Astronomie populaire (Arago)/XVII/38

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 481-484).

CHAPITRE XXXVIII

de l’habitabilité des comètes


Après l’examen détaillé auquel nous venons de nous livrer dans le chapitre précédent, des limites entre lesquelles peuvent osciller les températures des corps célestes dont les distances au Soleil sont très-variables, on concevra que quelques philosophes aient admis que les comètes sont habitées. Pour prévenir les difficultés qu’on aurait pu puiser, quant aux facultés respiratoires, dans les énormes changements de volume que les nébulosités cométaires éprouvent ; pour montrer que nos poumons sont susceptibles de s’accommoder à des atmosphères de densités très-dissemblables, ces philosophes ont cité Halley, qui, enfermé au centre d’une cloche de plongeur, respirait librement à une profondeur de 10 brasses (16 mètres). Ajoutons que Gay-Lussac, dans son mémorable voyage aérostatique du 16 septembre 1804, ne s’arrêta qu’à une hauteur où le baromètre marquait 329 millimètres et le thermomètre 9° au-dessous de zéro ; l’illustre physicien était alors à une hauteur de 7 010 mètres au-dessus de la mer. Dans leur périlleuse ascension du 27 juillet 1850, MM. Barral et Bixio, partis à quatre heures du soir de l’Observatoire de Paris par une température de 17° au-dessus de zéro, séjournèrent trois quarts d’heure plus tard, durant près de vingt minutes, dans une couche d’air située à 7 049 mètres au-dessus de la mer, dont la température était de 40° au dessous de zéro, et où le baromètre était descendu à 315 millimètres. Dans ces deux expériences, les ballons flottaient au milieu de couches atmosphériques dont la densité n’était pas les deux dixièmes de celle de l’air contenu dans la cloche de Halley.

Je ne prétends pas tirer de ces considérations la conséquence que les comètes sont peuplées par des êtres de notre espèce. Je ne les ai présentées ici que pour rendre, comme dit Lambert, leur habitabilité moins problématique. Je ferai observer, au surplus, que tous les corps célestes ont soulevé la même question et les mêmes doutes. Si la solution a présenté quelques difficultés, c’est qu’en fait d’organisation nos vues sont très-restreintes ; c’est que nous concevons difficilement des animaux qui diffèrent totalement de ceux dont nous avons étudié la forme, les mouvements, la nutrition. Nous croyons aujourd’hui que le vide parfait, que des milieux d’une très-haute température, ne sauraient renfermer des êtres animés, mais sans appuyer cette opinion sur de meilleurs arguments, qu’une personne qui n’ayant jamais vu de poissons, soutiendrait, par cela seul, que dans l’eau la vie est impossible. Des scrupules religieux sont aussi venus ajouter à la complication du problème. Voici en quels termes Fontenelle répondait, dès l’année 1686, à ce nouveau genre de difficulté : « Il est des personnes qui s’imaginent qu’il y a du danger, par rapport à la religion, à mettre des habitants ailleurs que sur la Terre. Mais il faut démêler ici une petite erreur d’imagination. Quand on vous dit que la Lune est habitée, vous vous y représentez aussitôt des hommes faits comme nous ; et puis, si vous êtes un peu théologien, vous voilà plein de difficultés. La postérité d’Adam n’a pu s’étendre jusque dans la Lune, ni envoyer des colonies dans ce pays-là. Les hommes qui sont dans la Lune ne sont donc pas fils d’Adam ; or, il serait embarrassant dans la théologie qu’il y eût des hommes qui ne descendissent pas d’Adam… L’objection roule donc tout entière sur ces hommes de la Lune ; mais ce sont ceux qui la font à qui il plaît de mettre des hommes dans la Lune ; moi, je n’y en mets point : j’y mets des habitants qui ne sont point du tout des hommes. Que sont-ils donc ? Je ne les ai point vus ; ce n’est pas pour les avoir vus que j’en parle. » Au surplus, dit l’ingénieux secrétaire de l’Académie : « Quoique je croie la Lune une terre habitée, je ne laisse pas de vivre civilement avec ceux qui ne le croient pas, et je me tiens toujours en état de me ranger à leur opinion avec honneur si elle avait le dessus… Je ne prends parti dans ces choses-là, que comme on en prend dans les guerres civiles, où l’incertitude de ce qui peut arriver fait qu’on entretient toujours des intelligences dans le parti opposé. »



NOTE

sur les comètes de 1853 et de 1854.

Le catalogue des comètes du chapitre x du Livre sur les comètes, contient toutes les comètes calculées au moment où M. Arago faisait une dernière révision de son Astronomie populaire. Les cadres qui ont été formés par l’illustre secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, sont destinés à être complétés au fur et a mesure des découvertes nouvelles, et ils sont tellement disposés que tout le monde pourra, sans aucune difficulté, tenir sur ce sujet son Traité au courant de la science. C’est entrer dans les vues de M. Arago que d’ajouter les faits nouveaux à ceux qu’il a recueillis.

Outre les comètes contenues dans le catalogue de M. Arago, il en a été calculé deux, découvertes en 1853, et quatre, découvertes en 1854. En voici les éléments, dans la forme adoptée par M. Arago :

Nos
d’ordre.
Années. Passage
au
périhélie.
Incli-
naison.
Longitude
du
nœud.
Longitude
du
périhélie.
Distance
péri-
hélie.
Sens
du
mouv.
198 1853 10 mai 57° 53’ 41° 13’ 201° 13’ 0,905 R
199 1853 16 oct. 60  59  220  302  0,173 R
200 1854 4 janv. 66  17  227  55  40  0.205 R
201 1854 24 mars 82  36  315  26  213  48  0,277 R
202 1854 22 juin 71  347  49  272  58  0,648 R
203 1854 27 oct. 40  58  324  43  93  21  0,807 D


N° 198. — Cette comète est la deuxième de 1853 ; elle a été découverte le 4 avril, à Moscou, par M. Schweizer ; ses éléments ont été calculés par M. Brunhs.
N° 199. — M. Brunhs a découvert cette comète à Berlin, dans la nuit du 11 au 12 septembre 1853, dans la constellation de la Grande Ourse ; ses éléments ont été calculés par M. Brunhs et par M. d’Arrest.
N° 200. — Cette comète a été vue près de New-York, par M. Gould, le 25 novembre 1853. L’orbite a été calculée par M. Klinkerfues et par M. Brunhs.
N° 201. — Cette comète a été aperçue, le 23 mars 1854, dans le département de Lot-et-Garonne ; les premières observations en ont été faites à Paris, le 31 mars, par M. Laugier. L’orbite en a été calculée par M. Argelander et M. Ernest Quetelet.
N° 202. — M. Klinkerfues a découvert cette comète le 5 juin 1854, à Gœttingue. Les éléments ont été calculés par M. Argelander.
N° 203. — M. Brunhs a découvert cette comète à Berlin, le 12 septembre 1854 ; il en a calculé les éléments.

La découverte de ces six comètes et leur adjonction au catalogue de M. Arago ne changent nullement les considérations développées dans le chapitre xix sur le nombre des comètes du système solaire.