Astronomie populaire (Arago)/XXIII/23

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 103-105).

CHAPITRE XXIII

constance de la durée du jour


Les conséquences que je viens d’indiquer sur la fixité des pôles de notre globe doivent être étendues à la durée du mouvement de rotation de la Terre, qui est l’unité, le véritable étalon du temps. L’importance de cet élément a conduit Laplace à rechercher numériquement s’il pourrait être altéré par des causes intérieures, telles que des tremblements de terre et des volcans. Le résultat a été complétement négatif. Je vais du reste donner quelques détails sur la méthode à l’aide de laquelle l’illustre géomètre a établi la constance de la durée du jour.

Un jour solaire moyen est égal au temps que la Terre emploie à faire une révolution complète sur elle-même, augmenté du mouvement moyen apparent du Soleil dans ce même intervalle. La théorie a prouvé que le mouvement moyen apparent du Soleil, comme celui de toutes les planètes, est constant. La durée du jour solaire ne pourra donc varier que par un changement dans la vitesse de rotation de la Terre.

On appelle mois lunaire l’intervalle de temps que la Lune emploie à revenir à la même position relativement au Soleil, à sa conjonction, par exemple. Cet intervalle est évidemment indépendant de la vitesse de rotation de la Terre ; notre globe cesserait même tout à fait de tourner sur son centre, que le mouvement de translation de la Lune n’en éprouverait aucune altération. De là découle un moyen très-simple de découvrir si la durée du jour solaire a changé.

Supposons, en effet, qu’on détermine maintenant, par des observations directes, la durée d’un mois lunaire, c’est-à-dire combien de jours et de fractions de jour la Lune emploie à revenir à sa conjonction avec le Soleil. Il est clair qu’en répétant cette observation à une autre époque, on trouvera un résultat différent si la durée du jour n’a pas été constante, alors même que, dans l’intervalle, la vitesse de la Lune n’aura pas changé : le mois paraîtra plus long, par exemple, si la durée du jour a diminué, et plus court, au contraire, si le jour est devenu plus long. La constance du mois lunaire serait l’indice de l’invariabilité de la durée du jour. Or, toutes les observations concourent à prouver que depuis les Chaldéens jusqu’à nous, la durée du mois lunaire a été graduellement en diminuant. Il faut donc, d’après ce qui précède, ou que la vitesse de la Lune se soit accrue, ou que le jour solaire soit devenu plus long. Mais Laplace a découvert par la théorie, ainsi que nous l’avons vu, qu’il y a, dans le mouvement de la Lune, une inégalité connue sous le nom d’équation séculaire, qui dépend de la variation d’excentricité de l’orbe terrestre, et dont la valeur, dans chaque siècle, peut être déduite de ce changement d’excentricité. À l’aide de cette équation séculaire, on rend parfaitement compte de l’accroissement de la vitesse de la Lune. Il n’y a donc plus aucun motif de supposer que la durée du jour n’est pas sensiblement constante.

Admettons, en effet, pour un moment, comme l’a fait Laplace, que cette durée surpasse maintenant d’un centième de seconde celle du temps d’Hipparque. La durée du siècle actuel ou de 36 525 jours solaires, serait donc plus longue qu’il y a deux mille ans (on sait qu’Hipparque vivait environ cent vingt ans avant notre ère) de 365s,25. Dans cet intervalle de temps, la Lune décrit un arc de 3′ 19″. Cette quantité exprimerait donc la différence entre les arcs parcourus par la Lune, dans un siècle, à l’époque actuelle et du temps d’Hipparque ; or, comme ces arcs, déterminés par l’observation et corrigés de l’équation séculaire, ne diffèrent pas d’une aussi grande quantité, on doit en conclure que, dans ce long intervalle, la durée du jour n’a pas varié d’un centième de seconde.