Astronomie populaire (Arago)/X/09

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 460-463).

CHAPITRE IX

sur les explications de la coloration des étoiles multiples


Le phénomène de la coloration des étoiles multiples a été remarqué depuis trop peu d’années pour qu’on puisse espérer d’en trouver aujourd’hui une explication plausible. C’est au temps et à des observations précises à nous apprendre si les étoiles vertes ou bleues ne sont pas des soleils déjà en voie de décroissement ; si les différentes nuances de ces astres n’indiquent pas que la combustion s’y opère à différents degrés ; si la teinte, avec excès des rayons les plus réfrangibles, que présente souvent la petite étoile, ne tiendrait pas à la force absorbante d’une atmosphère qui développerait l’action de l’étoile, ordinairement beaucoup plus brillante, qu’elle accompagne, etc., etc. Dans l’étude de phénomènes où il y aurait, sans doute, à prendre en grande considération l’action que deux soleils, inégalement lumineux et de constitutions physiques inconnues, exercent l’un sur l’autre, nous n’avons plus pour nous guider le fil de l’analogie. En effet, les expériences des physiciens n’ont pu mettre en rapport avec les rayons solaires, que les seules matières terrestres ; encore étaient elles à des températures peu élevées. Il serait donc possible que, sur cette question de la coloration des étoiles, le rôle des observateurs se réduisît, pendant longtemps encore, à celui de collecteurs de faits. La satisfaction de la rattacher à des lois physiques peut sembler réservée à nos arrière-neveux. Mais n’est-ce pas une raison de redoubler d’efforts, de zèle ? Dans les phénomènes astronomiques, la précision des observations a souvent suppléé à la durée. Et d’ailleurs, quand on est arrivé au terme de pénibles travaux et que l’espoir de quelque généralisation ne s’est pas réalisé, on peut se consoler de ce mécompte, en se rappelant que la découverte d’un seul fait, bien vu, bien décrit, bien apprécié, est incontestablement, dans la science, un pas en avant, tandis que des théories ingénieuses, séduisantes, et accueillies avec un enthousiasme presque général, ont été fréquemment des pas en arrière.

Si l’étoile nouvelle de 1572 (liv. ix, chap. xxviii ) avait la constitution physique des étoiles permanentes, l’explication de la couleur bleue, par l’affaiblissement de la combustion, devrait être écartée. Cet astre, en effet, qui au moment de son apparition subite, le 11 novembre 1572, surpassait tellement en éclat les étoiles les plus brillantes du firmament, qu’on le voyait à la simple vue en plein midi, était alors d’une blancheur parfaite. En janvier 1573, sa lumière, déjà notablement affaiblie, avait jauni ; plus tard, elle prit la couleur rougeâtre de la planète de Mars, d’Aldebaran ou de α Orion ; au rouge succéda, disent les observateurs contemporains, le blanc livide de Saturne, et cette dernière nuance persista jusqu’au moment de la disparition entière de l’astre. Dans tout cela, aucune mention de bleu. L’étoile nouvelle de 1604 ne présenta pas non plus cette dernière couleur. Il est donc établi, par deux exemples frappants, qu’une étoile peut naître, acquérir le plus haut degré d’incandescence, diminuer ensuite jusqu’à disparaître entièrement, sans jamais bleuir ! il faut cependant remarquer que la disparition des étoiles de 1572 et de 1604 ayant été observée à l’œil nu, on pourrait soutenir, à la rigueur, que le bleu s’y montra seulement lorsque ces étoiles allaient presque en s’affaiblissant, lorsqu’elles commencèrent à se trouver dans la classe des étoiles télescopiques. Au surplus, reste toujours cette question : Les étoiles nouvelles et les étoiles permanentes sont-elles de la même nature ? Les étoiles permanentes, comme notre soleil, ne brillent peut-être que par une atmosphère gazeuse qui les entoure ; or, le propre d’un gaz dont on affaiblit la condensation, c’est de devenir bleu.

L’absence des principales nuances, pendant les phases diverses des étoiles nouvelles et des étoiles changeantes, est un phénomène remarquable, dont on peut tirer d’importantes conséquences sur la vitesse des rayons lumineux de différentes couleurs.