, parti depuis peu du milieu de vous. Il vient de mourir dans ma paroisse, et c’est moi qui l’ai assisté.

Il m’a chargé de venir moi-même demander pardon à votre vénérable Curé, et à vous tous, chers paroissiens qui l’avez connu. Son repentir a été sincère.

« Ah ! s’écriait-il, si j’avais su ce que c’est que de faire la guerre à son Curé ? Si j’avais suivi les conseils de mon père mourant ! je ne serais pas descendu si bas.

« J’ai tout fait pour conserver l’auberge de mon village. J’ai pris les moyens les plus vils ; j’ai même frappé en pleine figure mon Curé !

« Hélas ! je me suis aperçu trop tard que Dieu est plus fort que le démon. Puisse mon exemple servir aux autres !

« Demandez pardon à M. Héroux pour moi ; suppliez aussi mes anciens co-paroissiens de me pardonner eux-mêmes, espérant que Dieu aussi me fera miséricorde. »

Quelle leçon ! mes Frères, puisse-t-elle vous servir à tous !

Rougeaud a été perdu pour avoir fréquenté un impie ; mais il n’était pas corrompu comme son maître, et Dieu lui a donné le temps de se repentir, tandis que l’autre… celui-là a vu se réaliser les paroles du psalmiste, paroles qui doivent faire trembler ceux qui marchent sur ses traces :

J’ai vu l’impie au comble de la puissance ;
Il s’étendait comme l’arbre verdoyant.
J’ai passé et il n’était plus ;
Je l’ai cherché, et il ne se trouvait plus.[1]

Le bon curé a retrouvé depuis sa gaieté d’autrefois et ne songe plus à quitter ses chers paroissiens qui comprennent maintenant tout ce qu’ils lui doivent pour les avoir débarrassés de leur auberge.

Deux vicaires partagent ses travaux apostoliques. Il a acheté l’auberge, l’a fait réparer et agrandir. Des religieuses habitent aujourd’hui cette demeure, devenue une maison de prières. La paroisse se développe de plus en plus ; on sent que les bénédictions de Dieu descendent abondamment sur ceux qui le servent avec fidélité et qui obéissent à ses représentants sur la terre.

  1. Psaume 36, versets 35 et 36.