Astronomie populaire (Arago)/XVII/03

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 264-272).

CHAPITRE III

nature et éléments des orbites cométaires


Les comètes sont de véritables astres et non de simples météores engendrés dans notre atmosphère ainsi que beaucoup d’anciens philosophes le croyaient. Il suffit, pour s’en convaincre, soit de comparer entre elles des observations simultanées faites dans des lieux de la Terre très-éloignés les uns des autres, soit de rechercher si les comètes participent, à la manière du Soleil, des planètes et des étoiles, à la révolution diurne et générale du ciel. Il faut voir, en d’autres termes, si pendant cette révolution, la distance angulaire d’une comète à une étoile Voisine éprouve, entre le lever et le coucher, quelque variation notable, en tenant compte toutefois de l’effet que le déplacement propre de cette comète peut produire dans le même intervalle.

Depuis Tycho, à qui l’on doit cette première découverte, il a été reconnu que les comètes circulent autour du Soleil suivant des lois régulières ; qu’elles se meuvent comme les planètes, mais que leurs orbites sont des ellipses très-allongées.

Le Soleil occupe toujours un des foyers de l’orbite elliptique de chaque comète.

Le sommet de l’ellipse le plus voisin du Soleil s’appelle le périhélie. L’autre sommet prend le nom d’aphélie,

On appelle distance périhélie la distance focale de l’orbite cométaire. En d’autres termes, c’est l’intervalle qui, au moment du passage de la comète par le sommet de l’ellipse, la sépare du Soleil ; c’est la moindre de toutes les distances au même astre où elle puisse jamais se trouver.

Les comètes ne se voient guère de la Terre que pendant qu’elles sont voisines de leur périhélie ; mais, je l’ai déjà fait remarquer, une ellipse très-allongée et une parabole de même sommet et de même foyer, ne commencent à se séparer sensiblement qu’à une assez grande distance de leur sommet commun (liv. i, chap. xi). Pour représenter les diverses positions que prend une comète pendant la courte durée de son apparition, on pourra donc, en général, substituer sans inconvénient la parabole à l’ellipse. Si, par hasard, on reconnaît qu’il n’y a pas lieu à l’assimilation d’une courbe à l’autre, tout ce qu’il faudra en conclure c’est que, par exception, l’orbite elliptique de la comète n’est pas très-allongée.

Un calcul assez simple, mais dont il me serait impossible de donner ici une idée exacte, prouve que trois positions d’une comète vue de la Terre, suffisent pour déterminer son orbite parabolique. Énumérons en détail les éléments que cette détermination comprend.

Disons d’abord que le plan de comparaison est celui dans lequel la Terre paraît se mouvoir, le plan qu’on appelle l’écliptique.

Dans ce plan, la courbe, supposée circulaire, que la Terre semble décrire annuellement autour du Soleil, est censée divisée en 360°. Le point de départ de cette division, son zéro, est déterminé de position à l’aide de quelques phénomènes astronomiques que nous avons indiqués ailleurs (liv. vii, ch. iv).

Tout arc compté à partir de ce zéro, s’appelle une longitude.

Le plan de l’orbite d’une comète, le plan qui contient l’ellipse et sa parabole tangente, passe par le Soleil. Ainsi, il rencontre l’écliptique suivant une ligne droite dont nous connaissons un premier point, savoir, le centre du Soleil. Un autre point est nécessaire pour que la ligne soit déterminée. Tout le monde est convenu de choisir pour ce second point l’une des deux divisions du cercle gradué de l’écliptique, auxquelles la ligne droite aboutit.

Ces points d’intersection portent le nom de nœuds ; les deux nœuds sont éloignés d’une demi-circonférence, ou de 180°. Le nœud par lequel passe la comète, quand elle va du midi au nord de l’écliptique, s’appelle le nœud ascendant. C’est celui dont on donne constamment la position.

Ainsi, le nœud d’une comète se trouve par 10°, par 20°, par 30°, suivant que le plan de l’orbite coupe l’écliptique dans une ligne qui, en partant du Soleil, aboutit au 10e, au 20e au 30e degré du cercle gradué de comparaison. La position du nœud est un des éléments dont le calcul donne la valeur. Cet élément est nécessaire, mais, seul, il ne détermine pas la position du plan de l’orbite ; il faut savoir, de plus, quel angle ce plan forme avec l’écliptique, car, par une même ligne, il peut passer un nombre infini de plans différents.

Ce nouvel élément s’appelle l’inclinaison.

Dans le plan de l’orbite, maintenant tout à fait déterminé, le grand axe de l’ellipse, ou, ce qui est la même chose, le grand axe de la parabole, peut être perpendiculaire à la ligne des nœuds ; il peut former avec elle un angle de 10°, de 20°, de 40°, etc.

On fera cesser toute incertitude à cet égard, en disant à quel point du cercle gradué de l’écliptique, à quelle longitude correspond l’extrémité du grand axe, c’est-à-dire le périhélie.

Ainsi, la longitude du périhélie devra nécessairement figurer parmi les éléments d’une comète.

Si deux paraboles dont le foyer commun est le centre du Soleil ont d’ailleurs le même axe, elles ne pourront différer l’une de l’autre qu’à raison de la distance de ce foyer au sommet de la courbe, qu’à raison de la distance périhélie.

La distance périhélie, exprimée en parties d’une unité qu’on pourra choisir arbitrairement, ne sera, donc pas moins nécessaire à connaître que les autres éléments dont je viens de parler. On s’est accordé à prendre pour unité la distance moyenne de la Terre au Soleil.

Une ellipse, enfin, ou une parabole, peuvent être parcourues dans deux directions différentes. L’observateur devra donc indiquer si le mouvement d’une comète rapporté à l’écliptique s’opère de l’occident à l’orient, ou en sens contraire. Comme la Lune, les planètes et leurs satellites circulent dans l’espace de l’occident à l’orient, les astronomes sont convenus d’appeler directs tous les mouvements qui s’effectuent dans ce sens. Les mouvements dirigés de l’orient à l’occident prennent le nom de rétrogrades. Ainsi, pour faire connaître, par un seul mot, le sens de la marche de la comète dans son orbite, il suffira de dire si elle est directe ou rétrograde.

En résumé, les éléments paraboliques d’une comète sont :

1° L’inclinaison ;

2° La longitude du nœud ; ces deux premiers éléments sont destinés à déterminer la position du plan de l’orbite ;

3° La longitude du périhélie, servant à faire connaître la direction du grand axe de l’orbite, ou la situation de cette courbe dans son propre plan ;

4° La distance périhélie, qui lève toute incertitude sur la forme de la parabole, car le foyer coïncide nécessairement avec le centre du Soleil ;

5° Enfin, le sens du mouvement, indiqué par l’un ou l’autre de ces deux mots : direct, rétrograde.

Il faut ajouter, en sixième lieu, aux éléments paraboliques précédents l’époque du passage de la comète à son périhélie, qui sert à indiquer dans le temps la position vers laquelle l’astre a été visible de la Terre.

Lorsque l’on trouve que les positions observées d’une comète peuvent, par le calcul, donner une ellipse à la place d’une parabole, les éléments qui déterminent l’orbite cométaire sont les mêmes que ceux que nous avons indiqués pour les planètes (liv. xvi, ch. xi), en y ajoutant le sens du mouvement ; l’époque du passage au périhélie peut remplacer la longitude de l’astre à une époque déterminée.

Peut-être, au premier coup d’œil, s’étonnera-t-on qu’en donnant les éléments d’une comète, on n’avertisse pas si l’angle qui détermine l’inclinaison du plan de l’orbite est situé au nord ou au sud de l’écliptique ; mais il sera facile de voir que cette indication serait superflue, du moins, dès qu’il est entendu que le nœud dont on fixe la position est le nœud ascendant, et que l’on fait connaître en même temps si le mouvement de l’astre est direct ou rétrograde. Traçons, en effet, dans le plan de l’orbite terrestre une ligne passant par le Soleil et aboutissant, si l’on veut, à 20° et à 200° du cercle gradué de l’écliptique. Par cette ligne, conduisons un plan qui sera incliné, je suppose, sur ce même plan de l’écliptique, de 15° vers le nord (fig. 185). Ce plan, pour dernière hypothèse, l’enfermera l’orbite d’une comète directe et le vingtième degré de l’écliptique marquera le nœud ascendant, c’est-à-dire le point que l’astre rencontrera en passant de la région du midi à celle du nord.

Fig. 185. — Orbite cométaire ayant 20° pour longitude du nœud ascendant.
Fig. 186. — Orbite cométaire ayant 200° pour longitude du nœud ascendant.

Tout demeurant dans le même état, la ligne des nœuds n’ayant pas bougé et la comète restant directe, concevons que le plan de l’orbite se trouve dans la régionopposée du ciel, formant avec le plan de l’écliptique, mais du côté du midi, un angle de 15° (fig. 186). La comète qui se mouvra dans ce nouveau plan, n’aura-t-elle pas, d’après les conventions précédentes, les mêmes éléments que l’ancienne, quoiqu’elle parcoure des constellations essentiellement différentes ? Je réponds que la position du périhélie, que le moment du passage par ce point, que la distance périhélie, que l’inclinaison de l’orbite, que le sens du mouvement, seront absolument identiques ; mais le nœud aura changé de 180°. En effet, nous sommes convenus de choisir le nœud ascendant, et c’était au vingtième degré de l’écliptique que, par hypothèse, il était placé. En arrivant à ce point par un mouvement direct, ou qui, rapporté à l’écliptique, s’exécutait de l’occident à l’orient, la comète venant du midi, parcourait donc une portion d’orbite qui s’élevait vers le nord ; mais cette portion se trouvera au contraire au sud de l’écliptique, lorsque la rotation du plan vers le midi sera effectuée, et en la parcourant par son mouvement propre, la comète, au lieu d’aller comme tout à l’heure du sud au nord, marchera du nord au sud. Le vingtième degré ne sera donc plus le nœud ascendant ; c’est au point diamétralement opposé, ou à 200°, qu’on le trouvera. Ainsi, le nombre 200° remplacera dans les éléments le nombre 20° qui y figurait d’abord.

Le nœud, combiné avec l’indication du sens du mouvement de la comète, décide comme on voit, sans ambiguïté, si c’est du côté du nord ou du côté opposé que l’inclinaison du plan de l’orbite doit être comptée. Rien n’empêcherait de le dire en termes exprès ; mais c’est inutile, et je devais le prouver pour répondre à quelques observations qui m’avaient été adressées après la publication de la notice sur les comètes que j’ai insérée dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes et qui était extraite de ce Traité d’astronomie.

Calculer les éléments paraboliques, tel est le but que les astronomes doivent se proposer aussitôt qu’une comète vient à se montrer. Pour cela, trois observations sont nécessaires. Si l’on n’a pu en réunir que deux, la forme et la position de l’orbite restent inconnues. Quand on en a un grand nombre, toutes concourent à la détermination du résultat final, et il est alors plus exact.

Les orbites des comètes Sont considérablement modifiées par l’attraction des corps dans le voisinage desquels elles passent ; c’est un point que nous ne manquerons pas de traiter dans le livre où il sera question des perturbations.