Astronomie populaire (Arago)/XVII/34

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 454-457).

CHAPITRE XXXIV

des comètes sort-elles tombées dans des étoiles ?


Nous avons rapporté précédemment que Pline fait mention d’une étoile qui, du temps d’Hipparque (il y a environ 2 000 ans), se montra tout à coup dans la région du nord, et donna à ce grand astronome l’idée du catalogue dont la science lui est redevable et que Ptolémée nous a conservé (liv. ix, chap. xxvii).

Nous avons vu également que ce phénomène se reproduisit en 1572 et en 1604.

L’étoile nouvelle de 1572 fut aperçue par Tycho Brahé le 11 novembre, au nord, dans la constellation de Cassiopée. Elle était plus brillante que la plus brillante étoile du ciel, que Sirius ; elle répandait presque autant de lumière que la planète Vénus. L’étoile de 1604, quand les disciples de Kepler la virent, le 10 octobre, au midi, dans le Serpentaire, surpassait Jupiter en éclat, quoique la nuit précédente elle eût paru très-petite. Au bout de quinze mois, il n’en restait plus aucune trace. L’étoile nouvelle de Cassiopée fut aussi visible pendant près d’une année et demie.

Nous avons cité plusieurs autres apparitions d’étoiles temporaires, et nous avons dit qu’un phénomène analogue a eu lieu sous nos yeux en 1848. On compterait aujourd’hui jusqu’à dix étoiles dont l’existence n’a pu être constatée que pendant un temps limité.

Les étoiles fixes sont de vrais soleils, autour desquels, suivant toute probabilité, circulent des planètes et des comètes. Les faits que je viens de rappeler prouvent qu’outre les étoiles lumineuses, il y a, dans les espaces célestes, des étoiles pour ainsi dire épuisées, éteintes, complétement obscures. Newton croyait que les étoiles de cette espèce redeviennent incandescentes, recouvrent subitement leur ancien éclat, lorsque des comètes venant à y tomber, fournissent un nouvel aliment à la combustion.

Si cette explication était adoptée, il en résulterait que, depuis les temps historiques, des comètes seraient tombées dix fois, sinon dans le Soleil encore resplendissant de notre système planétaire, du moins dans les soleils déjà encroûtés, autour desquels d’autres planètes, d’autres comètes effectuent leurs révolutions.

Le grand nom de Newton ne doit pas m’empêcher de faire remarquer que la comparaison de l’incandescence des corps célestes à celle des feux ordinaires ; que l’assimilation des comètes aux bûches qu’il faut jeter incessamment dans nos foyers pour y entretenir la combustion, ne reposent sur aucune analogie spécieuse. Personne n’ignore aujourd’hui que presque tous les corps, dans certaines conditions spéciales, et particulièrement dans certains états électriques, peuvent être rendus lumineux sans que rien se combine avec leur substance, sans que rien s’en dégage. Tel est le cas, par exemple, de deux charbons placés dans le vide, dont l’un touche au fil provenant de tel ou tel pôle d’une pile voltaïque un peu forte, tandis que l’autre est en communication avec le pôle opposé de la même pile ; car dès que les surfaces de ces charbons sont très-rapprochées, ils deviennent plus resplendissants que tous les feux terrestres connus. Cet éclat est même tel, qu’on s’est accordé à désigner la lumière qui en émane alors par le nom de lumière solaire.

L’expérience dont je viens de parler est très-importante. Je ne dirai pas cependant qu’on puisse en déduire avec quelque certitude la conséquence que la lumière du Soleil et des étoiles est une lumière électrique ; mais on m’accordera, du moins, que le contraire n’est pas prouvé, et cela suffit pour faire rejeter dans le domaine des simples hypothèses, les raisonnements dont Newton s’étayait pour établir qu’il était tombé des comètes dans des étoiles.

L’opinion que les comètes servent d’aliment au Soleil et aux étoiles n’est pas seulement consignée dans le célèbre livre des Principes ; je la trouve encore dans une pièce qui n’a vu le jour qu’après la mort de Newton, dans le récit d’une conversation que ce grand homme eut avec son neveu, M. Conduit, à l’âge de quatre-vingt-trois ans, et dont voici quelques passages :

« Je ne pourrais pas dire quand la comète de 1680 tombera dans le Soleil ; peut-être fera-t-elle encore cinq ou six révolutions ; mais quel que soit le moment où cela arrivera, la comète accroîtra à tel point la chaleur solaire que notre globe sera brûlé et que tous les animaux périront. Les étoiles nouvelles observées par Hipparque, Tycho et Kepler, ont dû avoir une cause de ce genre, car on ne saurait expliquer d’une autre manière la lumière éclatante dont elles brillent. »

M. Conduit ayant demandé à Newton pourquoi dans son immortel ouvrage, tout en admettant que les comètes peuvent tomber dans le Soleil, il ne parle cependant des vastes incendies qu’elles doivent engendrer, qu’à l’occasion des étoiles : « C’est, répondit l’illustre vieillard, que les conflagrations du Soleil nous concernent un peu plus directement. Au reste, ajouta-t-il en riant, j’en avais dit bien assez pour que le public connût mon opinion. »