Astronomie populaire (Arago)/XIX/05

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 516-519).

CHAPITRE V

phases de vénus


Il est remarquable qu’assez longtemps après la découverte de la lunette, Galilée n’avait pas songé à la diriger sur Vénus, pour rechercher si cette planète avait des phases ou en était dépourvue. Ce n’est que vers la fin de septembre 1610, que ce savant immortel ayant exploré le ciel avec une lunette nouvellement construite, aperçut, à Florence, que Vénus avait des phases comme la Lune, qu’elle présentait un croissant dont la concavité était tournée du côté du Soleil.

Pour se donner le temps de vérifier, de suivre cette découverte, sans courir la chance de se la voir enlever, l’illustre observateur la cacha sous cette anagramme :

Hæsec immatura à me jam frustra leguntur, o. y.

Ces choses, non mûries, et cachées encore pour les autres, sont lues par moi.

En plaçant les 34 lettres précédentes dans un autre ordre, Galilée en tira ces mots très-catégoriques :

Cynthiæ figuras emulatur mater amorum.
La mère des Amours suit les phases de Diane.

Les deux lignes contiennent l’une et l’autre : cinq A, un C, deux E, un F, un G, un H, un I, un J, un L, quatre M, un N, un O, quatre R, un S, trois T, quatre V, un Y, un Æ.

On trouve dans la collection de Venturi, une lettre du père Castelli au célèbre philosophe de Florence, datée de Brescia, le 5 novembre 1610, et dans laquelle ce savant demande à Galilée si Vénus et Mars ne présenteraient pas de phases. Galilée répondait « qu’il y avait beaucoup de recherches à faire, mais que vu le très mauvais état de sa santé, il se trouvait beaucoup mieux dans son lit qu’au serein. » (Venturi, t. i, p. 142.)

Le 30 décembre 1610, Galilée annonçait à Castelli qu’il avait reconnu les phases de Vénus.

Nous avons déjà dit que la découverte des phases de Vénus qui présentent, dans leur ensemble général, exactement les mêmes circonstances que Mercure et la Lune, a renversé l’objection qu’on avait élevée contre le système de Copernic.

L’observation attentive du phénomène montre toutefois que les courbes qui terminent la planète n’ont pas exactement la configuration mathématique qu’indique la théorie. C’est ce que l’on reconnaîtra en jetant les yeux sur la figure 224 où sont dessinés, d’après MM. Beer et Mædler dix-huit contours de Vénus tels qu’ils se sont présentés avant les conjonctions inférieures de cette planète en 1833 et 1836.

Fig. 224.— Contours des phases de Vénus en 1833 et en 1836,
d’après MM. Beer et Mædler.

Ces dessins sont très-propres à montrer, comme on le verra dans les chapitres suivants, l’existence de hautes montagnes dans cette planète, et à déterminer la durée de sa rotation sur elle-même :

En temps
astronomique
moyen
de Paris.
I. Vénus le 21 mars 1833 à 6h 45m
II. 55  
III. le 25 mars 30  
IV. 59  
V. le 26 mars 33  
VI. 51  
VII. le 29 mars 24  
VIII. 47  
IX. le   5 avril 5  
X. le   6 avril 58  
XI. Vénus le   7 avril 1836 à 6h 36m
XII. le 20 avril 17  
XIII. le   4 mai 33  
XIV. le 14 mai 46  
XV. le 18 mai 34  
XVI. 23  1  
XVII. le 20 mai 0  
XVIII. le 10 juin 3  

On voit bien nettement que les courbes intérieures dont la concavité est tournée à l’orient et qui s’emboîtent dans la partie circulaire de la phase, au lieu d’être elliptiques, comme l’indiquerait la théorie mathématique du phénomène, sont diversement accidentées, et que les cornes du croissant de Vénus sont souvent tronquées et arrondies.