Astronomie populaire (Arago)/XVII/07
CHAPITRE VII
orbite de la comète à courte période ou d’encke
Les minutieux détails dans lesquels je suis entré en parlant de la comète de Halley, me permettront de passer rapidement sur la méthode qu’on a suivie pour constater la périodicité de celle dont nous allons maintenant nous occuper.
Cette comète fut découverte à Marseille, le 26 novembre 1818, par Pons.
Bouvard en présenta les éléments paraboliques au Bureau des Longitudes le 13 janvier 1819.
Un membre fit aussitôt la remarque que les résultats du calcul de Bouvard ressemblaient trop aux éléments d’une comète observée en 1805, pour qu’on ne dût pas considérer le nouvel astre comme un des retours de cette ancienne comète.
La périodicité, par cette seule comparaison, se trouvait hors de doute ; mais la durée de la révolution restait indéterminée, puisqu’il était, sinon probable, du moins possible, qu’en 13 ans la comète fût revenue plusieurs fois.
L’improbable, comme cela arrive si souvent dans les recherches scientifiques, se trouva être la vérité, car M. Encke, de Berlin, établit, par des calculs incontestables, que cette comète n’employait à parcourir toute l’étendue de son orbite elliptique que 1 200 jours environ, ou 3 ans et 3 dixièmes.
Mais, disaient encore ceux qui croyaient que le temps de la révolution d’une comète devait nécessairement être très-long, comment se fait-il qu’un astre qui revient à son périhélie en moins de 3 ans et demi, n’ait jamais été observé avant 1805 ? On répondait qu’il est très-petit, que sa lumière est très-faible, qu’il ne se voit pas à l’œil nu. Cela ne pouvait toutefois expliquer, d’une manière plausible, le manque d’observations que pour quelques uns de ses retours. Aussi ne tarda-t-on pas à reconnaître que les collections académiques contenaient des observations dont il résultait avec évidence que l’astre s’était montré en 1786 et en 1795. Voici les éléments, de la comète à courte période, dans ses anciennes apparitions :
Année. | Inclinaison. | Longitude du nœud. |
Longitude du périhélie. |
Distance périhélie. |
Sens du mouvement. |
1786 |
13° 36’ | 334° 8’ | 156° 38’ | 0,32 | direct. |
1795 |
13 42 | 334 39 | 156 41 | 0,33 | direct. |
1805 |
13 33 | 334 20 | 156 47 | 0,34 | direct. |
1819 |
13 40 | 334 30 | 156 50 | 0,33 | direct. |
Ces éléments sont ceux que M. Encke a obtenus par la discussion la plus attentive des observations faites en 1786, en 1795, en 1805 et en 1818-1819. Les éléments, calculés avec moins de soin, qui figuraient dans la table générale des comètes, présentaient entre eux des discordances très-considérables.
Les éléments de l’orbite, en 1786 et 1795, étaient trop semblables à ceux de la comète de 1818-1819, pour que, dès lors, l’influence des perturbations étant bien connue, on pût douter de l’identité. Cependant des différences assez notables commandaient de s’abstenir de toute décision précipitée.
Au reste, si l’on élevait encore sur la durée de la révolution de cet astre singulier des doutes, puisés dans la circonstance que la comète décrit son orbite allongée autour du Soleil en moins de temps que les planètes anciennes ou modernes n’en emploient à parcourir leurs orbes circulaires, on se livrerait à une discussion désormais sans objet. La courte période de la comète d’Encke, qui passa au périhélie le 27 janvier 1819, est maintenant un fait incontestable, car sa réapparition dans l’hémisphère sud, en 1822, a été constatée, à très-peu près, dans les positions que le calcul avait données d’avance, par les astronomes attachés à l’Observatoire que le général Brisbane a fondé à la Nouvelle-Hollande ; car l’accord entre le calcul et l’observation n’a pas été moins remarquable en 1825 ; car enfin, en 1829, époque de son troisième retour annoncé, l’astre est également venu occuper les places que M. Encke lui avait assignées un an auparavant, et cela, seulement, avec de très-légères différences, dont la cause sera expliquée plus tard. La même concordance s’est présentée pour les apparitions qui ont eu lieu en 1832, 1835, 1838, 1842, 1845, 1848 et 1852. En 1837 je publiai, dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes, l’éphéméride de cette comète pour 1838 ; c’est dans cette forme que l’annonce d’une comète périodique peut être donnée pour que le public la vérifie facilement :
Dates. | Noms des constellations où la comète se trouvera. | |
20 | septembre |
Persée, près de la Tête de Méduse. |
25 | id |
Persée. |
1er | octobre |
Andromède. |
10 | id |
id. |
15 | id |
Cassiopée. |
20 | id |
id. |
25 | id |
Céphée. |
30 | id |
id. |
1er | novembre |
Dragon. |
5 | id |
sur la limite du Dragon et d’Hercule. |
10 | id |
Hercule. |
15 | id |
id. |
20 | id |
id. |
25 | id |
Serpent. |
30 | id |
id. |
1er | décembre |
id. |
10 | id |
id. |
20 | id |
sur les limites du Serpent et du Scorpion. |
25 | id |
id. |
29 | id |
Ophiuchus. |
1er | janvier 1839 |
Sagittaire. |
« La comète, ajoutai-je, atteindra son périhélie, c’est à-dire le point de l’orbite où la distance au Soleil est la moindre, le 18 décembre 1838. Le 7 novembre est le jour où elle se trouvera le plus près de la Terre. Cette moindre distance de la comète à la Terre sera les 22/100" de la distance moyenne de la Terre au Soleil ; on peut donc la porter à 8 millions et demi de lieues. »
Voici les éléments de la comète d’Encke pour les retours vérifiés depuis sa découverte à la fin de 1818 :
Année. | Passage au périhélie. |
Incli- naison. |
Longitude du nœud. |
Longitude du périhélie. |
Distance péri- hélie. |
Sens du mouv. | |
1822 | 24 | mai | 13°20’ | 334°25’ | 157°12’ | 0,35 | direct. |
1825 | 16 | sept. | 13 21 | 334 28 | 157 14 | 0,34 | direct. |
1829 | 9 | janvier | 13 21 | 334 30 | 157 18 | 0,35 | direct. |
1832 | 4 | mai | 13 22 | 334 32 | 157 21 | 0,34 | direct. |
1835 | 26 | août | 13 21 | 334 35 | 157 23 | 0,34 | direct. |
1838 | 19 | déc. | 13 21 | 334 35 | 157 27 | 0,34 | direct. |
1842 | 12 | avril | 13 20 | 334 19 | 157 29 | 0,35 | direct. |
1845 | 9 | aoüt | 13 8 | 334 20 | 157 44 | 0,34 | direct. |
1848 | 26 | nov. | 13 98 | 334 22 | 157 47 | 0,34 | direct. |
1822 | 24 | mai | 13 8 | 334 23 | 157 51 | 0,34 | direct. |
Les durées des révolutions ont été successivement, d’après les recherches de M. Encke :
La durée de la révolution, d’après les dernières observations, est de 1 204 jours.
La période de 1 204 jours correspond à 3 ans 3/10es, et d’après la troisième loi de Kepler elle donne, pour l’orbite elliptique de la comète d’Encke (fig. 184, p. 256) :
Cette orbite est contenue dans celle de Jupiter.
La comète d’Encke n’est revenue à son périhélie que dans des positions le plus souvent défavorables aux observations des astronomes européens.