Astronomie populaire (Arago)/XI/16

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 520-521).

CHAPITRE XVI

détails historiques sur la transformation des nébuleuses en étoiles — examen des difficultés que ces idées de transformation ont soulevées


Il nous a suffi de grouper convenablement les diverses formes qu’affectent les nébuleuses diffuses pour arriver à la plus importante conclusion cosmogonique. À l’aide de la combinaison naturelle et sobre de l’observation et du raisonnement, nous avons établi avec une grande probabilité, qu’une condensation graduelle de la matière phosphorescente, conduit, comme dernier terme, à des apparences sidérales ; que nous assistons, enfin, à la formation de véritables étoiles.

Cette idée hardie n’est pas aussi nouvelle qu’on se l’imagine. Je puis, par exemple, la faire remonter jusqu’à Tycho-Brahé[1].

Cet astronome regardait, en effet, l’étoile nouvelle de 1572 comme le résultat de la récente agglomération d’une portion de la matière diffuse, répandue dans tout l’univers, qu’il appelait matière céleste.

La matière céleste existait, suivant lui, dans la voie lactée en plus grande abondance que partout ailleurs. Fallait-il donc s’étonner, disait-il que l’étoile eût fait son apparition au milieu de cette bande lumineuse ? Tycho voyait même un espace obscur, grand comme la moitié du disque de la Lune, dans le lieu même l’étoile s’était montrée. Il ne se souvenait pas de l’avoir remarqué auparavant.

Kepler, à son tour, composa l’étoile nouvelle de 1604, avec la matière agglomérée de l’éther. Cette matière, parvenue à une condensation moins complète, lui semblait la cause physique de l’atmosphère dont le Soleil est enveloppé, et qui se manifeste sous les apparences d’une couronne faiblement lumineuse, pendant toute la durée des éclipses totales de Soleil. L’étoile nouvelle de 1572 se forma dans la voie lactée ; l’étoile nouvelle de 1604 n’en était pas loin. Kepler voyait dans cette coïncidence une raison plausible pour assigner aux deux astres une même origine ; seulement, il ajoutait : « Si la matière lactée engendre incessamment des étoiles, comment ne s’est-elle pas épuisée ; comment la zone qui la contient ne paraît-elle pas avoir diminué depuis Ptolémée ? » Cette difficulté n’a vraiment rien de sérieux : quels moyens avons-nous de savoir ce qu’était la voie lactée il y a quinze cents ans ?

  1. Je laisse à dessein de côté cette idée des philosophes brahmanes, qu’il existe, outre les quatre éléments terrestres, un cinquième élément, l’akasch, dont le ciel et les astres sont formés. L’akasch peut, sans contredit, être légitimement assimilé à la matière nébuleuse des astronomes modernes ; mais rien, je crois, n’autoriserait à supposer que les Indous aient entendu qu’il s’engendre de notre temps, sous nos yeux, de nouveaux astres aux dépens de l’akasch.