Astronomie populaire (Arago)/XV/01

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 183-186).

CHAPITRE PREMIER

apparence du phénomène


La lumière zodiacale est un phénomène qui, dans nos climats, s’aperçoit dans certaines saisons après le coucher du Soleil, et avant son lever.

Cette lumière a la forme d’une ellipse ou d’un fuseau très-allongé, qui s’étend le long du zodiaque. Le 6 octobre 1681, Fatio de Duillier vit que la pointe du fuseau semblait être formée par deux lignes droites inclinées l’une sur l’autre de 26°.

Les dimensions de la lumière zodiacale sont variables, ou du moins on ne s’est pas toujours accordé sur leur valeur angulaire ; on trouve, pour le grand axe, des nombres qui varient entre 40 et plus de 100 degrés. Ce nombre de 100 degrés est la détermination obtenue par Gassini le 4 février 1687, et postérieurement par Mairan. Quant au petit axe de la base correspondante au Soleil, les valeurs qu’on en a données sont comprises entre 8 et 30 degrés. Ajoutons qu’Euler croyait que la matière qui produit cette clarté pourrait ne pas s’appuyer sur le Soleil, mais qu’elle l’entourait, au contraire, à une certaine distance en forme d’anneau comme fait l’anneau de Saturne pour cette planète. Mais l’éclat de la lumière solaire, comparé à celui de la lumière zodiacale, ne permettra probablement jamais de vérifier expérimentalement cette conjecture.

La lumière zodiacale suit dans son mouvement diurne les constellations auxquelles elle correspond : elle se lève et se couche avec elles. En comparant les observations d’un mois à celles du mois suivant, on reconnaît qu’elle est douée d’un mouvement propre dirigé, comme celui du Soleil, de l’occident à l’orient.

La lumière crépusculaire suffit pour faire disparaître la lueur zodiacale ; « on la chercherait donc vainement, dit Cassini, dans les temps de l’année où le crépuscule est long, quand les signes zodiacaux, par un effet de l’obliquité de la sphère, rampent pour ainsi dire le long de l’horizon, et quand la Lune brille. » La lumière zodiacale, suivant ce grand astronome, peut être comparée, quant à la transparence et la couleur, à la queue d’une comète. Cette clarté n’empêche pas, en effet, d’apercevoir les plus petites étoiles sur lesquelles elle se projette. Cassini crut y remarquer des pétillements momentanés. Mairan, qui fit la même observation, ne donne son résultat qu’avec beaucoup de circonspection.

Si la lumière zodiacale s’étend circulairement autour de l’équateur solaire, elle doit se voir seulement par son épaisseur, lorsque la Terre est dans le plan de cet équateur, c’est-à-dire en juin et en décembre. Les époques les plus favorables à son observation sont les mois de mars ou de septembre ; alors, dans la supposition que nous venons de faire, la lumière zodiacale se présentera sous la forme d’une ellipse très-allongée.

Il est évident que c’est dans les régions équinoxiales, où la lumière zodiacale s’élève presque perpendiculairement à l’horizon, que les observations de ce phénomène doivent être faciles et exactes.

Mon illustre ami, Alexandre de Humboldt, décrit dans son Cosmos l’effet que produit la lumière zodiacale sur le voyageur curieux d’observer les brillants phénomènes de la voûte céleste, et qui quitte nos climats pour aller visiter les régions tropicales. « L’intensité lumineuse, beaucoup plus grande, dit-il, que la lumière zodiacale présente en Espagne, sur les côtes de Valence et dans les plaines de la Nouvelle-Castille, m’avait engagé déjà, avant que je quittasse l’Europe, à l’observer assidûment. L’éclat de cette lumière, je pourrais dire de cette illumination, augmenta encore d’une manière surprenante à mesure que je m’approchai de l’équateur, sur le continent américain ou sur la mer du Sud. À travers l’atmosphère toujours sèche et transparente de Cumana, dans les prairies ou Llanos de Caracas, sur les plateaux de Quito, et sur les lacs du Mexique, particulièrement à des hauteurs de 2 500 à 4 000 mètres, où je pouvais séjourner plus longtemps, je vis la lumière zodiacale surpasser quelquefois en éclat les plus belles parties de la Voie lactée, comprises entre la proue du Navire et le Sagittaire, ou pour citer des régions du ciel visibles dans notre hémisphère, entre l’Aigle et le Cygne. »

En général, dans nos climats, suivant les observations de Cassini, la lumière zodiacale paraît mieux terminée sur son bord méridional que du côté opposé. D’après le même astronome, elle serait moins vive et moins étendue le matin que le soir. On devrait aussi admettre que d’ordinaire l’écliptique ne la partage pas longitudinalement en deux parties parfaitement égales, et qu’elle a plus de largeur au nord qu’au midi. Ce dernier résultat est confirmé par les observations de Fatio de Duillier, faites à Genève en 1685 et 1686.

Ce qu’il y a de bien avéré, d’après l’ensemble des observations faites à Paris et à Genève, c’est que l’intensité de la lumière zodiacale n’est pas toujours la même, qu’elle varie considérablement d’une année à l’autre, et même dans un petit nombre de jours. La diaphanéité plus ou moins grande de l’atmosphère ne semblerait pouvoir expliquer qu’une partie de l’effet enregistré par des astronomes habiles.