Au bord des terrasses/11

Madame Alphonse Daudet ()
Alphonse Lemerre, éditeur (p. 33-34).




NUIT




Je regarde la nuit noire de ses fantômes.
En deuil du jour,
Prête pour les fadets, les sylphes et les gnomes,
Et pour l’amour !
Calme, silencieuse, et porteuse de rêves
En ses tissus
Recouvrant les forêts, les ravins et les grèves
Aux yeux déçus !
Morte, l’activité qui remue aux lumières,
Chante au soleil !


Et sur les prés fauchés fait voler en poussières
Le sol vermeil ;
Qui fait s’éclabousser le sillage des barques,
Sous l’aviron,
Et du cadran solaire interroge les marques,
Chiffres en rond.
À peine un oiseau crie et la fourmi s’arrête ;
Le mouvement,
C’est le rayon qui marche ; et l’on sent la nuit prête
En s’endormant !
Dormons ; qui peut scruter les ténèbres profondes
Sur son chemin,
Ou le silence énorme étendu sur les mondes,
Jusqu’à demain !