Au Pays de Rennes/Canton de Hédé

Hyacinthe Caillière (p. 199-206).


CANTON DE HÉDÉ


Hédé, Bécherel et Bain sont certainement les trois petites villes les plus pittoresques de notre pays.

La première est située sur le sommet d’une colline qui domine une vallée profonde dans laquelle serpente le canal d’Ille-et-Rance. Elle eut pour origine son château qui existait avant le XIIe siècle. Il ne reste plus de cette forteresse détruite par ordre de Henri IV qu’un mur d’enceinte et les débris d’une tour. Elle avait été construite en pierres de granit liées entre elles par un ciment d’une dureté incroyable et dans lequel croit-on, durent entrer des coquilles pulvérisées. La tradition veut aussi que le granit employé à sa construction provienne de carrières autrefois en exploitation et qui seraient actuellement recouvertes par les eaux de l’étang de Hédé.

Ce château fut avec celui de Dinan, l’une des plus importantes places fortes de Bretagne. Il joua un rôle important pendant les guerres du XIIe au XVIe siècle.

Blanche de Champagne, mariée à Jean Ier, duc de Bretagne, mourut au château de Hédé le 11 Août 1283. Son corps fut transporté et inhumé à l’abbaye de Notre-Dame-de-la-Joie, qu’elle avait fondée près d’Hennebont. Elle était fille de Thibaud, comte de Champagne et roi de Navarre, et d’Anne de Beaujeu, sa seconde femme.

Julienne Du Guesclin, sœur du célèbre connétable, abbesse de Saint-Georges de Rennes, autorisa, en 1399, le duc de Bretagne, à lever, pendant trois ans, sur tous les vassaux de son abbaye, les fouages (octrois) dont le produit devait servir à la reconstruction du château qui avait été ruiné pendant la guerre.

Après ces réparations, on y plaça plusieurs pièces d’artillerie pour servir à sa défense.

Par édit du roi Charles IX, donné à Châteaubriant en Octobre 1565, la juridiction royale de Hédé fut unie et incorporée à la Sénéchaussée de Rennes.

Pendant la Ligue, les troupes du duc de Mercœur occupèrent le château et, de concert avec celles du château de Québriac, ravagèrent les campagnes voisines.

L’église de Hédé est peut-être la seule du département qui soit entièrement romane. Elle date probablement des premières années du XIIe siècle. La porte principale est ornée de deux colonnes supportant un cintre surhaussé et couronné d’une espèce de fronton triangulaire. À l’intérieur, la nef communique avec les bas-côtés par des arcades en plein cintre soutenues par des piliers carrés. De petites fenêtres en meurtrières éclairent la nef. La sacristie actuelle est l’ancienne abside, qui servait jadis de sanctuaire ; elle ressemble à toutes celles du même temps.

Les fonts baptismaux en granit, qui sont à la porte de l’église, datent, pour la partie inférieure, de l’époque romane. La partie supérieure, c’est-à-dire les cuves, quoique très ancienne, est d’une époque moins reculée.

Il est un coin du canton de Hédé qui a conservé son aspect sauvage des temps passés ; on y trouvait encore des loups il y a quelques années. Nous voulons parler des landiers de Guipel.

En pénétrant dans cette commune, si l’on quitte un instant le chemin vicinal pour faire seulement deux cents mètres à travers champs, dans la direction du Bois-Geffroy, on découvre une ferme appelée le Chauchix qui dut être, jadis, bien qu’il n’en soit question nulle part, un charmant petit manoir, à en juger par son élégante tourelle et son architecture du XVe siècle.

Plus loin une ferme de construction récente nous rappelle l’antique demeure de la Menardière qui, en 1390, appartenait à Louise de Saint-Gilles. Un bel étang en dépend qui, lui aussi, porte le même nom de la Menardière.

Les villages de Champfleury et de Saint-Vincent bordent le chemin. Ce dernier fut, au XVIIe siècle, une succursale de la paroisse de Guipel. C’était alors un bourg avec chapelle, presbytère et de nombreux habitants.

À l’est du village de Saint-Vincent quatre chemins creux aboutissent à un carrefour appelé par les uns le pâtis breton et par les autres le pâtis de la chapelle. Là se dresse une vieille croix de bois vermoulu, à côté de broussailles, de ronces et d’épines. Quelques restes de murailles cachées par le gazon permettent encore de voir la forme et la grandeur de la chapelle qui s’éleva jadis en ces lieux et dans laquelle le seigneur du Chesnay-Piguelaye prétendait avoir droit de fondation et de prééminence.

Ce carrefour isolé prête à la rêverie et a un aspect vraiment mystique. Les violettes et les primevères fleurissent au pied de la croix, et les oiseaux nichent dans les broussailles à la place qu’occupa la chapelle, et peut-être même sur des tombeaux.

Un champ voisin a, dans ses talus, des débris de murs qui servirent autrefois de clôture au jardin du curé. Presbytère et chapelle furent brûlés à la fin du XVIIe siècle, et les pierres de taille en granit sculpté ont été utilisées à faire les portes ogivales des quelques maisons qui composent aujourd’hui les humbles hameaux de Champfleury et de Saint-Vincent.

L’un des petits chemins creux du pâtis de la chapelle, celui qui s’en va vers le nord-est, conduit directement au château du Chesnay-Piguelaye. On trouve dans ce chemin, cachée sous les fougères, une fontaine qui a encore à l’intérieur quelques restes de maçonnerie. Presque toujours les anciens avaient, près de leurs temples, des sources vénérées.

Le château du Chesnay-Piguelaye doit être aussi vieux que la paroisse dont il fait partie, puisqu’on sait que dès 1400 il était la propriété de Jean de la Piguelaye. Plus tard il appartint :

En 1593, à François seigneur de la Piguelaye, membre des États de Bretagne qui fut député vers la reine Élisabeth d’Angleterre pour lui demander des secours contre la Ligue.

En 1668, à Jeanne de la Piguelaye, veuve de Toussaint des Nos.

En 1677, à François Brecheu, conseiller au Parlement et à Jeanne de la Piguelaye, seigneur et dame du Chesnay.

En 1680, à François Toussaint de la Piguelaye, vicomte du Chesnay.

Les registres de l’état civil de la mairie de Guipel nous fournissent en outre les renseignements suivants :

En 1702, Messire Pierre de la Piguelaye fut le parrain, à Guipel, de la fille du procureur fiscal du Chesnay-Piguelaye.

En 1703, Jean de la Planche épousa Anne de Pail, du Chesnay-Piguelaye.

En 1717, François-Gabriel Brecheu, seigneur du Chesnay, et demoiselle Louise de Caradeuc furent parrain et marraine de la fille de François Guezille.

En 1776, François-Jules-Marie Bertrand, chevalier de Langle, capitaine de dragons au régiment du Dauphin, épousa à Guipel, Marguerite-Louise Rolland, fille de François-Gilles Rolland de Roscouët, chevalier de Guipel, seigneur de la vicomté du Chesnay-Piguelaye.

Enfin le corps de haut et puissant seigneur Messire François-Gilles Rolland, chevalier du Roscouët, seigneur vicomte du Chesnay-Piguelaye, Maillechapt, la Ménardière et autres terres et seigneuries, ancien conseiller au Parlement de Bretagne, âgé d’environ 62 ans, décédé à l’hôtel de Langle, à Rennes (paroisse Saint-Sauveur), a été transféré à Guipel où il a été inhumé dans le caveau des seigneurs de cette paroisse le 20 octobre 1781.

Depuis cette époque, et jusqu’à ces derniers temps, le Chesnay-Piguelaye a appartenu à la famille de Langle.

En 1836, M. de Langle, vicomte du Chesnay-Piguelaye ayant fait une chute de cheval dans la commune de Saint-Germain-sur-Ille, succomba des suites de cet accident. Son décès est ainsi constaté sur les registres de la commune de Guipel :

« M. Bertrand-Marie de Langle, vicomte du Chesnay-Piguelaye, fils de feu François de Sales Marie-Bertrand de Langle et de Marguerite-Marie-Louise Rolland du Roscouët, est décédé à Guipel le 6 octobre 1836 à l’âge de 54 ans. (Il était né à Rennes, paroisse Saint-Étienne). »

Le marquis de Langle, de la Couyère, a vendu le Chesnay-Piguelaye vers 1872.

Cet antique manoir appartient aujourd’hui à M. Auguste Lemoine, de Saint-Malo, qui l’a fait restaurer. Il a conservé une partie de ses douves, avec cour d’honneur, flanquée, d’un côté, d’une chapelle en bon état et de l’autre d’un colombier.

On voit aussi des traces de pont-levis et une tourelle suspendue.

Le rez-de-chaussée, de plein pied avec la cour, renferme de vastes et belles pièces boisées en vieux chêne, avec des plafonds ornés de poutrelles. Un immense escalier de bois conduit à une galerie du premier étage, qui longe tout le devant du bâtiment, et sur laquelle ouvrent les portes des appartements qui, par suite, ne sont éclairés que d’un seul côté. La chambre d’honneur possède une cheminée très remarquable, avec sculptures et incrustations de marbre. Malheureusement les armes des anciens seigneurs qui existaient sur des médaillons ont été enlevées ou mutilées. Une autre chambre possède à l’intérieur de sa cheminée, dissimulée par une plaque de fonte, une cachette qui rappelle assez celle qu’occupa, à Nantes, en 1832, la duchesse de Berry. Cette cachette, qui reçoit le jour par le haut de la cheminée, est en retrait dans un mur d’une épaisseur considérable. Elle est assez grande pour permettre d’y séjourner, d’y coucher et d’y vivre quelque temps à la condition toutefois, que le feu allumé dans l’âtre ne la chauffe pas outre mesure.

Les abords du château sont charmants : un bel étang qui alimente un moulin, est dominé par une charmille qui porte le nom de promenoir de Madame, et une autre promenade, ombragée de chênes, longe la pièce d’eau dans toute sa longueur.

Du promenoir on aperçoit le clocher de Guipel, la ferme de la Rochelle, le moulin, et un petit bois de sapins nouvellement planté.

En face la cour d’honneur est une très belle ferme, appelée la Porte (autrefois ferme du Chesnay-Piguelaye), ancienne dépendance du château.

Mais à notre avis le plus beau fleuron du Chesnay-Piguelaye a disparu, comme les avenues de chênes séculaires qui conduisaient autrefois à l’antique manoir. Nous voulons parler de l’étang neuf, superbe nappe d’eau environnée de bouquets d’arbres et qu’on a, hélas ! desséchée. Elle offrait, avec son encadrement de verdure, le plus joli paysage de la contrée.