Astronomie populaire (Arago)/XV/03

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 187-192).

CHAPITRE III

sur les explications de la lumière zodiacale


Les premières recherches vraiment scientifiques, faites sur cette espèce de lumière, datent du mois de mars 1683 ; elles sont dues à J.-D. Cassini. Ce grand astronome croyait que la lueur zodiacale n’existait pas, ou que du moins elle était excessivement faible en 1665. Voici ses preuves :

« J’observai, dit-il, en février et mars de cette année une comète très-faible où devait se trouver cette lumière ; cependant mes journaux n’en font aucune mention. »

Mais il me paraît prudent d’accorder à l’assertion de l’illustre observateur, la confiance seulement que l’on doit avoir en toute matière dans les preuves négatives.

J.-D. Cassini soupçonnait de plus que la lumière zodiacale a les mêmes vicissitudes que les taches solaires ; il admettait que le Soleil peut lancer dans le plan de son équateur, et jusqu’au delà de l’orbite de Vénus, une matière un peu grossière susceptible de réfléchir les rayons lumineux, et que c’était là l’origine de cette lueur.

D’autres astronomes ont supposé que la lumière zodiacale faisait connaître les dernières limites de l’atmosphère solaire dans le plan de l’équateur de cet astre. Mais il se présente contre cette hypothèse une difficulté insurmontable, empruntée à la mécanique, dont je vais donner une idée qui sera plus complétement appréciée quand nous aurons expliqué la cause qui maintient les mouvements planétaires. Les atmosphères de tous les corps célestes acquièrent à la longue, par l’effet du frottement de leurs diverses couches superposées, un mouvement de rotation commun et égal à celui du corps central qu’elles enveloppent. Pour le Soleil, la durée de cette rotation se monterait à 25 jours 1/2. Tel serait le temps de la révolution de la matière qui nous fait voir la lueur zodiacale jusque dans ses parties les plus éloignées du Soleil ; mais il est facile de reconnaître, par le calcul, que cette matière atteint l’orbite de la Terre lorsqu’elle sous-tend un angle de 90°. La force centrifuge qui résulterait d’un pareil mouvement aux limites de la lumière zodiacale, ne saurait être compensée par l’action attractive du Soleil, puisque sur Vénus et sur la Terre, où cette compensation existe, les temps des révolutions autour du Soleil sont respectivement de 225 et de 365 jours. La matière zodiacale se dissiperait donc très-promptement dans l’espace.

Les appendices connus sous le nom de queues, et qui accompagnent presque toujours les comètes, ne sont liés à ces astres que par une force attractive très-faible ; on peut donc admettre qu’au moment de leur passage au périhélie, la matière qui les compose se détache du corps proprement dit de la comète par l’action du Soleil, et finit par circuler définitivement autour de lui. Telle serait, d’après divers théoriciens, l’origine de la matière qui nous fait voir la lumière zodiacale, cette matière pouvant être lumineuse par elle-même ou nous réfléchir seulement les rayons du Soleil. Mais dans cette supposition, on aurait le droit de demander comment la matière des queues se serait exclusivement concentrée autour de l’équateur solaire, car les orbites des comètes, et conséquemment les orbites primitives de leurs queues, font toutes sortes d’angles avec cet équateur.

Euler a donné dans les Mémoires de l’Académie de Berlin, t. ii (1748), une théorie qui comprend à la fois l’explication des queues des comètes, des aurores boréales et de la lumière zodiacale. Suivant lui l’atmosphère solaire a pris une extension prodigieuse dans les parties correspondantes aux régions équatoriales de cet astre. Cette extension doit avoir été le résultat d’une impulsion des rayons solaires sur les molécules subtiles qui étaient contenues dans l’atmosphère primitive, impulsion dont l’effet diminuait la pesanteur naturelle de ces molécules vers le Soleil.

Il est vraiment étrange qu’un partisan décidé du système des ondes, qu’un adversaire ardent de la théorie newtonienne de l’émission, ait prétendu faire jouer un si grand rôle à l’impulsion des rayons solaires.

Les expériences que cite l’auteur sur les mouvements qu’éprouvent les molécules d’un corps placé au foyer d’un miroir ou d’un verre ardent, ne prouvent évidemment pas l’existence d’une telle impulsion.

Quelques personnes se sont imaginé que la lumière zodiacale est l’effet de la réfraction de la lumière solaire dans l’atmosphère terrestre (Young, t. i, p. 502). Mais si cela était, pourquoi cette lumière s’élèverait-elle dans une direction oblique par rapport à l’horizon ? Pourquoi semblerait-elle toujours placée dans le plan de l’équateur solaire ?

Laplace a supposé que la matière zodiacale se compose des parties les plus subtiles de la nébuleuse primitive qui, par ses condensations, d’après les idées cosmogoniques du grand géomètre, a donné naissance au Soleil et aux diverses planètes dont se compose notre système. Ces molécules ne s’étant pas unies à l’atmosphère solaire continuent, dit l’auteur de la Mécanique céleste, à circuler aux distances où elles étaient primordialement, avec des vitesses inconnues non déductibles de la vitesse de l’atmosphère proprement dite. Ainsi, suivant Laplace, la lumière zodiacale serait formée de molécules indépendantes les unes des autres et circulant autour du Soleil avec des vitesses appropriées à leur distance à l’astre central et à sa force attractive.

Un savant italien a donné, il y a quelques années, une explication de la lumière zodiacale dont on peut, ce me semble, présenter une idée suffisante en très-peu de paroles. Il suppose que le Soleil, dans son mouvement de translation dans l’espace, en vertu de ce déplacement propre si minutieusement étudié par les modernes, a pénétré dans une nébuleuse qu’il maintiendrait désormais autour de son centre à l’aide de sa puissance d’attraction. L’auteur se sert de cette hypothèse pour rendre compte de l’apparition récente de la lumière zodiacale, car il croit que ce phénomène n’existait pas avant le commencement du XVIe siècle. Mais nous avons vu quels doutes doivent s’élever sur l’époque où cette lueur s’est montrée ; à quoi nous ajouterons qu’on ne devinerait pas pourquoi la nébuleuse, à laquelle on fait jouer un si grand rôle, n’aurait point été visible avant l’instant où le Soleil commença à pénétrer vers sa partie centrale. Cette remarque suffit, je pense, pour réduire au néant l’explication que je viens de signaler du mystérieux phénomène.

Nous avons vu tout à l’heure que la clarté zodiacale s’étend jusqu’à l’orbite de la Terre et la dépasse même dans certains cas très-sensiblement ; la matière qui produit cette lumière ou sur laquelle celle du Soleil se réfléchit doit donc quelque fois se mêler à l’atmosphère terrestre. Telle est, suivant Mairan, la cause des aurores boréales : le savant académicien a cru qu’il ajouterait beaucoup à la probabilité de sa conjecture, en établissant sur la discussion du petit nombre d’observations dont il pouvait disposer, qu’il existait une liaison intime entre les fréquentes apparitions des aurores boréales et les longueurs inusitées de la lumière zodiacale. Mais cette dernière lumière a été trop rarement observée par les astronomes et les météorologistes, pour que la concordance indiquée par Mairan doive être considérée comme un fait parfaitement certain.