Astronomie populaire (Arago)/XXIII/11

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 43-45).

CHAPITRE XI

comparaisons vulgaires destinées à donner des idées exactes de l’étendue du firmament et de la grandeur des astres qu’on y observe


Hésiode prétendait que le ciel et l’enfer étaient à la même distance de la surface de la Terre, l’un en haut, l’autre en bas. Pour donner une idée de la distance du ciel à la Terre, il disait qu’une grosse enclume en fer qui tomberait du ciel vers la Terre, ne nous parviendrait qu’au dixième jour, et qu’elle emploierait le même temps pour aller de la surface de la Terre à l’enfer.

Aujourd’hui, on a pu mesurer avec exactitude les orbites des planètes, et on calcule facilement que Neptune, le corps du système solaire qui gravite dans l’orbite la plus éloignée du Soleil, mettrait 10 994 jours ou plus de 30 ans pour tomber vers le centre du monde planétaire, si l’on supposait subitement anéantie la vitesse tangentielle qui, combinée avec l’action de l’astre radieux et avec les actions des diverses planètes, fait circuler Neptune dans une courbe que l’observation et la théorie permettent aux astronomes de figurer sans aucune peine. J’ai donné dans une autre occasion (liv. xx, chap. xxvii) les temps que mettraient à tomber vers le Soleil les autres planètes, si elles étaient abandonnées à la seule force attractive du globe solaire. Le lecteur a vu d’ailleurs que la lumière qui se meut pourtant avec une si prodigieuse vitesse, ne met pas moins de 3 à 4 ans pour nous arriver des étoiles les plus rapprochées dont il ait été possible de déterminer la distance à notre planète (liv. ix, chap. xxxii). Mais je reviens à des comparaisons avec des quantités dont on est plus habitué à se rendre compte.

On sait qu’un boulet de 24 parcourt tout au plus 400 mètres par seconde à sa sortie d’une bouche à feu. Cette vitesse correspond à 4 000 mètres en 10 secondes, à 6 lieues par minute, à 360 lieues par heure, à 8 640 lieues par jour, à 3 155 760 lieues par an, à 37 870 000 lieues en 12 ans. Il faudrait donc plus de 12 ans à un boulet qui conserverait toute sa vitesse initiale pour franchir les 38 millions de lieues qui mesurent la distance moyenne de la Terre au Soleil. Un semblable boulet n’emploierait pas moins de 360 années pour aller du Soleil à Neptune ; mais il arriverait de la Terre à la Lune en 11 jours.

La vitesse de la translation de la Terre autour du Soleil est de 7 lieues 6 dixièmes par seconde, c’est-à-dire 76 fois plus grande que celle du boulet de 24 ; celui-ci emploierait 29 heures pour faire le tour de l’équateur terrestre. La vitesse de rotation de notre globe est de 11 centièmes de lieue par seconde, de 396 lieues par heure, un peu plus grande que celle du boulet de canon.

Voici un autre rapprochement qui frappera peut-être l’esprit du lecteur :

L’auteur d’un ouvrage publié en 1844, sous le titre de Vestiges of the natural history of creation, fait cette remarque : Si le plus rapide cheval de course dont on ait jamais parlé, fût parti, à la naissance de Moïse, d’une des extrémités du diamètre de l’orbite d’Uranus, et eût couru depuis lors le long de cette droite avec sa pleine vitesse et sans jamais s’arrêter, il n’aurait encore aujourd’hui parcouru que la distance de la circonférence au centre, que la moitié du diamètre ; le cheval arriverait à la planète.

Un professeur d’Angers voulant donner à ses élèves une idée sensible de la grandeur de la Terre comparée à celle du Soleil, imagina de compter le nombre de grains de blé de grandeur moyenne qui sont contenus dans la mesure de capacité nommée le litre : il en trouva 10 000. Conséquemment un décalitre doit en renfermer 100 000, un hectolitre 1 000 000, et 14 décalitres 1 400 000. Ayant alors rassemblé en un tas les 14 décalitres de blé, il mit en regard un seul de ces grains et dit à ses auditeurs : « Voilà en volume la Terre et voici le Soleil. » Cette assimilation frappa les élèves de surprise infiniment plus que ne l’avait fait l’énonciation du rapport des nombres abstraits 1 et 1 400 000.