Au Printemps (Laprade)
IX
Au Printemps
Sors de ta ruche obscure et vole, ô jeune essaim !
Doux rêves que l’hiver enchaînait dans mon sein,
Allez, chantez sur l’aubépine !
Le soleil vous invite, ô mes oiseaux chéris ;
L’herbe est verte aux filions, et les pêchers fleuris
Teignent de rose la colline.
Pour me les dire après, écoutez tous les sons ;
Volez du thym au myrte, et du chêne aux buissons ;
Effleurez de vos pieds l’eau vive.
La fumée a terni votre aile aux cent couleurs ;
Baignez-vous dans l’air plein d’ineffables senteurs :
L’âme s’y lave et s’y ravive !
Dansez sur les rameaux jaillissants ou ployés ;
Buvez-y la rosée et la sève. Voyez
Dans le berceau de toutes choses ;
Voyez les nids se faire et les bourgeons s’ouvrir,
Voyez comment l’on aime et comme on doit fleurir,
O mes colombes, ô mes roses !
Car c’est le beau printemps, charme de l’univers !
O mes rêves, partez ! les jardins sont ouverts
Ou l’abeille se rassasie ;
Puisez à tout calice, allez dans les ravins,
Sur les coteaux de vigne et sous les noirs sapins ;
Allez chercher la poésie !