Astronomie populaire (Arago)/XXIII/15

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 80-81).

CHAPITRE XV

cause de l’aplatissement de la terre


L’aplatissement de la Terre étant démontré et mesuré (liv. xx, chap. xxiii), il faut encore en signaler la cause ; il faut faire davantage, il faut tâcher d’en déterminer théoriquement la valeur. Une théorie n’a une sanction complète qu’autant qu’elle rend compte, dans leurs plus minutieux détails, des phénomènes observés. Dès que notre compatriote Richer eut découvert qu’un même corps, quelle qu’en soit la nature, pèse d’autant moins qu’on le transporte plus près de l’équateur terrestre, tout le monde en conclut que cela provenait de ce que la Terre, si elle était originairement liquide, devait son renflement à la force centrifuge tendant à éloigner les molécules fluides de l’axe autour duquel s’effectue la rotation diurne, cette force combinant ses effets avec l’attraction exercée sur chacune des molécules par la masse entière. Huygens et Newton ne s’arrêtèrent pas à ces vues générales, qui n’étaient encore que des hypothèses ; ils calculèrent la différence du grand et du petit axe, l’excès du diamètre équatorial sur la ligne des pôles. Mais le calcul de Huygens se fondait sur des propriétés de la force attractive, hypothétiques et entièrement inadmissibles ; celui de Newton sur un théorème non démontré et sur l’hypothèse que la Terre primitive et fluide, avait une homogénéité parfaite. Lorsque, en cherchant à résoudre de grands problèmes, on admet de telles simplifications ; lorsque, pour éluder des difficultés de calcul, on s’éloigne si essentiellement des conditions naturelles et physiques, les résultats se rapportent à un monde idéal, ils ne sont vraiment que des jeux d’esprit.

Pour appliquer l’analyse mathématique d’une manière utile à la détermination de la figure de la Terre, il fallait bannir toute hypothèse d’homogénéité, toute similitude obligée entre les formes des couches superposées et inégalement denses ; il fallait examiner aussi le cas d’un noyau central solide. Cette généralité décuplait les difficultés du problème, mais elle n’arrêta pas deux géomètres français d’un rare génie. Grâce aux efforts de Clairaut et de d’Alembert, grâce à quelques développements essentiels dus à leurs successeurs immédiats, et particulièrement à l’illustre Legendre, la détermination théorique de la figure de la Terre a acquis toute la perfection désirable. Il règne maintenant le plus bel accord entre les résultats du calcul et ceux des mesures directes qui ont servi ainsi à donner une démonstration a posteriori des lois de l’attraction. La Terre a donc été originairement fluide, et c’est là la cause de son aplatissement.