Astronomie populaire (Arago)/XVI/07

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 224-230).

CHAPITRE VII

du mouvement de la terre autour du soleil


Nous avons considéré jusqu’ici les mouvements des étoiles, du Soleil et des planètes, tels qu’ils paraissent s’exécuter en supposant la Terre immobile. Nous allons dans ce chapitre remonter des apparences à la réalité.

Dès notre début dans l’étude des mouvements célestes, nous avons reconnu que le Soleil semble décrire une ellipse dont notre globe occupe un foyer (liv. vii, ch. viii). Cherchons si ce mouvement du Soleil ne serait pas une apparence dépendante du mouvement réel de la Terre.

En quoi consiste le mouvement apparent du Soleil ? dans ce fait, que chaque jour à midi, par exemple, le Soleil semble correspondre à une étoile plus orientale que la veille. Or, ce fait resterait absolument le même si, en supposant le Soleil immobile, on faisait mouvoir la Terre autour de lui. Si ce mouvement s’exécutait de l’occident à l’orient, les lignes visuelles menées de notre globe au Soleil, prolongées jusqu’au firmament, correspondraient chaque jour à des étoiles plus orientales.

Que le Soleil se meuve dans une orbite elliptique dont la Terre occupe le foyer, ou que la Terre parcoure la même courbe en supposant le Soleil au foyer, les phénomènes du mouvement annuel du Soleil à travers les constellations seront absolument les mêmes.

En jetant un coup d’œil sur les deux figures ci-jointes, cela paraîtra évident à tout le monde.

Fig. 175. - Ellipse apparente décrite par le Soleil autour de la Terre
placée au foyer.

Dans la première (fig. 172), T représente la Terreimmobile au foyer de la courbe que le Soleil semble parcourir ; dans la seconde (fig. 173) S représente le Soleil en repos dans l’intérieur de la courbe que la Terre décrit en une année. Suivons plus loin la comparaison des deux hypothèses.

Nous avons reconnu, à l’aide des mesures micrométriques, que le diamètre du Soleil est variable, et que par conséquent il doit en être de même de sa distance à la Terre. Or, cette distance ne sera pas moins variable si on suppose le Soleil immobile au foyer de l’orbite annuelle, que lorsqu’on plaçait la Terre à ce foyer. Il y a plus : si les dimensions de l’ellipse sont les mêmes dans les deux cas, les variations des distances auront exactement les mêmes valeurs numériques. Seulement, dans le premier cas, les diamètres du disque solaire au périgée et à l’apogée correspondaient aux passages du Soleil par les deux extrémités du grand axe de l’ellipse ; dans la seconde supposition, on observera ces deux diamètres du disque solaire au périhélie et à l’aphélie, quand la Terre passera par les deux mêmes sommets de la courbe.
Fig. 173. — Ellipse décrite par la Terre dans son mouvement de translation
autour du Soleil.

Le mouvement propre du Soleil était inégal et assujetti à cette loi remarquable que les surfaces décrites en temps égaux autour du foyer de l’ellipse occupée par la Terre, étaient égales entre elles (deuxième loi de Kepler). Supposons que la Terre parcoure l’ellipse d’un mouvement inégal, mais de manière que les déplacements de son rayon vecteur soient assujettis à la loi des aires que nous venons de citer ; il est clair que les mouvements apparents du Soleil seront les mêmes dans les deux hypothèses.

Dans nos premières études sur le mouvement propre apparent du Soleil, nous avons été amené à noter deux positions très-remarquables de cet astre. Je veux parler de celles dans lesquelles le Soleil paraît passer (liv. vii, ch. iv) tous les ans dans le plan de l’équateur. Ces points, on se le rappelle, portent le nom d’équinoxes ; ils jouent, comme nous le verrons, un rôle très-essentiel dans l’explication des phénomènes des saisons.

Nous devons nous demander s’il y aura des équinoxes, et quand ces équinoxes arriveront, dans la supposition du mouvement de translation de la Terre autour du Soleil. Or, supposons que la Terre se meuve parallèlement à elle-même, en sorte que le plan de son équateur coupe toujours le plan de l’écliptique suivant des lignes parallèles entre elles ; pendant six mois ces intersections parallèles se trouveront situées d’un certain côté du Soleil, pendant six autres mois elles occuperont le côté opposé. Or, dans le passage des premières positions aux secondes et dans le passage des secondes aux premières, l’intersection de l’équateur et de l’écliptique passera nécessairement par le Soleil. Il y aura donc en douze mois ou un an, deux époques où le Soleil se trouvera situé dans le plan de l’équateur terrestre : c’est là ce que nous avons appelé les équinoxes.

On montrerait tout aussi simplement qu’à égale distance des deux équinoxes il doit y avoir deux solstices, c’est-à-dire deux points où les distances angulaires du Soleil à l’équateur terrestre sont égales à l’inclinaison de ce plan sur le plan de l’écliptique, c’est-à-dire à l’époque actuelle de 23° 27′ 30″.

L’étude du mouvement apparent annuel du Soleil nous a fait découvrir la précession des équinoxes, c’est-à-dire un mouvement rétrograde de 50″ par an des points par lesquels passe le Soleil quand il vient du midi au nord de l’équateur, ou quand il passe du nord au midi ; en d’autres termes, un déplacement de 50″ par an dans la ligne suivant laquelle l’équateur coupe le plan de l’écliptique.

On a reconnu que la précession n’altère pas les latitudes des étoiles, c’est-à-dire leurs distances perpendiculaires à l’écliptique ; ainsi on ne peut pas expliquer le changement de la ligne suivant laquelle le plan de l’écliptique coupe le plan de l’équateur par un déplacement du premier de ces plans ; car, répétons-le, un pareil déplacement changerait quelque peu les latitudes des étoiles. Mais si la Terre est immobile dans l’espace, son équateur sera fixe et sa ligne d’intersection avec le plan de l’écliptique, immobile lui-même, aura une position invariable ; on est alors amené forcément à la conséquence que les étoiles, indépendamment de leur mouvement apparent quotidien, éprouvent un déplacement de 50″ par an, en vertu duquel elles doivent correspondre à des points de l’écliptique de plus en plus orientaux. Mais qui ne voit combien une telle conséquence est improbable ? En effet, elle ne tend à rien moins qu’à supposer que toutes les étoiles, malgré les immenses distances qui les séparent de la Terre, malgré les distances plus prodigieuses encore qui les séparent les unes des autres, malgré leur isolement, malgré leur indépendance, s’entendent, pour ainsi dire, pour se mouvoir parallèlement au plan de l’écliptique de 50″ par an, avec le mince résultat de s’éloigner simultanément de l’équinoxe de cette petite quantité. Si nous supposons, au contraire, la Terre mobile, rien ne nous empêchera d’attribuer un petit déplacement annuel à son équateur.

Pour expliquer les équinoxes, nous avons d’abord admis que l’intersection de l’équateur terrestre avec l’écliptique restait toute l’année parallèle à elle-même ; si nous voulons expliquer dans le même système la précession des équinoxes, nous supposerons que le parallélisme de l’intersection n’est pas parfait, et que sa direction forme après douze mois, avec celle qu’elle avait l’année précédente, un angle de 50″, la nouvelle intersection étant toujours plus orientale que la précédente. Dans cette explication si simple, on n’a pas besoin de faire mouvoir d’un mouvement commun les milliards d’étoiles dont le firmament est parsemé ; tout est représenté, pour me servir d’une expression qui sera bien comprise des mathématiciens, par un déplacement d’un des plans coordonnés, par un déplacement de l’équateur auquel les étoiles sont rapportées.

Si la Terre se meut autour du Soleil, le temps de sa révolution sera égal à la durée de la révolution sidérale de cet astre, c’est-à-dire de 366j,2396.

Nous avons vu que Kepler avait trouvé une loi suivant laquelle les temps des révolutions des planètes proprement dites sont liées à leurs distances au Soleil. Cette troisième loi de Kepler, on se le rappelle, peut être énoncée ainsi : le carré du temps de la révolution d’une planète est au carré du temps de la révolution d’une seconde planète, comme le cube de la distance moyenne de la première planète au Soleil, est au cube de la distance moyenne de la seconde planète au même astre. Eh bien, la Terre et sa distance au Soleil viennent prendre rang dans ces proportions et en vérifier l’exactitude ; ainsi le carré du temps de la révolution de la Terre, c’est-à-dire le carré de sa révolution sidérale, si la Terre est une planète, est au carré du temps de la révolution de Mars, comme le cube de la distance moyenne de la Terre au Soleil est au cube de la distance moyenne de Mars au Soleil. La proportion se vérifie également, quelle que soit la planète supérieure ou inférieure que l’on compare à la Terre.