Au jardin de l’infante/Le bouc noir passe au fond…

Au jardin de l’infanteMercure de FranceŒuvres de Albert Samain, t. 1 (p. 167-168).

Le Bouc noir passe au fond des ténèbres malsaines.
C’est un soir rouge et nu ! Tes dernières pudeurs
Râlent dans une mare énervante d’odeurs ;
Et minuit sonne au cœur des sorcières obscènes.


Le simoun du désir a balayé la plaine !…
Plongée en tes cheveux pleins d’une acre vapeur,
Ma chair couvre ta chair, et rumine en torpeur
L’amour qui doit demain engendrer de la haine.



Face à face nos Sens, encore inapaisés,
Se dévorent avec des yeux stigmatisés ;
Et nos cœurs desséchés sont pareils à des pierres.


La Bête Ardente a fait litière de nos corps ;
Et, comme il est prescrit quand on veille des morts,
Nos âmes à genoux — là-haut — sont en prières.