Astronomie populaire (Arago)/XVII/30

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 439-442).

CHAPITRE XXX

sur les changements d’éclat des comètes


D’après un premier aperçu, presque tous les astronomes s’étaient habitués à dire que la comète de Halley allait sans cesse s’affaiblissant. En remontant aux sources, nous avons trouvé (chap. xx) au contraire que dans l’intervalle des deux passages de cette comète au périhélie en 1759 et 1835, elle aurait plutôt grandi que diminué.

Kepler rapporte que la queue de la comète de 1607 était d’abord fort courte, et qu’elle devint longue en un clin d’œil. Vendelin, Snellius, le père Cysat, déclarent avoir aperçu sur les bords de la queue de la comète de 1618 (n° 40 du catalogue), des ondulations telles qu’on les aurait crus agités par le vent. Hévélius remarqua des mouvements analogues en observant attentivement les comètes de 1652 et de 1661 (nos 41 et 42 du catalogue). Pingré assure, enfin, qu’étant en mer, près des Canaries, il vit distinctement, dans la très-longue queue de la comète de 1769 (n° 84 du catalogue), des ondulations semblables à celles que les aurores boréales présentent ; que certaines étoiles qui lui paraissaient quelquefois décidément renfermées dans la largeur de la queue en étaient, peu de temps après, sensiblement éloignées.

L’explication de ces apparences n’exige pas qu’on suppose des transports subits de matière, ni dans le sens de la longueur de la queue, ni dans une direction transversale : de brusques variations d’intensité satisferaient à tous les détails des observations ; en bien, en le réduisant même à ces termes, le phénomène, d’après l’opinion à peu près générale des astronomes, n’a rien de réel ; les changements presque instantanés remarqués par Kepler, par Snellius, par Hévélius, par Pingré, ne seraient que la conséquence de l’interposition de quelques vapeurs atmosphériques entre l’astre et l’œil de l’observateur.

Pour ma part, j’avoue que, sur ce point de théorie, j’étais jadis disposé à me ranger à l’opinion commune ; mais les phénomènes dont la comète de Halley nous a rendus témoins pendant sa dernière apparition en 1835, me commanderaient aujourd’hui plus de circonspection. Pour parler net, enfin, je ne regarde plus comme impossible qu’il se manifeste dans le noyau d’une comète, dans la totalité ou dans quelque partie de sa chevelure et de sa queue, des changements d’intensité presque subits. Sans rappeler ces apparitions et ces disparitions successives de secteurs lumineux dont j’ai rendu compte précédemment (chap. xxiii), je dirai à l’appui de mes doutes actuels que, le 18 novembre 1835, le ciel étant de la plus grande pureté, la longueur de la queue de la comète ne semblait plus guère que la moitié de ce qu’on l’avait trouvée le 16, par des circonstances atmosphériques moins favorables ; et que dans son ensemble, l’astre, comparé aussi à ce qu’il était l’avant-veille, avait éprouvé un affaiblissement extrême. Dans l’intervalle, cependant, la comète s’était rapprochée du Soleil ; ainsi, loin de diminuer d’éclat, elle aurait dû au contraire augmenter ! Quand la cause d’un phénomène est si peu connue, qu’il se développe en sens inverse de nos prévisions, de nos théories, il serait vraiment puéril de s’attacher à des difficultés de détail.

La nébulosité des comètes, quand on l’étudie de près, présente aussi des difficultés inextricables. Sans doute il paraît bien naturel, au premier aspect, de la supposer formée d’une agglomération de gaz permanents et de vapeurs dégagées du noyau, sur laquelle l’action des rayons solaires s’exercerait incessamment ; mais que sont, dans ce système, les enveloppes lumineuses concentriques dont j’ai parlé ? Pourquoi le noyau serait-il excentrique, le plus souvent vers le Soleil, mais quelquefois aussi du côté opposé, etc., etc. ?

Des observations nombreuses, des expériences combinées d’après les vrais principes de la photométrie, peuvent nous éclairer sur les propriétés optiques de la matière cométaire, et nous faire savoir si cette matière est assimilable à celle qui existe à la surface de la Terre et dans le laboratoire du chimiste, ou si, au contraire, elle doit en être soigneusement distinguée.

Dans tous les cas, il est certain aujourd’hui qu’il existe des comètes de nature entièrement diverse. Quelle comparaison pourrait-on, de bonne foi, établir quant à la constitution physique, entre les astres éclatants dont j’ai dû faire mention (chap. xvi) et ces comètes observées depuis une cinquantaine d’années, qui s’évanouissent presque complétement dès que, pour en déterminer la position, on amène dans le champ du télescope astronomique la faible lumière qu’exige l’éclairage des fils ?

On doit conclure, je crois, de l’examen auquel nous nous sommes livrés, qu’il existe :

Des comètes sans noyau ;

Des comètes dont le noyau est peut-être diaphane ;

Enfin des comètes plus brillantes que les planètes, ayant un noyau probablement solide et opaque.