Astronomie populaire (Arago)/XXXIII/36
CHAPITRE XXXVI
épactes — comput ecclésiastique
Le mot épacte vient d’un mot grec qui signifie nombre additionnel ; il a la même racine que le mot épagomène.
À l’époque du concile de Nicée on imagina, pour calculer les nouvelles Lunes et conséquemment les pleines Lunes, dont les dates fixent celles de la célébration des fêtes de Pâques, un procédé particulier. Ce procédé n’oblige pas de recourir à des observations antérieures de cet astre, comme celui de Méton ou des nombres d’or ; on l’a appelé méthode des épactes.
Si l’on connaît l’âge de la Lune le premier jour d’une année, on peut facilement déterminer tous les jours de cette même année où la Lune sera nouvelle ou pleine. Pour l’usage du calendrier ecclésiastique, il suffit donc de trouver l’âge de la Lune le 1er janvier de chaque année ; c’est cet âge qu’on appelle l’épacte.
Voici comment le concile de Nicée régla la succession des épactes :
Si la Lune a été nouvelle à minuit le 1er jour de l’année, elle le sera encore le 355e jour de cette même année, puisque 12 lunaisons se composent de 354 jours ; et, si l’année est commune, la Lune aura 11 jours quand la nouvelle année commencera. Ce nombre 11 sera l’épacte de la seconde année ; ce nombre 11 servira à déterminer toutes les nouvelles Lunes de cette année-là.
Puisque 354 jours constituent 12 lunaisons, au 355e jour de la seconde année l’âge de la Lune sera de 11 jours : 11 jours plus tard, ou au commencement de la troisième, l’âge de la Lune sera 22 ; 22 sera donc l’épacte de la troisième année.
Au 355e jour de la troisième année l’âge de la Lune sera encore 22 ; 11 jours plus tard, ou au commencement de la quatrième, l’âge de la Lune aura atteint 33, ce qui veut dire qu’on a compté une treizième lunaison dans l’année précédente, et que 3 est l’épacte de la quatrième année. En ajoutant ainsi toujours 11 jours à l’épacte d’une année, et retranchant 30 lorsque la somme dépasse ce nombre, on obtient l’épacte de l’année suivante. Ainsi la série des épactes correspondantes à une suite de 19 années, ou au cycle de Méton, est :
Nombres d’or. | Épactes. | ||
1 | * | ||
2 | XI | ||
3 | XXII | ||
4 | III | ||
5 | XIV | ||
6 | XXV | ||
7 | VI | ||
8 | XVII | ||
9 | XXVIII | ||
10 | IX | ||
11 | XX | ||
12 | I | ||
13 | XII | ||
14 | XXIII | ||
15 | IV | ||
16 | XV | ||
17 | XXVI | ||
18 | VII | ||
19 | XVIII |
Comme on vient de prendre pour le premier jour de la première année d’un des cycles de Méton, celui où arrivait une nouvelle Lune, il s’ensuit que dans le passage de la dix-neuvième épacte d’un cycle à la première épacte du cycle suivant, au lieu d’ajouter 11 on ajoute 12 ; cette addition corrige à peu près ce qu’il y a d’erroné dans la double supposition que 12 lunaisons font exactement 354 jours et dans celle que l’année est de 365.
On voit, par les détails précédents, qu’il y a une liaison nécessaire entre l’épacte et le nombre d’or, et que l’un de ces éléments du comput ecclésiastique étant donné, on peut immédiatement trouver l’autre. Si le nombre d’or est 4, l’épacte sera celle qui correspond à la quatrième année, ou 3 ; si l’épacte est 9, comme cette épacte correspond à la dixième année, le nombre d’or sera 10.
Le cours régulier des épactes s’est trouvé modifié par les années intercalaires du calendrier julien ou du calendrier grégorien.
Lorsque le pape Grégoire XIII établit la réforme qui porte son nom, il ne s’éloigna jamais, sans une nécessité absolue, de ce qui avait été établi en 325 au concile de Nicée. C’est ainsi qu’il conserva les règles prescrites alors, et que nous venons de faire connaître, pour trouver au commencement de chaque année solaire le moment de la nouvelle Lune moyenne, par conséquent le moment de la pleine Lune qui se déduit du premier, et, par suite, celui de la fête de Pâques. Il faut remarquer que les épactes ecclésiastiques donnant les nouvelles Lunes moyennes, peuvent différer d’un jour, de deux jours, des calculs astronomiques relatifs aux phases de la Lune vraie.