Astronomie populaire (Arago)/IX/10

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 378-380).

CHAPITRE X

étoiles perdues ou dont la lumière s’est complétement
éteinte


Nous venons de signaler des étoiles dont l’intensité va en s’affaiblissant ; nous parlerons maintenant d’étoiles qui ont complétement disparu. Je ne m’arrêterai pas à la septième des Pléiades, dont la disparition coïncida, dit-on, avec la prise de Troie, et j’arriverai sans autre intermédiaire aux observations d’Hévélius. Cet astronome parle de cinq étoiles qui disparurent de son temps (Delambre, Astronomie moderne, t. ii, p. 483). William Herschel trouvait le nombre des étoiles perdues fort considérable, à une époque où l’Atlas céleste de Flamsteed ne lui inspirait aucune défiance. Mais ayant eu recours depuis aux observations originales de Flamsteed, il découvrit dans l’atlas céleste et dans le catalogue britannique des erreurs nombreuses qui l’obligèrent à modifier ses premiers résultats. On comprendra la nécessité de ce travail laborieux, si je dis que le catalogue renfermait 111 étoiles imaginaires, qui s’y étaient introduites par des erreurs de calcul ou de copie, et que d’autre part 500 à 600 étoiles exactement observées avaient été omises.

Postérieurement à la révision dont il vient d’être parlé, Herschel plaçait au nombre des étoiles qui se sont complétement éteintes depuis Flamsteed :

La neuvième du Taureau, de sixième grandeur.
La dixième id. id.

Voici qui est plus circonstancié, plus net.

La cinquante-cinquième d’Hercule, placée sur le col de la figure, a été insérée dans le catalogue de Flamsteed comme une étoile de cinquième grandeur ; le 10 octobre 1781, W. Herschel la vit distinctement et nota qu’elle était rouge ; le 11 avril 1782 il l’aperçut de nouveau, et l’inscrivit dans son journal comme une étoile ordinaire ; le 24 mars 1791 il n’en restait plus aucune trace. Des essais répétés le 25, et plus tard, ne donnèrent pas un autre résultat : ainsi la cinquante-cinquième d’Hercule a disparu.

Je ne pense pas avoir donné trop de développements à la question qui vient d’être traitée dans ces divers chapitres. Quoi de plus curieux, en effet, comme je l’ai déjà dit, que de savoir si les millions de soleils dont l’espace est parsemé, et dès lors si notre soleil, sont arrivés à un état permanent ; si les hommes doivent compter sur une durée indéfinie de la chaleur bienfaisante qui entretient la vie à la surface de la terre ; s’ils ont à craindre des changements d’intensité lumineuse ou calorifique, rapides, brusques, mortels.

Je ne terminerai pas sans faire remarquer, dans l’intérêt de la vérité et de la justice, que ces grands problèmes avaient fixé l’attention de divers astronomes avant que William Herschel en fît l’objet de ses puissantes investigations.

En effet, dès l’année 1437, dans la préface de son catalogue, Ulugh-Beigh disait « qu’une étoile du Cocher, que la onzième du Loup, que six étoiles, parmi lesquelles quatre de troisième grandeur voisines du poisson austral, toutes marquées dans les catalogues de Ptolémée et d’Abdurrahman-Suphi, ne se voyaient plus. »

A la fin du XVIIe siècle, J.-D. Cassini annonçait que l’étoile placée par Bayer au-dessus de ε de la Petite Ourse avait disparu et que l’étoile ζ d’Andromède s’était considérablement affaiblie. En 1709, Maraldi ne voyait avec la lunette ni une ancienne étoile de sixième grandeur, située dans la poitrine du Lion et marquée ι en 1603, ni une autre étoile de sixième grandeur placée par Bayer au-dessous de la main australe de la Vierge, ni une étoile de sixième grandeur qui, dans les cartes de l’astronome allemand, figurait dans le bassin occidental de la Balance, etc., etc.