Atonicité et zoïcité/Avant-Propos

Librairie J.-B. Baillère & fils (p. i-iv).

AVANT-PROPOS



Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons nous former qu’une idée très-imparfaite de la part qu’il faut attribuer aux actions physiques dans les phénomènes de la vie. La plupart de ces phénomènes sont encore entourés d’une obscurité telle, qu’il est souvent fort difficile, je ne dis pas même d’en donner une explication, mais d’arriver seulement à en rendre compte par l’établissement de simples conjectures.

Depuis les grands travaux qui nous ont révélé la corrélation qui existe entre les forces de la matière brute, il est permis d’entrevoir un moment où les différents agents physiques que nous connaissons ne seront plus considérés que comme des modifications d’une force unique, encore inconnue dans son essence. En présence de notre grande ignorance générale en physique physiologique, on est donc autorisé à se demander s’il ne reste pas encore à découvrir d’autres modifications de cette force unique, et, quand, l’histoire de la science à la main, l’on considère combien ont été fortuits et délicats les indices qui ont mis sur la voie des grandes découvertes dans les sciences naturelles, pour ne parler que de celles des électricités statique et dynamique, non-seulement il n’y a pas lieu de s’étonner de l’imperfection de nos connaissances en physique physiologique, mais elle doit même éveiller en nous un tout autre sentiment que celui du découragement. Puisque le fait souvent le plus insignifiant en apparence, mis en lumière par le hasard, et fécondé par une bonne inspiration, peut faire saisir de la manière la plus inattendue le fil d’une heureuse découverte, l’observateur qui s’applique à l’étude de problèmes encore irrésolus, fera bien de ne pas négliger le plus minime détail dans l’examen des faits qui ont sollicité son attention.

Malheureusement, l’homme a des préjugés qui le rendent souvent injuste à l’égard du sens du toucher. On veut voir pour croire. Rien ne plaide mieux contre cette injustice que l’exemple des aveugles, qui nous montrent quel admirable parti on peut tirer de ce sens quand on met de la persévérance à apprendre à s’en servir.

Aussi, quand un observateur exercé ne dédaigne pas de porter son attention sur ses moindres petites sensations tactiles, souvent vagues et difficiles à déterminer, quand cet observateur ne partage pas le parti-pris, si fréquent chez la plupart des hommes, d’attribuer à l’imagination toute sensation qui ne saurait être contrôlée par le sens de la vue, ou qui ne se traduit pas par une impression vive, il se trouve en face d’un vaste champ d’exploration où n’ont encore pénétré que bien peu de chercheurs.

Il est incontestable que, grâce à la puissance de son imagination, l’homme peut à son insu devenir le jouet d’illusions tellement parfaites, qu’il est souvent fort Malaisé de les distinguer de la réalité : mais il serait indigne d’un homme de science de reculer devant cette difficulté. Pour ma part, je me suis constamment porté au devant d’elle, m’attachant, en variant les moyens de Contrôle, à séparer le réel de l’imaginaire, et, après de longues investigations dans le domaine des perceptions excessivement petites, qui sont presque pour le sens du tact ce que les détails dévoilés par le microscope sont Pour le sens de la vue, j’ai eu le rare bonheur de découvrir l’existence d’un agent physique nouveau.

L’étude de cet agent, qui a été l’objet de ma constante préoccupation pendant plusieurs années, m’a amené à la découverte non moins importante d’un Second agent physique nouveau, qui est en quelque sorte au premier ce que l’électricité positive est à l’électricité négative.

J’ai réuni l’ensemble de mes observations sur ces deux agents physiques, pour en faire la matière de cette publication.

Convaincu que le meilleur moyen de me faire comprendre consiste à faire assister, pour ainsi dire, le lecteur à tous mes raisonnements tels qu’ils se sont succédés dans mon esprit, et à toutes les expériences auxquelles ces raisonnements ont donné lieu, je transcrirai mes notes sous forme de journal, comme s’il s’agissait de mettre un ami au courant de travaux accomplis pendant son absence. Cette forme offrira ici un double avantage : elle permettra de condenser avec clarté beaucoup de matières en peu de chapitres, et fera mieux ressortir la facilité et la simplicité avec laquelle on peut arriver quelquefois à d’importantes découvertes.