Au clair de la dune/Revanches

Théo Hannon ()
Dorbon aîné (p. 19-21).

VII

REVANCHES


Pour sauver leur âme et leurs os
De leurs spleens irrémédiables,
Que d’autres s’en aillent aux eaux,
Aux feux, aux monts… à tous les diables…

Nous, mieux inspirés, ne quittons
Point notre allègre capitale :
En l’honneur des bénins piétons
Sa grâce estivale s’étale.


Ils sont partis, tous les gêneurs,
Ô libératrices vacances,
Seuls, noyés dans les promeneurs,
Quelques intrus sans conséquences.

La ville à nous seuls, c’est charmant,
On est chez soi même au théâtre
Où l’on ne compte plus, vraiment,
Avec « le public idolâtre ».

Pendant que les bons exilés
Rissolent dans quelque fournaise,
Et, par les hôteliers volés,
Bataillent contre la punaise.

Nous, toujours dispos et bavards,
Sous les draches rafraîchissantes,
Nous passons sur les boulevards
Des heures certes ravissantes.

Là-bas ils vont sucer des eaux
Qui couvent des œufs cholériques,
Et, dans des verres à biseaux,
Nous lampons des liqueurs féériques.


D’autres risquent de dérailler
En cherchant au loin le mystère ;
D’ici nous pouvons les railler :
À pied nous partons pour Cythère.

D’autres, enfin, cœurs élargis,
Pour s’amuser mieux, les infâmes,
Laissèrent l’épouse au logis…
C’est nous qui consolons leurs femmes.