Astronomie populaire (Arago)/XIV/16

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 135-137).

CHAPITRE XVI

des lucules


Galilée se borna, quant aux facules, à la simple affirmation que je viens de rappeler dans le chapitre précédent. Scheiner étendit beaucoup la découverte, ou plutôt il en fit une nouvelle tout aussi importante. Comme l’astronome de Florence, le jésuite d’Ingolstadt vit quelquefois des taches d’une certaine étendue se détacher cà et là en clair sur le Soleil, mais il établit en outre que la surface entière de l’astre était constamment couverte, soit de points lumineux et de points obscurs très-petits, soit de rides vives et sombres extrêmement déliées, entrecroisées sous toutes sortes de directions.

Ce sont ces innombrables rides lumineuses dont la surface du Soleil est sans cesse sillonnée, de l’orient à l’occident et d’un pôle de rotation à l’autre, que nous avons appelées des lucules.

En 1774, à une époque où les anciennes observations de Scheiner sur les lucules étaient presque totalement oubliées, Francis Wollaston disait : « Le Soleil est pointillé généralement, peut-être toujours. C’est près du bord surtout que cette constitution devient très-apparente. »

En 1795, Herschel écrivait : « Le Soleil me semble irrégulier comme la peau d’une orange. »

Les rides obscures qui longent les rides lumineuses (corrugations), examinées avec de très-forts grossissements, ont offert à l’habile astronome de Slough de très petites taches tout aussi noires que les petits noyaux proprement dits.

Le pointillé du Soleil, les petits sillons lumineux s’aperçoivent beaucoup mieux quand on se sert d’une lunette ou d’un télescope à larges ouvertures et d’un verre coloré très-foncé, qu’en employant des instruments à ouvertures réduites et un verre coloré faible. Ceci revient à dire que l’affaiblissement de la lumière par l’absorption d’un verre coloré, est moins nuisible, dans ce genre particulier d’observations, à la netteté de la vision, que l’affaiblissement provenant d’une diminution de l’ouverture du télescope.

J’ai souvent reconnu la vérité de cette remarque d’Herschel. Je dirai même qu’il me semble facile de l’expliquer.

L’image d’une étoile ou de tout autre point lumineux très-petit, paraît entourée dans une lunette ou télescope à ouverture réduite, d’une série nombreuse d’anneaux. Les images des lucules doivent donc être dans ce même cas. Or, les anneaux, en se confondant, en empiétant les uns sur les autres, ne peuvent manquer de donner un éclat uniforme à des régions où, sans cela, des points lumineux détachés se seraient fait remarquer.