Théo Hannon ()
Dorbon aîné (p. np-57).
Jaloux, Félicien Rops
Jaloux, Félicien Rops
FELICIEN ROPS
Jaloux.

XXIV

JALOUX


Eh ! oui, jaloux ! Je suis jaloux
Ce que l’on peut appeler comme
Une kyrielle de loups,
Mais ce n’est certes pas d’un homme.

Car je suis jaloux de la mer,
De la vaste mer amoureuse
Dont le flot, qu’on prétend amer,
Possède une âme langoureuse…


À l’ombre des cabines, près
De l’eau verte qui te flagelle,
Et plus morose qu’un cyprès
Sous le vent du Nord qui me gèle,

Ô ma baigneuse, j’admirais
Ton corps si beau dans son costume,
Que le flot où tu te mirais,
Croyant à la Vénus posthume,

Vint lécher, lui, le flot altier,
Tes pieds que tu recroquevilles,
Et river, galant bijoutier,
De clairs anneaux à tes chevilles.

Ensuite, à ton mollet cambré,
Voulant nouer sa jarretière,
Il trama sur le derme ambré
Un maillot pour la cuisse entière.

Prodiguant son baiser salin,
Et sans pitié de mes tortures,
Toujours montant, le flot câlin,
Te mit aux hanches des ceintures.


Or, soudain, commença l’assaut
De ta poitrine demi-nue ;
La vague écumante, d’un saut,
Bondit de la croupe charnue

Et resta surprise devant
Le flot de ta gorge qu’azure
Un fin réseau ; lors, me bravant,
L’audacieuse prit mesure

Pour un corset… Tes seins jaseurs
Interrompirent leurs harangues
En voyant ces étranges sœurs
Les darder de leurs mille langues.

Plus indiscrète qu’un amant,
La vague aux lesbiennes ivresses,
T’enveloppait étonnamment
De ses infécondes caresses.

Puis enfin, la mer t’engloutit
Enamourée, âpre, béante,
Te roulant, pâmée, en son lit
D’un baiser de Sapho géante.