Au pays de Sylvie/Secret d’hiver

Société d’Éditions littéraires et artistiques (p. 191-192).


SECRET D’HIVER





Approchez-vous, que je vous confie un secret.

C’était à la fin de décembre. Nous revenions quatre en forêt, après une belle chasse. Nos chevaux fatigués marchaient au pas, tout doucement. Et nous ne parlions guère, tant par rêverie qu’à cause du ciel roux et triste. Il allait neiger, c’était certain.

Arrivés dans un carrefour, nous nous saluâmes : mes trois compagnons poursuivirent devant eux, sous la futaie ; ma route au contraire était à droite, un chemin creux tout recouvert de branches fines qui, l’été, devaient former une charmille.

Par quel caprice, on ne sait, mais les veneurs qui me laissaient seul, m’envoyèrent en guise d’adieu les plus triomphales fanfares.

Elles retentissaient magnifiquement, et célébraient en s’éloignant, me semblait-il, l’agonie du jour. Car, le ciel s’assombrissant de minute en minute, la neige enfin se mit à tomber, tandis que les cors, là-bas, allaient se taire, se taisaient…

Et ce fut alors que j’entendis parfaitement les flocons frapper de toutes parts le branchage délicat ; oui, que j’entendis de mes oreilles le bruit léger qu’ils font en descendant sur une forêt nue.

En vérité, la neige n’est donc point toujours silencieuse, je vous le dis. Mais n’abusez pas de ce secret.