Au bord des terrasses/7

Madame Alphonse Daudet ()
Alphonse Lemerre, éditeur (p. 25-26).




LE CHARIOT



Pour Lucien Daudet.



Le Chariot, au plus profond des cieux,
Resplendissant du feu des sept étoiles,
Brancard levé, songe, silencieux.
Qu’il a perdu ses jantes et ses toiles !

À mi-chemin d’Arcturus et du Lion,
Il doit souffrir de paraître inutile,
Lui qui connut les guerres d’Ilion,
Et qui servit au siège de la Ville.


Il vit Hélène et Clytemnestre, Hector,
Tous les triomphes et tous les désastres,
Avant d’être rivé par sept clous d’or
Dans la magie éternelle des astres !

Il vit aussi Moïse et le Jourdain,
Puis il traîna dans les folles arènes,
Néron chantant, une lyre à la main,
Quand les chrétiens gémissaient sous les chaînes.

Il fut le char d’Élie au ciel porté ;
Quand Apollon confia l’attelage
À Phaéton, il fut précipité
Au sein des mers, dans la nue et l’orage !

Et maintenant démonté, glorieux,
Marqué de feu pour l’antique servage,
Il fait la nuit plus belle, et, par les cieux.
Très lentement évolue et voyage.