Antiquités judaïques/Livre VIII

LIVRE VIII




I

1. Avènement de Salomon. — 2. Adonias demande la main d’Abisag. — 3. Salomon le condamne à mort et destitue Abiathar. — 4. Exécution de Joab. — 5. Exécution de Séméi.

1[1]. Sur David et ses vertus, le bien qu’il fit à son peuple, les guerres et les batailles qu’il soutint heureusement, sa mort dans un âge avancé, nous nous sommes étendu dans le livre précédent. Quand son fils Salomon, jeune encore[2], eut reçu la royauté, que son père lui avait attribuée dès son vivant selon la volonté de Dieu, le peuple entier l’acclama en lui souhaitant, comme il est coutume à l’avènement d’un roi, bonne réussite dans ses entreprises, et de voir son règne parvenir à une vieillesse heureuse et prospère[3].

2[4]. Adonias, qui, du vivant même de son père, avait tenté de s’emparer du pouvoir, vint trouver Bersabé, la mère du roi, et la salua avec empressement. Elle lui demanda quel besoin l’amenait chez elle et le pria de s’expliquer, affirmant qu’elle le satisferait de grand cœur. Alors il commença par lui dire qu’elle savait fort bien elle-même qu’il avait droit au trône tant par son âge que par le choix du peuple, mais puisque la royauté était échue à Salomon, son fils, par la volonté de Dieu, il aimait et se plaisait à servir sous lui, et se déclarait satisfait de sa condition présente. Toutefois il suppliait Bersabé d’intercéder pour lui auprès de son frère et de le persuader de lui accorder pour femme Abisaké, la concubine de son père : car celui-ci, en raison de sa vieillesse, n’avait pas eu commerce avec elle ; elle était donc restée vierge. Bersabé promit de lui prêter tout son concours, disant qu’elle ne doutait pas du succès, d’abord parce que le roi tiendrait à faire plaisir à son frère, ensuite parce qu’elle l’en prierait avec instance. Adonias se retira, plein d’espoir, et la mère de Salomon s’empressa aussitôt d’aller voir son fils pour l’entretenir de ce qu’elle avait promis à la prière d’Adonias. Son fifs, étant venu à sa rencontre, l’embrassa, puis, l’ayant conduite dans l’appartement où se trouvait son trône royal, s’y assit et fit placer à sa droite un autre trône pour sa mère. Bersabé s’étant assise : « J’ai une grâce, dit-elle, à te demander mon fils : accorde-la-moi et épargne-moi le chagrin et l’ennui d’un refus. » Salomon l’invite à faire connaître sa volonté, car c’était un devoir de tout accorder à une mère. Il lui reproche même doucement de n’avoir pas, dès ses premières paroles, montré la ferme confiance de voir exaucer son désir et d’avoir paru appréhender un refus ; alors Bersabé le pria de donner en mariage à son frère Adonias la vierge Abisaké.

3[5]. Le roi, violemment irrité par ce discours, congédie sa mère, et s’écrie que sûrement Adonias visait encore plus haut. Il s’étonne qu’elle ne fait pas invité à livrer encore la royauté à ce frère, en raison de son âge, alors qu’elle réclame la main d’Abisaké pour un homme qui a des amis puissants, Joab le général en chef et le prêtre Abiathar. Puis il mande Banéas, le chef des gardes du corps, et lui ordonne de mettre à mort son frère Adonias. Ensuite, ayant appelé le prêtre Abiathar : « Si tu échappes à la mort, dit-il, c’est en considération de toutes les épreuves que tu as subies aux côtés de mon père et de l’aide que tu lui as prêtée pour transporter l’arche. Mais voici le châtiment que je t’inflige, pour t’être rangé du parti d’Adonias et avoir épousé ses projets : aie garde de ne point demeurer ici, ni de te trouver jamais devant mes yeux ; mais retourne dans ton pays natal[6], vis aux champs et mène cette existence jusqu’à la mort ; ta faute t’enlève le droit de demeurer désormais à ton poste. » C’est pour ce motif que la maison d’Ithamar, selon ce que Dieu avait prédit au grand-père d’Abiathar, Éli, fut destituée de la dignité sacerdotale, laquelle passa dans la race de Phinéès, à Sadoc. Les membres de la famille de Phinéès, qui restèrent dans la vie privée à partir de l’époque on le grand pontificat avait passé à la maison d’Ithamar, et en premier lieu à Éli, furent : Boccias, fils du grand-prêtre Joseph, son fils Jotham(os), puis Maréoth(os), fils de Jotham, Arophéos, fils de Maréoth, Achitob(os), fils d’Arophéos, et Sadoc, fils d’Achitob, qui le premier devint grand-prêtre sous le roi David[7].

4[8]. Joab, le général en chef, avant appris la mort d’Adonias, entra dans une grande frayeur, car il lui était plus attaché qu’au roi Salomon[9], et, craignant non sans raison que cette amitié ne lui valût des dangers, il alla se réfugier auprès de l’autel : il s’imaginait que la piété du roi l’y laisserait en sûreté. Mais Salomon, à qui l’on était venu rapporter le dessein de Joab, lui envoya Banéas avec ordre de le faire lever et de le mener au tribunal pour s’y justifier. Joab déclara qu’il ne quitterait pas le saint lieu, et qu’il aimait mieux mourir là qu’ailleurs. Banéas avant rapporté sa réponse au roi. Salomon ordonna de lui trancher la tête sur place, comme il le désirait, et de venger ainsi les deux généraux que Joab avait injustement assassinés. Toutefois il commanda d’enterrer son corps, afin que ses crimes continuassent à jamais à peser sur sa famille, et d’autre part, que lui-même et son père fussent innocentés de la mort de Joab[10] ( ?). Banéas, après avoir exécuté ces ordres, est désigné lui-même comme général en chef de l’armée, et Sadoc est fait seul grand-prêtre à la place d’Abiathar, que le roi avait destitué.

5[11]. Quant à Séméi, il lui ordonna de se bâtir une maison à Jérusalem et d’y demeurer à la disposition du roi, sans avoir le droit, sous peine de la vie, de franchir le torrent de Kédron. À la gravité de la menace, il ajouta pour lui l’obligation de se lier par serment. Séméi se déclara fort satisfait des ordres de Salomon et, ayant juré de s’y conformer, quitta sa ville natale pour fixer sa demeure à Jérusalem. Cependant, trois ans plus tard, informé que deux esclaves qui s’étaient enfuis de chez lui se trouvaient à Gitta, il courut à leur poursuite. Mais quand il fut revenu avec eux, le roi apprit le fait et s’irrita de cette infraction à ses ordres et plus encore de son oubli des serments prêtés à Dieu. Alors l’ayant mandé : « N’avais-tu pas juré, dit-il, de ne pas me quitter et de ne jamais sortir de cette ville pour aller dans une autre ? Eh bien ! tu expieras ce parjure et, puisque tu t’es mal conduit, je te châtierai et de ce crime et des outrages dont tu te rendis coupable envers mon père lors de sa fuite, afin que tu saches que les méchants ne gagnent rien à éviter le châtiment immédiat de leurs forfaits, loin de là, pendant tout le temps où leur impunité leur donne un semblant de sécurité, le châtiment ne fait que croître et devient plus grave que celui qu’ils eussent subi au moment même du crime. Et sur l’ordre du roi, Banéas mit Séméi à mort.

II

1. Salomon demande la sagesse à Dieu. — 2. Jugement de Salomon. — 3. administration du royaume ; sa prospérité. — 4. Train de vie de Salomon. — 5. Sa science, son savoir médical. Eléazar et les démons. — 6. Lettre de Salomon à Hiram. — 7. Réponse de Hiram. — 8. Authenticité de leur correspondance. — 9. Travaux préparatoires à la construction du Temple.


1[12]. Après avoir affermi son trône et châtié ses ennemis, Salomon épouse la fille de Pharaon (Pharaôthès), roi des Égyptiens ; il munit Jérusalem de remparts plus grands et plus forts que précédemment et gouverne dès lors dans une paix profonde, sans que sa jeunesse l’empêche de pratiquer la justice, d’observer les lois et de se souvenir des recommandations de son père mourant ; au contraire, il montra erg toute chose une parfaite exactitude de jugement, autant que des hommes avancés en âge et parvenus à la maturité de la raison. Il résolut d’aller à Gibron[13] pour y sacrifier à Dieu sur l’autel d’airain érigé par Moïse[14], et il y immola mille victimes en holocaustes. Cet acte témoignait de sa grande vénération pour Dieu. Aussi. Dieu lui apparut cette nuit-là pendant son sommeil et l’invita à lui demander le présent qu’il choisissait en récompense de sa piété. Salomon demanda à Dieu la chose la plus belle et la plus grande, ce que Dieu a le plus de plaisir à donner et l’homme le plus de profit à recevoir ; ce n’est pas l’or, ni l’argent, ni toute autre richesse, qu’il désirait, lui, un homme et un homme jeune, — bien que ce soient la, pour la plupart des gens, presque les seuls biens désirables et les seuls dons de Dieu, — mais : « Donne-moi, dit-il, Seigneur, un jugement sain et un sens droit, afin de juger le peuple selon la vérité, et la justice. » Cette prière réjouit Dieu ; tout ce que Salomon n’avait pas mentionné dans son choix, il promit de le lui accorder par surcroît : richesse, gloire, victoire sur ses ennemis, mais avant tout une intelligence et une sagesse telles que jamais il n’en échut de semblable à aucun homme, roi ou particulier. De plus, Dieu promit de conserver très longtemps la royauté à ses descendants, s’il persistait à rester juste, à lui obéir et à imiter son père dans ses vertus. Salomon, ayant entendu ces promesses de Dieu, sauta aussitôt de sa couche et se prosterna devant lui, puis il revint à Jérusalem et, après avoir immolé de nombreuses-victimes devant le tabernacle, offrit un festin à tous les siens[15].

2[16]. En ce temps-là, on lui apporta un procès épineux, dont il était malaisé de trouver la solution. Je crois devoir exposer le litige, afin que les lecteurs se rendent compte de la difficulté du cas et que, venant à se trouver dans de semblables conjonctures, ils puissent s’inspirer de la sagacité du roi pour trancher plus facilement les questions qui leur seront soumises. Deux femmes, courtisanes de leur métier, vinrent en sa présence : l’une d’elles, qui se disait victime d’une injustice, prit la parole la première : « Je demeure, ô roi, dit-elle, dans la même chambre que cette femme ; or, il nous est arrivé à toutes deux de mettre au monde le même jour, à la même heure, un enfant mâle[17]. Le surlendemain, cette femme, s’étant endormie sur son enfant, l’étouffe ; elle prend alors le mien de mon sein, l’emporte, et pose le cadavre du sien dans mes bras durant mon sommeil. Au matin, voulant donner le sein à mon enfant, je ne le trouve point, et je m’aperçois que c’est le cadavre du sien qui est couché près de moi ; car je le reconnus après un examen attentif. Sur quoi je lui réclame mon fils, et, n’ayant pu l’obtenir, je me réfugie, seigneur, sous ta protection. Car du fait que nous étions seules et qu’elle n’appréhende point que nul témoin puisse la confondre, elle prend de l’assurance et s’obstine à nier de toute sa force. » Quand elle eut ainsi parlé, le roi demanda à l’autre femme ce qu’elle avait à répliquer. Celle-ci nia tout le fait et soutint que c’était son enfant qui vivait et celui de son adversaire qui était mort. Comme personne ne trouvait d’issue et qu’on restait là comme devant une énigme dont le mot échappait à des esprits aveuglés, seul le roi eut une idée. Il fait apporter l’enfant mort et le vivant, mande un de ses gardes du corps et lui ordonne de tirer son glaive et de couper en deux les corps des deux enfants afin que chacune des mères eut la moitié du vivant et la moitié du mort[18]. Là-dessus, tout le peuple de se moquer tout bas d’un roi aussi puéril. Mais voici que la plaignante, qui était la vraie mère, s’écria qu’il n’en fallait pas user de la sorte, mais qu’on livrât l’enfant à l’autre femme comme si c’était vraiment le sien : tout ce qu’elle demande, c’est qu’il vive et qu’elle puisse le voir, dût-il passer pour l’enfant d’une autre. L’autre femme, au contraire se tenait prête à voir trancher l’enfant en deux et désirait en outre que sa rivale subit la torture[19]. Le roi, ayant reconnu que la parole de chacune d’elles révélait ses véritables sentiments, adjugea l’enfant à celle qui avait poussé le cri, — comme étant vraiment la mère, — et condamna la scélératesse de l’autre, qui non contente d’avoir tué son propre enfant, souhaitait de voir périr celui de sa compagne. Le peuple vit là une grande marque et un témoignage éclatant de la grandeur et de la sagesse du roi ; et de ce jour ils commencèrent à l’écouter comme s’il était rempli de l’esprit de Dieu.

3[20]. Voici les généraux et les gouverneurs qu’il institua dans tout le pays. À la tête du district d’Éphraïm fut placé Ourès[21]. La toparchie de Bethsémès se trouvait sous Diocléros[22]. Celle de Dora et la région maritime obéissaient à Abinadab(os)[23], qui avait épousé la fille de Salomon[24] ; la grande Plaine à Banéas, fils d’Achilos[25], qui gouvernait aussi toute la région jusqu’au Jourdain. La Galaditide et la Gaulanitide jusqu’au mont Liban avaient pour gouverneur Gabarès[26], qui commandait à soixante villes grandes et très fortifiées. Achinadab(os) administrait la Galilée entière jusqu’à Sidon[27] ; il avait lui aussi pour femme une fille de Salomon, nommée Basima[28]. Banacatès[29] gouvernait le littoral autour d’Aké, Saphatès[30] le mont Itabyrion (Thabor), le Carmel et la Galilée inférieure jusqu’au fleuve Jourdain : au-dessus des deux gouverneurs un chef suprême fut placé ( ?)[31]. À Soubéès[32] fut confié le district de Benjamin, à Gabarès[33] la Transjordanie. Et au-dessus de ces chefs, de nouveau un seul gouverneur[34] fut préposé ( ?)[35]. Le peuple hébreu et la tribu de Juda prirent un prodigieux accroissement, grâce aux soins donnés à l’agriculture et à l’exploitation du sol ; jouissant de la paix, n’étant distrait par aucune guerre ni aucun tracas, savourant à longs traits la liberté tant désirée, chacun pouvait se consacrer à faire prospérer et croître de valeur son patrimoine.

4. Le roi avait encore d’autres gouverneurs préposés au pays des Syriens et des gens de race étrangère[36], qui va de l’Euphrate[37] à l’Égypte, et chargés de percevoir pour lui les impôts des peuples. Ils fournissaient journellement, pour la table et la chère du roi, trente cors[38] de fleur de farine, soixante de farine ordinaire, dix bœufs engraissés, vingt bœufs de pâture et cent agneaux gras. Tout cela sans compter les bues prises à la chasse, c’est-à-dire cerfs et buffles, les volailles et les poissons, était apporté journellement an roi par les peuples de race étrangère. Salomon avait une telle quantité de chars qu’il lui fallait quarante mille mangeoires[39] pour ses chevaux d’attelage. En outre, il avait douze mille cavaliers dont la moitié étaient stationnés près du roi à Jérusalem, tandis que les autres demeuraient dispersés dans les villages royaux. Le même intendant à qui était confiée la dépense du roi fournissait aussi le nécessaire aux chevaux et le dirigeait partout où se trouvait le roi.

5[40]. Tels étaient le jugement et la sagesse dispensés par Dieu à Salomon qu’il surpassait les anciens[41], et qu’à le comparer même aux Égyptiens qu’on dit les plus intelligents du monde, non seulement sa supériorité n’était pas médiocre, mais on se convainquait qu’elle était éclatante. Il surpassa et vainquit en sagesse ceux qui en ce temps-là étaient réputés chez les Hébreux pour leur pénétration, et dont je ne veux pas omettre les noms. C’étaient Athan(os), Héman(os), Chalcéos et Dardanos, les fils de Hémaon[42]. Il composa aussi mille cinq livres[43] de poèmes et de chants, et trois mille livres de paraboles et de comparaisons. Sur chaque espèce d’arbre il fit une parabole depuis l’hysope jusqu’au cèdre, et de même sur les bêtes de somme et tous les animaux de la terre, de l’eau et de l’air. Il n’ignora rien, en effet, de leur histoire naturelle, ne laissa rien inexploré ; il sut raisonner sur tous et montra une science parfaite de leurs propriétés. Dieu lui accorda aussi l’art de combattre les démons[44] pour l’utilité et la guérison des hommes.

Comme il avait composé des incantations pour conjurer les maladies, il a laissé des formules d’exorcisme pour enchaîner et chasser les démons, de façon qu’ils ne reviennent plus. Et cette thérapeutique est encore très en vigueur jusqu’ici chez nous. C’est ainsi que j’ai vu un certain Eléazar[45] de ma race qui, en présence de Vespasien, de ses fils, des tribuns et du reste de l’armée, délivrait des gens possédés des démons. Le mode de guérison était celui-ci : il approchait du nez du démoniaque un anneau dont le chaton enfermait une des racines indiquées par Salomon[46], puis, le faisant respirer, il effrayait l’esprit démoniaque par les narines ; l’homme tombait aussitôt et Eléazar adjurait le démon de ne plus revenir en lui, en prononçant le nom de Salomon et les incantations composées par celui-ci. À l’effet de persuader et rendre plus manifeste aux assistants qu’il possédait bien ce pouvoir, Eléazar plaçait à proximité un gobelet plein d’eau ou un bain de pieds et il ordonnait au démon, une fois sorti de l’homme, de renverser ces récipients et de faire ainsi connaître aux spectateurs qu’il avait quitté l’homme. C’est ce qui arriva et ainsi s’affirmèrent l’intelligence et la sagesse de Salomon ; c’est à cause d’elles, pour que tout le monde sache la grandeur de son génie, et combien il fut cher à Dieu, et afin que personne sous le soleil n’ignore l’excellence du roi dans tous les genres de vertus, que nous avons été conduit à cette digression.

6[47]. Le roi des Tyriens, Hirôm(os)[48], ayant appris[49] que Salomon avait succédé à son père sur le trône, se réjouit fort, car il était l’ami de David, et il lui fit porter ses salutations et ses félicitations pour sa prospérité présente. Salomon lui répond par une lettre ainsi conçue : « Le roi Salomon au roi Hirôm. Sache que mon père, qui voulait édifier un Temple à Dieu, en a été empêché par ses guerres et ses expéditions continuelles. Il n’a pas cessé, en effet, de guerroyer contre ses ennemis jusqu’à les réduire tous à lui payer, tribut. Pour moi, je rends grâce à Dieu de la paix présente, et dans les heureux loisirs qui en résultent, je désire bâtir cette maison à Dieu. Aussi bien, Dieu a prédit à mon père que cette maison serait faite par moi. Aussi je te prie d’envoyer des hommes avec les miens au mont Liban pour y couper du bois. Car, pour la coupe du bois, les Sidoniens sont plus experts que les nôtres. Quant au salaire, je donnerai aux bûcherons celui que tu fixeras toi-même. »

7. Ayant lu la lettre et satisfait de cette proposition, Hirôm répond à Salomon : « Le roi Hirôm au roi Salomon. Il convient de louer Dieu avoir transmis la couronne de ton père à un homme sage comme toi et doué de toutes les vertus ; pour moi, j’en suis heureux et j’exécuterai tout ce que tu m’as demandé : je ferai couper une grande quantité de bois de cèdre et de cyprès[50] ; je la ferai diriger vers la mer par mes gens et je donnerai ordre aux miens d’en faire un radeau et de les déposer à tel endroit de la côte de ton pays que tu désireras. Ensuite, les tiens tes transporteront à Jérusalem. Veille, en échange, de ton côté, à nous fournir du blé, dont nous sommes mal pourvus nous qui habitons une île[51]. »

8. Il subsiste encore aujourd’hui des copies de ces lettres, conservées non seulement dans nos livres, mais aussi chez les Tyriens, en sorte que si quelqu’un désirait savoir la chose en toute certitude, il n’aurait qu’à s’informer auprès des conservateurs des archives publiques de Tyr et trouverait leurs documents conformes à ce que nous avons dit[52]. Si je m’étends là-dessus, c’est pour que mes lecteurs sachent que nous n’avons rien à dire en dehors de la vérité ; comprenant l’histoire autrement que certaines gens qui, se contentant d’hypothèses plausibles, ne cherchent qu’à en imposer ou à plaire, nous ne prétendons pas échapper à la critique et ne tenons pas à être cru sur parole ; nous n’avons reçu aucune immunité qui nous permette de manquer à nos devoirs dans le traitement de notre sujet, et nous prions, au contraire, qu’on ne nous accorde aucune approbation à moins d’obtenir de nous une démonstration et des témoignages solides pour la manifestation de la vérité.

9[53]. Le roi Salomon, quand on lui eut apporté les lettres du roi des Tyriens, loua fort son empressement et sa bienveillance et lui accorda eu retour ce qu’il avait sollicité : il lui envoya annuellement vingt mille cors de froment et autant de baths d’huile[54] : le bath contient soixante-douze setiers[55], et il lui fournit aussi même mesure de vin. L’amitié d’Hirôm et de Salomon ne fit que croître dans la suite, et ils se jurèrent une fidélité perpétuelle. Le roi imposa à tout le peuple un contingent de trente mille ouvriers, auxquels il rendit la tâche moins fatigante par une sage répartition. Il établit, en effet, que dix mille hommes couperaient du bois pendant un mois sur le mont Liban, puis se reposeraient deux mois dans leurs foyers, jusqu’à ce que, à leur tour, les vingt mille autres aient accompli leur besogne dans le temps fixé. Ensuite, ce serait aux premiers dix mille de revenir au travail le quatrième mois. Le surveillant de cette corvée fut Adoram(os)[56]. Parmi les métèques que David avait rassemblés, il y en avait 10.000 d’occupés à porter les pierres et autres matériaux, et 80,000 tailleurs de pierre, surveillés par 3,300 contremaîtres[57]. Il leur était prescrit de tailler de grandes pierres pour les fondements du Temple, et après les avoir assemblées et liées ensemble sur la montagne, de les transporter dans la ville. Ces travaux furent exécutés non seulement par les constructeurs indigènes, mais par les artisans que Hirôm envoya.


III

1. Date de la construction du Temple. — 2. Les édifices dit Temple. — 3. Le Saint des Saints, le Sanctuaire, les Chérubins. — 4. Les colonnes du Temple. — 5. La Mer d’airain. — 6. Les bassins. — 7. Les deux autels. — 8. Les vases, les vêtements, les instruments de musique. — 9. L’enceinte du Temple et le Sanctuaire extérieur.

1[58]. Salomon commença la construction du Temple dans la quatrième année de son règne, le second mois, que les Macédoniens appellent Artémisios et les Hébreux Iar[59], cinq cent quatre-vingt-douze ans[60] après que les Israélites étaient sortis d’Égypte, 1020 ans[61] après qu’Abram était venu de Mésopotamie en Chananée, 1440 ans après le déluge[62]. Depuis la naissance du premier homme Adam jusqu’à l’époque où Salomon construisit le Temple, il s’était écoulé en tout 3102 ans[63]. Et l’époque où commença la construction du Temple se trouva être la onzième année du règne de Hirôm à Tyr, et depuis la fondation (de cette ville) jusqu’à la construction du Temple s’étaient écoulés 240 ans.

2[64]. Le roi jeta les fondements du Temple à une très grande profondeur sous terre, en pierres d’une matière solide et capable de résister au temps qui, s’incorporant à la terre, pussent servir de piédestal et de base à toutes les superstructures, et, grâce à la force d’en bas, supporter sans peine la masse des édifices supérieurs et la magnificence des ornements ; par leur poids ces fondements rivalisaient, avouons-le, avec le reste des appareils projetés pour faire l’édifice haut et ample en même temps que beau et grandiose[65]. On éleva l’édifice jusqu’au toit en marbre blanc. La hauteur en était de soixante coudées, la longueur d’autant, la largeur de vingt[66]. Sur ce premier étage s’élevait un second de mêmes dimensions, si bien qu’au total la hauteur du Temple était de cent vingt coudées[67]. Il était tourné vers l’Orient. Par devant se dressait le portique : il mesurait vingt coudées de long, correspondant à la largeur de l’édifice, avec dix coudées de large et s’élevait à cent vingt coudées de haut. Puis le roi édifia tout autour du Temple trente petites chambres[68] qui devaient, grâce à leur resserrement et leur nombre, former une enceinte extérieure continue. De plus, il aménagea les entrées en sorte qu’on eût accès de l’une dans l’autre[69]. Chacune de ces chambres mesurait cinq coudées de large, autant de long et vingt de haut[70]. Sur elles s’étageaient d’autres logements et encore d’autres sur ceux-ci, de mêmes dimensions et de même nombre, de sorte qu’au total ils avaient même hauteur que l’édifice principal[71] ; car l’étage supérieur de celui-ci n’était pas entouré de chambres. Tout l’édifice avait une toiture de cèdre. Les chambres avaient chacune son toit propre, sans attache avec les voisines, tuais le reste du Temple possédait un toit commun construit en très longues poutres qui en traversaient toutes les parties ( ?), de sorte que les murs intermédiaires étaient maintenus ensemble par les mêmes pièces de bois, ce qui renforçait leur solidité[72]. Quant au plafond sous les poutres du toit, il le fit de même matière, creusé pour former des caissons et recevoir des applications d’or. Les murs, garnis de boiseries de cèdre, furent également incrustés d’or, de sorte que tout le Temple étincelait, et que les yeux de ceux qui y pénétraient étaient éblouis par l’éclat de l’or répandu de toutes parts. L’ensemble de la construction du Temple fut faite avec beaucoup d’art, au moyen de pierres polies, assemblées avec tant d’exactitude et si bien nivelées qu’aucune trace de marteau ai d’aucun antre outil architectonique n’apparaissait au regard. Il semblait que, sans l’intervention d’instruments, tous les matériaux s’étaient congrûment ajustés les uns aux autres et que les parties avaient réglé leur harmonie d’elles-mêmes plutôt qu’en subissant la contrainte de l’ouvrier[73]. Le roi ménagea, pour monter à l’étage de dessus, un escalier dans l’épaisseur du mur, car cet étage n’avait pas une grande porte à l’est comme en avait celui d’en bas ; c’était par les côtés qu’on y avait accès au moyen de portes très petites Il garnit encore le Temple[74], à l’intérieur comme à l’extérieur, de grands ais de cèdres reliés par des chaînes[75] épaisses, de façon à servir d’étais et de renforts.

3[76]. Ayant séparé le Temple en deux travées, il fit de la salle intérieur, longue de vingt coudées, le Saint des Saints (l’Inaccessible), et l’autre, de quarante coudées, il la désigna comme le Sanctuaire. Il pratiqua une ouverture dans le mur de séparation et y plaça des portes de cèdre, qu’il orna de beaucoup d’or et d’incrustations variées. Il tendit ces portes de voiles somptueusement fleuris d’hyacinthe, de pourpre et d’écarlate, faits d’un byssus éclatant et moelleux[77]. Puis il plaça dans le Saint des Saints, large de vingt coudées et long d’autant, deux Chérubins tout en or ayant chacun cinq coudées de haut[78], et munis chacun de deux ailes de cinq coudées d’envergure. C’est pourquoi il les disposa à faible distance l’un de l’autre, de telle sorte que de l’une des ailes ils touchaient le mur sud du Saint des Saints et de l’autre le mur nord, tandis que les ailes intérieures, en contact l’une avec l’autre, abritaient l’arche dressée entre les deux. Quant aux Chérubins, nul ne peut dire ou s’imaginer quel genre de figure ils présentaient. Il revêtit aussi le pavé du Temple de lames d’or et adapta au pylône du Temple des portes d’une hauteur proportionnée à celle du mur, d’une largeur de vingt coudées[79] qu’il garnit d’or. En somme, il ne laissa aucune partie du Temple, ni à l’extérieur, ni à l’intérieur, qui ne reluisit d’or[80]. Ces portes extérieures furent tendues de voiles semblables à ceux des portes intérieures. Mais la porte du pronaos n’eut rien de pareil.

4[81]. Salomon fit venir de Tyr, de chez Hirôm, un artisan nommé Chiram(os) de la race de Nephtali par sa mère, — qui était de cette tribu, — et par son père, Ourias ( ?), de race Israélite ( ?)[82]. Cet homme était expert en tout travail, mais spécialement adroit à travailler l’or, l’argent et l’airain[83]. C’est par lui que furent exécutés, selon la volonté du roi, tous les ornements du Temple. Ce Chiram fabriqua aussi deux colonnes d’airain dont le métal avait une épaisseur de quatre doigts[84]. La hauteur de ces colonnes était de dix-huit coudées, leur circonférence de douze coudées[85]. Sur le sommet de chaque cotonne, il plaça un (chapiteau) de fonte en forme de lys[86] d’une hauteur de cinq coudées, autour duquel était posé un filet[87] tout tressé de palmes d’airain enveloppant les lys. De ce filet pendaient en deux rangées deux cents grenades. Il plaça l’une de ces colonnes contre l’aile droite du vestibule, et l’appela Yachin, et l’autre à gauche, sous le nom de Baïz[88].

5[89]. Il fit fondre aussi une « Mer d’airain », en lui donnant la forme d’un hémisphère. Ou appela cet ouvrage Mer, à cause de son énormité. La vasque, en effet, avait dia coudées de diamètre et on l’avait fondue de l’épaisseur d’une palme[90]. La partie centrale de la cavité était soutenue par un support en spirale qui faisait dix tours et mesurait une coudée de diamètre[91]. Autour de ce pilier étaient placés douze taureaux regardant dans les quatre directions des vents, trois dans chaque sens, inclinés en arrière afin de porter l’hémisphère dont la rotondité se recourbait en dedans[92] ( ?). La capacité de la Mer était de trois mille baths[93].

6[94]. Il fit en outre dix socles, ou bases de bassins, de forme quadrangulaire et en airain[95]. Chacun de ces socles mesurait cinq coudées de long, quatre de large et six de haut[96]. L’ouvrage, en partie ciselé, était appareillé[97] de la façon suivante : il y avait quatre pilastres quadrangulaires disposés à chaque angle, entre lesquels s’emboîtaient de part et d’autre les faces des socles en s’y adaptant exactement[98]. Ces faces étaient partagées en trois compartiments. Sur chaque champ était sculptée une montagne[99] ( ?) formant base sur laquelle étaient figurés ici un lion, là un taureau, enfin un aigle[100], et les pilastres portaient un travail de décoration analogue aux faces. L’ensemble de l’ouvrage se tenait suspendu sur quatre roues[101]. Ces roues avaient des moyeux et des cercles ( ?)[102] venus de fonte, et d’une coudée et demie de diamètre. C’était merveille de voir comment les jantes des roues bien ciselées et unies aux faces des socles s’emboîtaient exactement avec les rais ( ?) : telle était cependant leur structure. Les angles supérieurs du socle étaient enfermés dans des épaules[103] aux mains étendues, sur (chacune ?) desquelles s’appuyait une base de colonne[104] placée sous le creux du bassin, qui reposait ainsi sur ces mains ; l’aigle et le lion s’ajustaient si bien à ces épaules, que le tout semblait au spectateur fondu d’une seule pièce. Entre ces mains étaient ciselées des palmes[105]. Telle était la structure des dix socles. Il fabriqua, en outre, dix grands bassins, ou récipients arrondis en cuivre, dont chacun contenait quarante ronges. La hauteur en était de quatre coudées et l’écartement des bords pareil. Il posa ces bassins sur les dix socles, appelés Méchonot[106]. Il en disposa cinq du côté gauche du Temple, lequel était tourné au nord et autant du côté droit, c’est-à-dire au midi, mais de sorte que leur face ( ?) regardait l’orient[107]. C’est dans ce sens aussi qu’il disposa la Mer. Ayant rempli d’eau les bassins et la lier, il destina la Mer aux ablutions des mains et des pieds prescrites aux prêtres quand ils pénétraient dans le Temple au moment de monter à l’autel, et les bassins à la purification des entrailles et des pieds, des victimes offertes en holocauste[108].

7[109]. Il fabriqua aussi un autel de cuivre, long de vingt coudées, large d’autant, et haut de dix, pour les holocaustes. Il en fit aussi tous les ustensiles en cuivre, trépieds et vases à puiser l’eau[110]. En outre, Chirâm fabriqua les chaudrons, les crocs[111] et tous les instruments en un cuivre pareil à l’or par l’éclat et la beauté[112]. Le roi consacra aussi quantité de tables[113], dont une grande en or, sur laquelle on posait les pains de Dieu ; et une foule d’autres semblables à celle-ci, de formes variées, où l’on posait les vases — phiales et patères à libations — dont il y eut vingt mille en or et quarante mille en argent[114]. Il fit aussi dix mille[115] candélabres, selon la prescription de Moïse ; il en consacra un dans le Temple, où il devait brûler tout le jour, conformément à la loi, et une table surmontée des pains au côté nord du Temple en face du candélabre lequel était placé du côté sud. L’autel d’or était posé au milieu. Tous ces objets étaient contenus dans l’édifice de quarante coudées en avant du voile du Saint des Saints : dans ce dernier devait reposer l’arche.

8[116]. Le roi fit préparer quatre-vingt mille cruches à vin, puis dix mille coupes en or, et deux fois autant en argent ; des plateaux en or pour porter à l’autel la fleur de farine pétrie, au nombre de quatre-vingt mille, et le double en argent ; des cratères où l’on mélangeait la fleur de farine avec l’huile, soixante mille en or et deux fois autant en argent. Les mesures, semblables à celles que Moïse appelait hin et essaron, étaient au nombre de vingt mille en or et le double en argent. Il y avait des encensoirs en or, dans lesquels on apportait les parfums au Temple, au nombre de vingt mille. D’autres encensoirs servaient à transporter le feu du grand autel extérieur au petit autel situé dans le Temple, au nombre de cinquante mille. On fit des vêtements pontificaux pour les grands-prêtres avec des manteaux longs, un oracle (pectoral) et des pierres précieuses, au nombre de mille ; quant à la couronne où Moïse écrivit le nom de Dieu elle, était unique et est demeurée jusqu’aujourd’hui. Les vêtements pour les simples prêtres furent tissés en byssus, avec des ceintures de pourpre pour chacun, au nombre de dix mille. Il y eut deux cent mille trompettes, selon les instructions de Moïse, et deux cent mille robes de byssus pour les chantres Lévites[117]. Les instruments de musique nommés nabels et cinyres, faits pour accompagner les hymnes, furent fabriqués eu électrum, au nombre de quarante mille.

9[118]. Toutes ces choses, Salomon les prépara pour la gloire de Dieu avec somptuosité et magnificence ; loin d’épargner aucune dépense, il déploya la plus grande largesse pour orner le Temple, et il enferma ces objets dans les trésors de Dieu. De plus, il entoura le Temple d’une enceinte appelée gession (gis)[119] dans la langue du pays et thrincos (mur de clôture) en grec ; elle s’élevait à une hauteur de trois coudées. Elle avait pour but d’interdire à la foule l’accès du sanctuaire et indiquait qu’il s’ouvrait seulement aux prêtres. En dehors de cette enceinte

il bâtit un sanctuaire de forme quadrangulaire muni de grands et larges portiques qui s’ouvraient par de hautes portes, orientées aux quatre directions des vents et fermées par des battants d’or. Dans cet édifice avaient accès tous les gens du peuple à condition d’être purs et d’observer les lois. Enfin, une merveille défiant toute description et, pour ainsi dire, tout regard fut le (troisième) Sanctuaire, extérieur aux deux précédents[120]. Salomon, en effet, combla de grands ravins où le regard avait peine à plonger, tant la profondeur en était immense, et les ayant nivelés à une hauteur de quatre cents coudées, donna au terrain la même altitude qu’à la cime du mont sur laquelle s’élevait le Temple. Et c’est ainsi que le sanctuaire extérieur, qui était hypèthre (sans toiture), se trouvait à la même hauteur que le Temple. Il l’environna de portiques doubles avec de hautes colonnes en pierres prises sur les Ces portiques avaient des toits de cèdre lambrissé. Muant aux portes de ce sanctuaire il les fit toutes en argent.


IV

1. Convocation dit peuple à Jérusalem et transfert de l’arche dans le Temple. — 2. Apparition de la nuée divine ; discours de Salomon. — 3. Prière de Salomon. — 4. Combustion des sacrifices ; exhortations au peuple. — 5. Sacrifices et festins ; fête des Cabanes (Scénopégie). — 6. Départ des Israélites : songe de Salomon ; promesses et menaces divines.

1[121]. Tous ces ouvrages, ces grandes et splendides constructions, ces trésors déposés dans le Temple furent achevés par le roi Salomon en sept ans. Ayant ainsi fait éclater ses richesses et son zèle en parachevant dans un temps aussi court, eu égard à la grandeur du Temple, une œuvre qui à première vue ne paraissait guère pouvoir s’accomplir dans toute la durée des siècles, il écrivit aux chefs et aux anciens des Hébreux et leur ordonna de rassembler tout le peuple à Jérusalem pour contempler le Temple et y transporter l’arche de Dieu. Et quand tous eurent reçu la convocation de se rendre à Jérusalem. ils s’y réunirent non sans peine au septième mois, appelé thesri[122] par ceux du pays, et hyperbérétéos par les Macédoniens. Cette époque coïncidait avec celle de la fête des Cabanes[123], particulièrement sainte et importante chez les Hébreux. Ayant donc été chercher l’arche et le tabernacle que Moise avait dressé et tous les ustensiles destinés au service des sacrifices divins, ils les transportèrent dans le Temple. Par devant marchaient avec les victimes le roi en personne et tout le peuple et les Lévites, arrosant le chemin de libations et du sang de nombreux sacrifices, et faisant fumer une quantité infinie d’encens, de sorte que toute l’atmosphère alentour en était imprégnée et en apportait l’agréable odeur même aux plus éloignés, leur annonçant que Dieu était en route[124] et allait venir habiter, selon la croyance humaine, dans le lieu récemment édifié et consacré en son honneur : en effet, ils ne se lassèrent point de chanter et de danser jusqu’à leur arrivée au Temple. Voilà comment ils transportèrent l’arche. Mais lorsqu’il fallut l’introduire dans le Saint des Saints, le peuple s’arrêta, et seuls les prêtres l’apportèrent et la placèrent entre les deux Chérubins. Ceux-ci, avec les extrémités entrecroisées de leurs ailes, — car c’est ainsi que l’artiste Les avait disposés, — couvrirent l’arche comme sous une tente et un dais. L’arche ne contenait rien d’autre que deux tables de pierre, qui conservaient gravés les dix commandements dictés par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï. Quant ait candélabre, à la table et à l’autel d’or, on les posa dans le Temple devant le Saint des Saints aux mêmes places qu’ils occupaient jusqu’alors dans le tabernacle, et on offrit les sacrifices quotidiens[125]. L’autel de cuivre, (le Roi) le plaça devant le Temple en face de la porte[126], de sorte que, celle-ci ouverte, il se trouvât bien de front et qu’on vit les cérémonies sacrées et la magnificence des sacrifices. Puis ayant rassemblé tout le reste des ustensiles, il les déposa à l’intérieur du Temple.

2[127]. Lorsque les prêtres, après avoir tout mis en ordre autour de l’arche furent sortis (du Saint des Saints), soudain une nuée épaisse, non pas opaque et chargée de pluie comme on en voit eu hiver, mais molle et tempérée, enveloppa le Temple et obscurcit les veux des prêtres au point qu’ils ne pouvaient plus se voir ; elle fit supposer et croire à tous que Dieu était descendu dans le sanctuaire et prenait plaisir à y fixer sa résidence. Pendant que cette pensée occupait les assistants, le roi Salomon, qui se trouvait sur un siège, se leva, et adressa à Dieu les paroles qu’il estimait convenir à la divinité d’entendre et à lui de prononcer : « Sans doute, ô Seigneur, tu possèdes, nous le savons, une demeure éternelle et digne de toi, que tu as créée pour toi-même — le ciel, l’air, la terre et la mer, — dont tu traverses toute l’étendue sans qu’elle suffise à te contenir. Pourtant je t’ai édifié ce Temple consacré à ton nom, pour que de ce lieu nous puissions élever dans l’espace nos prières vers toi en accomplissant les sacrifices et les cérémonies favorables et que nous ayons toujours la conviction que tu es là, non loin de nous, car, toi qui vois et entends toute chose même en ce lieu où tu peux maintenant habiter, tu ne cesseras pas d’être près de tous, et tu assisteras nuit et jour quiconque aura à te consulter. » Après cette déclaration solennelle à Dieu, il adressa la parole au peuple, lui dépeignant la puissance de Dieu et sa providence, comment il avait révélé à David son père les événements futurs tels que la plupart s’étaient déjà produits et qu’adviendraient tous les autres, comment il lui avait conféré un nom à lui-même avant sa naissance et annoncé d’avance comment on l’appellerait et comment lui-même bâtirait le Temple, devenu roi après la mort de son père. Témoins de l’accomplissement de ces prophéties, il les invitait à bénir Dieu et à ne jamais désespérer de l’effet de ses promesses de félicité, puisant leur confiance dans celles qu’il avait déjà remplies.

3[128]. Après ce discours adressé à la multitude, le roi considéra à nouveau le Temple et levant la main droite vers le ciel[129] : « Par leurs œuvres, dit-il, il n’est pas possible aux hommes de rendre grâce à Dieu pour ses bienfaits : car la divinité, n’ayant besoin de rien, est au-dessus de pareilles marques de reconnaissance. Mais ce don, par quoi, Seigneur, tu nous as faits supérieurs aux autres êtres, il nous faut l’employer à célébrer ta majesté et à te remercier de ce que tu as accompli pour notre maison et pour le peuple des Hébreux. Quel instrument plus propre, en effet, avons-nous pour apaiser ton ressentiment et nous concilier ta perpétuelle bienveillance que la parole, qui nous vient de l’air et qui nous le savons, s’en retourne par l’air[130] ? Grâce à elle donc je te déclare ma reconnaissance, d’abord pour mon père que tu as fait passer de l’obscurité à tant de gloire, ensuite pour moi-même, en faveur de qui tu as accompli jusqu’à ce jour tout ce que tu avais promis : je te supplie de m’accorder à l’avenir tout ce que Dieu peut donner aux hommes qu’il veut honorer et d’augmenter notre maison à travers tous les âges, selon ce que tu as promis à mon père David de son vivant et à sa mort, à savoir que la royauté nous demeurerait et que sa race la transmettrait à d’innombrables descendants. Daigne donc nous accorder ce bienfait et donne à mes enfants la vertu où tu te complais. En outre, je te supplie d’envoyer dans ce Temple une parcelle de ton esprit afin que sur terre même tu paraisses être avec nous. Certes, c’est une infime demeure pour toi que toute la profondeur même du ciel et de ce qu’il renferme, à plus forte raison ce Temple quelconque ; cependant je te prie de le protéger contre toute dévastation des ennemis comme étant ta propriété pour toujours et de veiller sur lui comme sur ton bien propre. Que si un jour le peuple vient à pécher[131], et que, ensuite, pour son péché, tu le frappes d’un fléau, — stérilité du sol, ravages de la peste, ou l’un de ces maux dont tu poursuis ceux qui ont violé une loi sainte — et s’il se réfugie en foule dans ce Temple pour implorer ta miséricorde et te demander le salut, exauce-le, comme si tu y habitais, prends-le en pitié et délivre-le de ces calamités. Cette assistance, je ne te la demande pas seulement pour les Hébreux qui auraient failli : si l’on vient des extrémités de la terre[132] et de quelque côté qu’on se tourne vers toi et qu’on sollicite de toi un bienfait, prête l’oreille et daigne l’accorder. Ainsi chacun saura, d’une part, que tu as souhaité toi-même te voir ériger par nous cette maison, d’autre part que nous ne sommes pas des êtres insociables animés de sentiments hostiles à l’égard de ceux qui ne sont pas de notre peuple[133], mais que nous avons voulu faire participer tout le monde à ta protection et à la jouissance de tes bienfaits. »

4[134]. Ce disant, il se prosterna à terre et, après être demeuré longtemps en adoration, il se redressa et offrit des sacrifices à Dieu sur l’autel, puis, l’avant rempli de victimes entières, il s’aperçut de la façon la plus manifeste que Dieu avait bien agréé l’offrande : une flamme courut, en effet, à travers les airs et, se précipitant violemment sur l’autel aux yeux de tous, saisit et consuma toute l’offrande. Dans cette apparition, le peuple vit une preuve certaine que Dieu consentait à habiter dans le Temple et plein de joie, se jeta sur le sol en l’adorant. Le roi commença à réciter des bénédictions et exhorta le peuple à faire de même, car ils possédaient maintenant des signes de la bonté de Dieu à leur égard et ils devaient le prier de les traiter toujours de même et de garder leur âme pure de tout mal, persévérant dans la justice, la piété et l’observance des préceptes que Dieu leur avait donnés par Moïse. Ainsi le peuple hébreu serait heureux et surpasserait tout le genre humain en félicité. Et il les exhortait à se souvenir que les mêmes moyens qui leur avaient procuré les biens présents leur en assureraient aussi la conservation et l’accroissement dans l’avenir. Il ne fallait pas croire que la piété et la justice ne servissent qu’à les obtenir, mais qu’elles servaient aussi à les garder. Or, la grande affaire pour les hommes n’est pas de gagner ce qu’ils n’ont pas, mais de conserver ce qu’ils ont acquis et de ne commettre aucune faute qui puisse eu causer la perte.

5[135]. Le roi, ayant ainsi parlé au peuple, congédia l’assemblée, après avoir offert des sacrifices tant pour lui-même que pour tous les Hébreux, de sorte qu’il immola douze mille veaux et cent vingt mille brebis[136]. Ce fut la première fois qu’il fit goûter au Temple la chair des victimes, et tous les Hébreux y furent conviés à des festins avec leurs femmes et leurs enfants. De plus, le roi célébra la fête dite des Cabanes (Scénopégie) pendant deux semaines devant le Temple, de façon éclatante et magnifique, en faisant bonne chère avec tout le peuple.

6[137]. Quand ils se furent acquittés de toutes ces solennités et que rien ne manqua plus à leur piété envers Dieu, ils s’en retournèrent chacun chez soi, congédiés par le roi, après l’avoir béni de sa sollicitude à leur égard et des ouvrages qu’il avait accomplis et prié Dieu de leur conserver longtemps le roi Salomon. Et ils rentrèrent pleins de joie et de rires en chantant des cantiques à Dieu, si bien que le plaisir leur fit oublier à tous la fatigue du chemin. Pendant que ces hommes qui avaient introduit l’arche dans le Temple, contemplé sa grandeur et sa beauté, pris part aux grandioses sacrifices et aux fêtes qu’on y avait accomplis, s’en retournaient ainsi chacun dans sa ville, un songe que le roi eut dans son sommeil lui révéla que Dieu avait exaucé sa prière, qu’il protégerait le Temple et y séjournerait pour toujours, si ses descendants et tout le peuple agissaient avec droiture. Et lui tout le premier, s’il demeurait fidèle aux instructions de son père, Dieu l’élèverait à une hauteur et à une grandeur de prospérité illimitées, et la domination du pays resterait toujours à ceux de sa race et à la tribu de Juda. Que si, au contraire, il désertait ces principes et les oubliait au point de passer au culte des dieux étrangers, il le trancherait dans sa racine, ne permettrait pas qu’il subsistât aucun vestige de sa famille, et ne laisserait pas non plus le peuple des Israélites à l’abri du malheur, mais les anéantirait dans des guerres et des fléaux sans nombre, les chasserait du sol qu’il avait donné à leurs pères et ferait d’eux des exilés en pays étranger. Le Temple qui venait d’être bâti, il le livrerait aux ennemis pour le brûler et le piller ; il détruirait la ville de fond en comble par les mains des ennemis et ferait de leur désastre un sujet de fable, absolument incroyable dans son énormité. Les voisins, à la nouvelle de la catastrophe, frappés de stupeur, demanderaient avec curiosité pourquoi les Hébreux s’étaient ainsi fait haïr de Dieu après avoir d’abord été conduits par lui à la gloire et à la fortune ; en réponse, les survivants confesseraient leurs péchés et leur infidélité aux lois de leurs pères. Telles sont les paroles que Dieu, selon l’Écriture, lui adressa pendant son sommeil.


V

1. Construction du palais royal. — 2. Description du palais. — 3. Relations entre Hiram et Salomon.

1[138]. Après les travaux du Temple, qui prirent sept ans ainsi que nous l’avons dit plus haut, Salomon entreprit la construction du palais royal, qu’il eut peine à finir en treize ans. En effet, il n’y apporta pas la même ardeur que pour le sanctuaire. Pour achever celui-ci, malgré ses grandes dimensions, la merveilleuse et incroyable main-d’œuvre qu’il exigea, grâce à la coopération de Dieu à qui il était destiné, il ne fallut que le petit nombre d’années qu’on a vu. Le palais, beaucoup moins précieux que le Temple, parce que les matériaux n’eu avaient pas été préparés depuis si longtemps, ni avec la même recherche, et qu’il s’agissait de loger des rois, non la divinité, demanda des délais plus longs. Cependant, ce fut là aussi une construction mémorable, digne de la prospérité du pays des Hébreux et du roi. Il me faut en décrire toute la disposition et l’aménagement afin que le lecteur puisse en imaginer et en concevoir la grandeur.

2. Il y avait d’abord un édifice[139] vaste et magnifique, solidement appuyé sur de nombreuses colonnes, aménagé pour recevoir un peuple nombreux attiré par les procès civils et criminels à décider et pour abriter la foule des plaideurs. Cet édifice mesurait cent coudées de long, cinquante de large, trente de haut ; il reposait sur des piliers quadrangulaires, tous en bois de cèdre, avait une corniche d’ordre corinthien, des portes carrées et des fenêtres à trois pointes ( ?)[140] qui assuraient à la fois sa solidité et sa beauté. Venait ensuite un autre édifice, au milieu du terre-plein ( ?), dont il occupait toute la longueur sur une largeur de trente coudées[141] ; il était précédé d’un portique ( ?) porté par d’épaisses colonnes. Là se trouvait une salle du trône magnifique[142], ou le roi s’asseyait pour rendre la justice. Tout à côté, du troisième palais qui servait à la reine[143] et d’autres locaux destinés aux repas et aux plaisirs, une fois les affaires expédiées ; tous étaient parquetés avec des planches taillées de bois de cèdre. Les soubassements ( ?) étaient en pierres de dix coudées de côté[144] : les murs étaient revêtus d’une autre pierre plus précieuse, débitée à la scie, qu’on extrait, pour orner les temples et les palais royaux, de la terre de Bethoron ( ?), illustrée par les lieux qui la recèlent[145]. Ce revêtement somptueux formait trois bandes superposées ; sur la quatrième éclatait l’art des sculpteurs : ils y avaient figuré des arbres, des plantes variées, dont les rameaux et les feuilles pendantes répandaient l’ombrage, si légers qu’on eût cru les voir s’agiter et cacher la pierre qui était en dessous[146]. Le reste du plat du mur, jusqu’au toit, était recouvert d’un enduit enluminé de vives couleurs. Le roi fit construire encore d’autres appartements d’agrément et d’immenses portiques heureusement situés dans le palais royal ; au milieu de ces portiques s’élevait un pavillon splendide, ruisselant d’or, pour y venir festoyer et boire. Tous les ustensiles nécessaires pour traiter ses convives furent confectionnés en or[147]. Il est malaisé de dénombrer la grandeur et la variété des appartements royaux, combien de grandes salles, combien de petits appartements, de chambres souterraines et invisibles, la beauté des terrasses en plein air, des bosquets aménagés pour le charme des yeux, refuge et protection des corps contre la chaleur. En résumé, toute la construction était en marbre blanc, en cèdre, en or et en argent ; les toitures et les parois ornés de pierres incrustées d’or, comme on avait fait pour le Temple de Dieu. Le roi fit aussi tailler dans l’ivoire un trône[148] colossal en forme d’estrade, pourvu de six degrés, sur chacun desquels de part et d’autre se tenaient deux lions, et il y en avait deux autres en faut. Enchâssés dans le trône, deux bras s’avançaient comme pour recevoir le roi : il s’appuyait sur une protomé de taureau[149] qui le regardait par derrière ; le tout était fixé avec des attaches d’or.

3[150]. Salomon acheva tout cet œuvre[151] en vingt ans, pendant lesquels le roi de Tyr, Hirôm, lui avait fourni pour la construction quantité d’or et encore plus d’argent et, en outre, du bois de cèdre et de pin[152]. À son tour il fit à Hirôm des présents considérables, en envoyant chaque année du blé, du vin et de l’huile, dont, en sa qualité d’insulaire, comme nous l’avons déjà dit précédemment[153], ce prince avait grand besoin. En outre, il lui donna des villes de Galilée, au nombre de vingt, situées non loin de Tyr. Mais Hirôm. les ayant visitées et examinées, fut peu satisfait de ce cadeau et envoya dire à Salomon qu’il n’en avait pas besoin ; depuis lors ces villes reçurent le nom de pays de Chabalôn[154], nom qui, interprété dans la langue phénicienne, signifie déplaisant[155]. De plus, le roi de Tyr adressa à Salomon des problèmes et des énigmes en l’invitant à les éclaircir et à le délivrer des difficultés qu’ils présentaient. Comme Salomon était fort sagace et pénétrant, rien ne lui échappa de ces questions ; triomphant sur toute la ligne par la force du raisonnement, il en comprit et en expliqua lumineusement le sens.

Mention de ces deux rois se trouve aussi chez Ménandre qui a traduit de la langue des Phéniciens en grec les archives tyriennes ; il s’exprime ainsi[156] : « Après la mort d’Abibalos, la succession de son trône échut à son fils Hirôm, qui vécut cinquante-trois ans et en régna trente-quatre. Il créa, en le comblant, l’Eurychoros (grande place), et dédia la colonne d’or dans le temple de Zeus ; puis il s’en alla faire couper sur le mont qu’on nomme Liban quantité de bois pour la couverture des temples. Après avoir démoli les anciens sanctuaires, il bâtit le temple d’Héraclès et d’Astarté et célébra le premier le Réveil d’Héraclès au mois Péritios. Et il fit campagne contre les gens d’Utique qui refusaient le tribut et après les avoir de nouveau soumis s’en revint chez lui. Sous son règne vivait Abdémonos, enfant encore jeune qui triomphait toujours des problèmes posés par Salomon, roi de Jérusalem. » Dios en fait mention aussi en ces termes[157] : « après la mort d’Abibal, son fils Hirôm devint roi. Il combla les parties orientales de la ville et agrandit ainsi la cité. Le temple de Zeus olympien était isolé ; il le relia à Tyr par une levée de terre et l’orna d’offrandes d’or. Enfin il monta sur le Liban, où il y fit couper des bois pour la construction des temples. » Il ajoute que le tyran de Jérusalem, Salomon, adressa à Hirôm des énigmes et demanda à en recevoir de celui qui échouerait devait payer une somme à celui qui les aurait résolues. Hirôm y consentit et, n’ayant pu résoudre les énigmes, dut livrer, pour payer l’amende, une grande partie de ses trésors. Mais ensuite, grâce à un certain Tyrien, nommé Abdémon, il résolut les questions proposées et lui-même en proposa d’autres ; Salomon ne les résolut pas et dut (tout restituer et) payer en plus à Hirôm une somme considérable. Voilà ce qu’a raconté Dios.


VI

1. — Villes bâties par Salomon. — 2. Origine du nom de Pharaon. — 3. Salomon emploie des Cananéens à son service. — 4. Flotte de Salomon. — 5. Visite de la reine d’Égypte et d’Éthiopie à Salomon. — 6. Échange de présents.

1[158]. Comme le roi voyait les murailles de Jérusalem dépourvues de tours et d’autres moyens de défense et qu’il estimait que la solidité de l’enceinte devait répondre à l’importance de la ville, il restaura ces murs et les rehaussa de tours élevées. Il bâtit aussi des villes qui furent au nombre des plus puissantes, Asdr(os) et Maghédon, et une troisième, Gazara[159]. Cette dernière ville faisait partie du territoire des Philistins ; Pharaon, roi des Égyptiens, parti en campagne, y avait mis le siège et l’avait emportée d’assaut. Après en avoir fait périr tous les habitants[160], il la renversa de fond en comble et la donna ensuite en présent à sa fille, mariée à Salomon. En conséquence, le roi la rebâtit, parce qu’elle avait une forte position naturelle et qu’elle pouvait être utile en cas de guerre et si les circonstances venaient à changer. Non loin de Gazara, il fonda encore deux villes : l’une s’appelait Bétchôra[161], l’autre Baleth. Et il en édifia d’autres encore, dans des sites appropriés à la jouissance et au plaisir, bien favorisées par une température égale, de belles récoltes et d’abondants cours d’eau. Il pénétra également dans le désert de la Haute-Syrie et s’en rendit maître ; là, il fonda une très grande ville à-deux journées de distance de la Haute-Syrie, à une journée de l’Euphrate et à six jours de Babylone la grande. S’il établit cette ville aussi loin des régions habitées de la Syrie, c’est que plus bas il n’y a d’eau nulle part dans le pays et qu’on ne trouve qu’en cet endroit seul des sources et des puits. Ayant donc bâti cette ville et l’ayant environnée de remparts formidables, il l’appela Thadamora ; c’est encore le nom qu’elle porte chez les Syriens. Quant aux Grecs, ils l’appellent Palmyre.

2. Tels étaient dans ce temps-là les faits et gestes du roi Salomon. D’aucuns se seront demandé pourquoi tous les rois égyptiens, depuis Minæos (Ménès), le fondateur de Memphis, qui précéda de beaucoup d’années notre ancêtre Abram, jusqu’à Salomon, dans un intervalle de plus de treize cents ans, ont été appelés Pharaon (Pharaôthès) ; aussi ai-je jugé nécessaire, pour dissiper leur ignorance et éclaircir l’origine du nom, de dire ici que Pharaon chez les Égyptiens signifie roi. Je crois qu’à leur naissance ils recevaient d’autres noms, mais dès qu’ils devenaient rois, on leur donnait le titre qui désigne leur puissance dans la langue nationale. C’est ainsi que les rois d’Alexandrie, d’abord appelés d’autres noms, recevaient à leur avènement au trône le nom de Ptolémée, d’après celui du premier roi. De même, les empereurs romains, après avoir porté d’autres noms de naissance, sont appelés César, titre qu’ils tiennent de leur primauté et de leur rang, et abandonnent les noms que leur ont donnés leurs pères. Voilà pourquoi, je suppose, Hérodote d’Halicarnasse, quand il raconte qu’après Minæos, le fondateur de Memphis, il y eut trois cent trente rois d’Égypte, n’indique pas leurs noms, parce qu’ils s’appelaient du nom générique de Pharaon. Et en effet, comme, après l’extinction de ces rois, une femme monta sur le trône, il nous dit son nom, à savoir Nicaulis, montrant bien que si les rois mâles pouvaient porter le même nom, il n’en était plus de même pour la femme : c’est pourquoi il nous a indiqué son nom propre. De mon côté, j’ai trouvé aussi dans les livres de notre pays qu’après Pharaon, beau-père de Salomon, aucun roi d’Égypte ne fut plus appelé de ce nom, et que plus tard Salomon reçut la visite de la femme en question, reine d’Égypte et d’Éthiopie. Nais nous aurons bientôt à nous occuper d’elle. Pour l’instant j’ai rappelé ces choses afin de signaler sur combien de points s’accordent nos livres et ceux des Égyptiens.

3. Le roi Salomon soumit à son pouvoir ceux des Cananéens qui ne lui étaient pas encore assujettis, à savoir : ceux qui vivaient sur le mont Liban et jusqu’à la ville d’Amathé ; il leur imposa tribut, et chaque année choisissait parmi eux des hommes pour lui servir de mercenaires, de domestiques et de laboureurs. Chez les Hébreux, en effet, nul n’était esclave — il n’eût pas été juste, quand Dieu leur avait soumis tant de peuplades, on ils pouvaient recruter leurs mercenaires, de réduire les Hébreux eux-mêmes à une telle condition ; — tous préféraient donc passer leur vie à guerroyer en armes sur des chars et des chevaux plutôt que d’être esclaves. Quant aux Cananéens qu’il prit à son service, il leur désigna des chefs au nombre de cinq cent cinquante qui en reçurent du roi l’entière surveillance, afin de leur enseigner tous les travaux et les besognes auxquels il les employait.

4. Le roi construisit aussi beaucoup de navires dans le golfe d’Égypte, formé par la mer Érythrée, au lieu dit Gasiôn Gabel(os), non loin de la ville d’Aelan(a), qui s’appelle maintenant Bérénice : cette région, en effet, appartenait jadis aux Juifs. Il reçut aussi un présent approprié à la flotte de Hirôm, roi des Tyriens : celui-ci lui envoya, en effet, des pilotes et un bon nombre de marins experts, à qui Salomon ordonna de faire voile, accompagnés de ses intendants, vers l’antique Sophira, la Terre d’Or actuelle, — c’est une région de l’Inde, — et de lui en rapporter de l’or. Quand ils en eurent amassé environ quatre cents talents, ils retournèrent auprès du roi.

5. La femme qui gouvernait en ce temps-là l’Égypte et l’Éthiopie était d’une sagesse accomplie et, à tous égards, digne d’admiration ; ayant oui parler du mérite et de l’intelligence de Salomon, elle conçut un si vif désir de le voir, d’après tout ce qu’on racontait journellement au sujet de son pays, qu’elle se rendit auprès de lui. Elle voulait ; disait-elle, se convaincre par l’expérience et non sur la renommée, qui, par sa nature, peut être complaisante à une fausse apparence et se démentir ensuite, puisqu’elle dépend entièrement de la qualité des informateurs. Tel fut le motif de son voyage, mais elle voulut surtout faire l’épreuve de la sagesse du roi en lui proposant à résoudre des difficultés qui passaient son propre entendement. Elle s’en vint donc à Jérusalem en grande pompe et avec un grand déploiement de richesse. Elle emmenait des chameaux chargés d’or, de parfums variés et de pierres précieuses. Quand elle fut arrivée, le roi la reçut avec joie. Il se montra fort empressé en toute chose à son égard et, en particulier, résolut les problèmes proposés plus vite qu’on n’eût pu s’y attendre, grâce à la vive pénétration de son esprit. La reine fut stupéfaite, reconnaissant l’extraordinaire sagesse de Salomon, dont la réalité dépassait encore la réputation. Elle admira aussi infiniment la demeure royale pour sa beauté et sa grandeur ainsi que pour la disposition des édifices, où elle put constater toute la prudence du roi. Mais ce qui porta son admiration à son comble, ce fut la maison appelée Forêt du Liban, la magnificence des repas quotidiens, les apprêts, le service, le vêtement des serviteurs, l’élégance savante qu’ils déployaient dans leurs fonctions ; elle n’admira pas moins les sacrifices quotidiens offerts à Dieu et les soins qu’y apportaient les prêtres et les Lévites. Ce spectacle, renouvelé chaque jour, l’émerveillait à l’extrême, et, ne pouvant contenir sa surprise, elle manifestait ses sentiments d’admiration en adressant au roi des paroles qui trahissaient son émotion : « En vérité, dit-elle, ô roi, tout ce qui vient à notre connaissance par oui-dire, nous le recevons avec méfiance ; mais pour ces biens que tu possèdes en toi-même, je veux dire la sagesse et la prudence, et ceux que la royauté t’a conférés, la renommée qui nous en est parvenue n’était certes pas mensongère. Que dis-je ? Si vraie fût-elle, elle nous a dépeint une félicité bien inférieure à celle dont je suis ici témoin. En effet, la renommée n’essayait que de persuader les oreilles, mais elle ne renseignait pas sur la valeur des choses autant que le font l’observation directe et la vision personnelle. C’est ainsi que moi, qui n’ajoutais pas foi à ces rapports qui me décrivaient tant de choses et si grandes, je viens d’en contempler de bien plus considérables. Et j’estime heureux le peuple des Hébreux, ainsi que tes serviteurs et tes amis, qui ont la joie tous les jours de servir ta personne et d’entendre ta sagesse. Aussi peut-on à bon droit bénir Dieu, qui a tant aimé ce pays et ses habitants qu’il t’en a fait roi.

6. Lorsqu’elle eut ainsi témoigné par ses paroles les sentiments que lui avait inspirés le roi, elle acheva de les exprimer par ses présents. Elle lui donna, en effet, vingt talents d’or, une quantité inimaginable d’aromates et des pierres très précieuses. On dit aussi que la racine du baume, que notre contrée produit encore aujourd’hui, nous vient d’un présent de cette femme. A son tour, Salomon lui fit beaucoup de présents de valeur, en se conformant surtout à ses désirs : non seulement il ne lui refusait rien, mais, plus prompt qu’elle, il allait au-devant de ses intimes désirs et montrait sa générosité en s’empressant de lui céder justement ce qu’elle ambitionnait. Avant ainsi donné et reçu ces présents, le reine d’Égypte et d’Éthiopie revint dans ses États.

VII

1. Emploi des bois de pin. — 2. Les boucliers d’or. Commerce maritime de Salomon. — 3. Chars et cavalerie de Salomon. — 4. Travaux divers. — 5. Fautes commises par Salomon sous l’influence de sec femmes ; menaces dit prophète. — 6. Menées d’Ader et de Raazar. — 7. Promesses d’Achias à Jéroboam. — 8. Révolte et fuite de Jéroboam ; mort de Salomon.

1. A la même époque on apporta au roi des pierres précieuses et des bois de pin de la contrée dite Terre d’or ; il employa les bois comme étais pour le Temple et le palais royal et en fabriqua des instruments de musique, cithares et nébels, dont les Lévites s’accompagnaient pour chanter leurs hymnes à Dieu. Ces bois étaient les plus grands et les plus beaux de tous ceux qu’ont lui eût jamais apportés. Que personne ne s’imagine que ces bois de pin soient semblables à ceux qu’on appelle ainsi de nos jours : simple étiquette que leur donnent les marchands pour éblouir les acheteurs. Ceux-là, en effet, ressemblent pour l’aspect an bois de figuier, mais sont plus blancs et brillent davantage. Si nous donnons ces détails, c’est pour que nul n’ignore cette différence et la nature du pin véritable ; l’usage qu’en fit le roi nous a fourni l’occasion de ces indications qui ne paraîtront ni déplacées ni inutiles.

2. Le poids de l’or qu’on lui apporta s’élevait à six cent soixante-six talents, sans compter celui qui fut acheté par les marchands, ni les dons que lui envoyèrent les chefs et les rois d’Arabie. Il fondit cet or pour en fabriquer deux cents boucliers longs pesant chacun six cents sicles. Il fit aussi trois cents boucliers ronds, pesant chacun trois mines d’or. Il les porta et les consacra dans la maison appelée Forêt du Liban. Toutefois il fit aussi fabriquer avec tout l’art possible des coupes en or et en pierreries pour servir aux festins et une profusion d’autres vases en or. Il ne se faisait, en effet, aucune transaction, vente ou achat, en argent. De nombreux vaisseaux avaient été lancés par le roi dans la mer dite Tarsique, chargés d’apporter aux nations de l’intérieur toutes sortes de marchandises : en échange de celles-ci on rapportait de l’argent et de l’or au roi, ainsi qu’une quantité d’ivoire, des Éthiopiens et des singes. La navigation s’effectuait, aller et retour, en trois ans.

3. Une renommée si éclatante se répandait à travers tout le pays, célébrant la vertu et la sagesse de Salomon, que tous les rois d’alentour brillaient de venir en sa présence, ne pouvant ajouter foi à des louanges si excessives, et de lui témoigner leur zèle par des présents magnifiques. Ils lui envoyèrent, en effet, des vases d’or et d’argent, des habits de pourpre, de nombreuses sortes d’aromates, des chevaux, des chars et des mules de somme dignes de réjouir les yeux du roi par leur vigueur et leur beauté. Ces envois vinrent grossir le nombre de chars et de chevaux qu’il possédait auparavant. C’est ainsi qu’à ses 1.000 chariots s’en ajoutèrent 400 et à ses 20.000 chevaux, 2.000. On dressait ces chevaux pour leur donner beauté et vitesse, si bien qu’il n’y en avait pas de plus élégants ni de plus rapides à leur comparer : leur beauté et leur célérité à la course étaient sans rivales. Un attrait de plus leur venait de leurs cavaliers, jeunes hommes dans la fleur la plus charmante de l’âge, attirant les regards par leur haute taille et dépassant de beaucoup tous les autres : ils avaient de longues chevelures qui pendaient et ils portaient des tuniques de pourpre tyrienne. Chaque jour ils saupoudraient leurs cheveux de poussière d’or, de sorte que leurs têtes scintillaient quand l’éclat de l’or se réfléchissait au soleil. C’est entouré de ces hommes en armes et munis de leurs arcs que le roi, monté lui-même sur un char et vêtu d’une robe blanche, avait coutume de sortir. Il y avait un village à deux schènes de distance de Jérusalem, appelé Étan auquel ses jardins et ses cours d’eau donnaient beaucoup d’agrément et de magnificence. C’est là qu’il faisait sa promenade en superbe équipage.

4. Salomon, qui montrait une sagacité et un zèle merveilleux en toutes choses, joints à son vif amour du beau, ne négligea pas non plus l’entretien des routes. Toutes celles qui menaient à Jérusalem — sa capitale — furent pavées de pierre noire, tant pour faciliter la marche que pour manifester la grandeur de sa fortune et de son pouvoir. D’autre part, il répartit ses chars de façon que chaque ville en eût un nombre déterminé, lui-même en gardant quelques-uns par devers lui ; ces villes il les appela « villes des Chars ». Le roi rendit l’argent aussi abondant que les pierres à Jérusalem, et les bois de cèdres, que l’on n’y trouvait pas auparavant, devinrent aussi communs que les mûriers, qui foisonnaient dans les campagnes de Judée. Il ordonna aussi aux marchands qui les faisaient venir d’Égypte de lui vendre chaque char à deux chevaux pour six cents drachmes d’argent, et il les envoya lui-même aux rois de Syrie et de la Transeuphratène.

5. Devenu le plus illustre des rois et le plus cher à Dieu, l’emportant en sagesse et en richesse sur tous ceux qui avant lui avaient gouverné les Hébreux, il ne persévéra pas dans ces vertus jusqu’à la mort, mais, négligeant l’observance des mœurs nationales, il finit d’une manière bien éloignée de ce que nous avons précédemment rapporté de lui. Adonné avec frénésie aux femmes et aux excès de l’amour, il ne se contenta pas des femmes de son pays, mais en prit quantité d’autres issues de nations étrangères, Sidoniennes, Tyriennes, Ammanites, Iduméennes ; il transgressa ainsi, d’une part, les lois de Moïse, qui avaient prohibé de s’unir à des femmes d’un autre peuple et, d’autre part, il commença d’adorer les dieux de ses épouses, par faiblesse pour elles et pour sa passion. Or, précisément ce que le législateur avait en vue en avertissant de ne point épouser de femmes d’autres pays, c’était d’éviter qu’en s’engouant des mœurs étrangères, les Hébreux ne trahissent les coutumes de leurs pères, et qu’en révérant les dieux de ces femmes, ils ne négligeassent d’honorer le leur. Mais Salomon, entraîné à des plaisirs sans raison, n’eut pas ces scrupules. Ayant pris pour femmes des filles de chefs et de notables, au nombre de sept cents, avec trois cents concubines, et, en outre, la fille du roi des Égyptiens, il tomba tout de suite en leur pouvoir, si bien qu’il imita ce qui se faisait chez elles, et il fut contraint, pour leur prouver son amitié et sa tendresse, de vivre selon les coutumes de leurs patries. Cependant, à mesure qu’il avançait en âge et que sa raison s’affaiblissait trop avec les années pour leur opposer le souvenir des institutions nationales, de plus en plus il délaissa son propre Dieu et tendit hommage aux intrus qu’avaient introduits ses mariages. Déjà, antérieurement, il lui était arrivé de pécher et de violer les prescriptions légales quand il avait dressé les simulacres de bœufs en airain qui se trouvaient sous le monument appelé Mer et ceux des lions qui entouraient son propre trône : car un travail de ce genre n’était pas légitime. Il eut beau avoir un magnifique exemple domestique de vertu dans son père et la gloire que celui-ci laissa après lui pour sa piété envers Dieu, il ne l’imita point, bien que par deux fois Dieu lui fut apparu en songe et l’eût exhorté à imiter son père, et il mourut sans honneur. Voici que survint tout à coup le prophète, envoyé par Dieu : il lui déclara que ses infractions n’échappaient point à la divinité et l’avertit avec menaces qu’il ne se réjouirait pas longtemps de sa conduite. De son vivant, la royauté ne lui serait pas enlevée, puisque la divinité avait promis à son père David qu’il serait son héritier, mais, après sa mort voici comment serait traité son fils : sans détacher de lui tout le peuple, Dieu livrerait dix tribus à son esclave et en laisserait deux seulement au petit-fils de David, en souvenir de ce dernier, parce qu’il avait aimé Dieu, et en faveur de la ville de Jérusalem, où il avait voulu avoir un temple.

6. A ces paroles, Salomon s’attrista et fut profondément remué, voyant que tous ses biens, qui lui attiraient l’envie, allaient ainsi tourner à mal. Il ne s’écoula pas un long temps après que le prophète lui eut annoncé les événements futurs, quand Dieu lui suscita un adversaire nommé Ader(os), dont l’hostilité eut l’origine que voici : c’était un jeune homme de race Iduméenne, de souche royale. Quand Joab, le capitaine de David, eut soumis l’Idumée et exterminé en six mois tous les jeunes gens capables de porter les armes, seul il s’était enfui auprès de Pharaon, roi d’Égypte. Celui-ci le reçut avec bonne grâce, lui donna une maison et un territoire pour vivre, et quand il parvint à l’adolescence, le prit en si vive affection qu’il lui donna en mariage la sœur de sa propre femme, nommée Thaphiné ; le fils qui leur naquit fut élevé avec les enfants du roi. Quand il apprit en Égypte la mort de David et celle de Joab, il vint demander à Pharaon la permission de rentrer dans sa patrie. Mais le roi lui demanda quel besoin ou quel malheur le poussait à le quitter, et. malgré ses fréquentes instances et ses supplications, il ne lui donna pas congé à ce moment-là. Mais à l’époque où les affaires de Salomon commençaient à se gâter, à cause des transgressions dont j’ai parlé et du courroux que Dieu en ressentit, le Pharaon accorda enfin sa permission et Ader reparut dans l’Idumée. Il ne réussit pas à la détacher de Salomon, car elle était occupée par de nombreuses garnisons qui rendaient toute nouveauté difficile et dangereuse. Il en partit donc pour aller en Syrie. Là il rencontra un certain Raazar(os), qui s’était enfui de chez le roi de Sophène Adraazar, son maître, et mettait la région au pillage ; il conclut alliance avec cet homme et, réunissant une troupe de bandits, monte vers la haut pays, occupe cette région de la Syrie, et s’en déclare roi ; puis, faisant des incursions en pays israélite, il le ravage et le met à mal, du vivant même de Salomon Tels sont les maux qu’Ader fit endurer aux Hébreux.

7. Ensuite Salomon vit se dresser contre lui un homme de son propre peuple, Jéroboam(os), fils de Nabatéos, à qui une prophétie jadis reçue par lui avait inspiré des ambitions. Tout enfant, il avait perdu son père et avait été élevé par sa mère. Salomon, lui voyant du courage et de la hardiesse, l’avait commis à la surveillance de la construction des murs de Jérusalem, lorsqu’il entoura cette ville d’une enceinte. Jéroboam présida aux travaux avec tant de mérite que Salomon le félicita et, pour récompense, lui donna le gouvernement de la tribu de Joseph. Gr, comme Jéroboam quittait à ce moment-là Jérusalem, il fut rencontré par un prophète de la ville de Silo, nommé Achias. Celui-ci le salua et l’entraîna à quelque distance de la route en un endroit absolument désert. Là, partageant en douze morceaux le manteau dont il était lui-même enveloppé, il invita Jéroboam à en prendre dix, et lui dit : « Voici la volonté de Dieu : ayant divisé le pou-voir de Salomon, il accorde à son fils, à cause de la promesse faite à David, une tribu et celle qui lui est contiguë, tandis qu’il t’octroie les dix autres, parce que Salomon a péché envers lui et s’est abandonné à ses femmes et à leurs dieux. Sachant donc pourquoi Dieu a changé de sentiments à l’égard de Salomon, tâche d’être juste et d’observer les lois, puisque tu as devant toi, pour prix de ta piété et de ton culte à Dieu, la plus grande de toutes les récompenses : la promesse de devenir aussi grand que tu sais que David l’a été. »

8. Ainsi exalté par les paroles du prophète, Jéroboam, jeune homme de tempérament ardent et aspirant à une grande fortune, ne demeura pas en repos. Ayant gagné son gouvernement et se souvenant des révélations d’Achias, tout de suite il entreprend de persuader au peuple de se détacher de Salomon, de se révolter et de lui conférer à lui-même le pouvoir. Cependant, instruit de son dessein et de son complot, Salomon chercha à se saisir de lui pour le mettre à mort. Mais, prévenu à temps, Jéroboam s’enfuit auprès d’Isacos, roi des Égyptiens, demeura là jusqu’à la mort de Salomon, et eut ainsi le double avantage de se soustraire à la vengeance et de se réserver pour la royauté. Salomon meurt fort vieux, après avoir régné quatre-vingts ans et vécu quatre-vingt-quatorze. Il fut enseveli à Jérusalem. Il avait dépassé tous les rois par sa prospérité, ses richesses et sa sagesse, sauf les infractions qu’il commit dans sa vieillesse, égaré par les femmes : sur ces fautes et les maux qu’elles valurent aux Hébreux, j’aurai bientôt l’occasion de m’expliquer.

VIII

1. Roboam succède à Salomon ; revendications du peuple. — 2. Roboam écarte les conseils des Anciens et suit l’avis des jeunes. — 3. Défection de dix tribus qui choisissent Jéroboam pour roi. — 4. Jéroboam institue un culte nouveau à Dan et à Béthel. — 5. Prédictions du prophète Jadon ; écroulement de l’autel de Béthel.

1. Après la mort de Salomon, la royauté passée à son fils Roboam(os), qu’il avait eu d’une Ammanite nommée Nooma. Les chefs du peuple mandèrent aussitôt Jéroboam d’Égypte, qui les rejoignit dans la ville de Sichem, où Roboam se rendit de son côté : car les Israélites avaient décidé de se réunir là pour le proclamer roi. Alors, s’approchant de lui, les chefs du peuple et Jéroboam le supplient d’alléger un peu leur servitude et de se montrer plus doux que son père qui leur avait imposé un joug si pesant. Il seraient mieux disposés envers lai et la modération les rendrait plus dociles que la crainte. Roboam ayant déclaré qu’il répondrait à leur requête au bout de trois jours, devint incontinent suspect pour n’avoir pas sur-le-champ acquiescé à leurs vœux : car ils estimaient que la bonté et la générosité devaient être choses de primesaut, surtout chez un jeune homme. 1l leur semblait toutefois que le seul fait de vouloir délibérer, et de ne pas refuser tout de suite, était de bon augure.

2. Ayant convoqué les amis de son père, il consulta avec eux sur la réponse à faire au peuple. Ceux-ci, comme il convenait à des gens bienveillants et connaissant l’âme des foules, lui conseillèrent de parler au peuple avec affabilité et d’une manière plus familière que ne le comporte le faste royal : c’était le moyen de s’en concilier les bonnes grâces, les sujets étant enclins d’instinct à aimer les rois qui montraient de la condescendance et s’abaissaient jusqu’à eux. Roboam repoussa cet avis, si excellent qu’il fût et malgré le profit qu’il en eût tiré peut-être pour toute sa vie, en tout cas à ce moment où il s’agissait de prendre le pouvoir. J’imagine que c’était Dieu qui le poussait ainsi à condamner ce qui pouvait lui être utile. Il fit venir les jeunes gens qui avaient été élevés avec lui, leur communiqua le conseil donné par les anciens et les invita à dire leur sentiment sur la conduite à tenir. Ceux-ci, que leur jeunesse et la volonté de Dieu empêchèrent de penser juste, engagèrent Roboam à répondre au peuple que le plus petit de ses doigts était plus épais que n’avaient été les reins de son père ; que s’ils avaient éprouvé la sévérité de Salomon, ils allaient trouver en lui une humeur beaucoup plus rude encore ; et que si son père les morigénait avec des fouets, il fallait s’attendre qu’il le fit, lui, avec des scorpions. Le roi fut enchanté de ces conseils et estima qu’une, telle réponse convenait à la dignité royale. Aussi, quand le peuple se fut assemblé pour l’écouter, au troisième jour, devant la foule en suspens, l’oreille ouverte aux paroles du roi et les imaginant bienveillantes, Roboam leur donna pour réponse l’avis des jeunes gens, dédaignant celui de ses amis. Une telle attitude lui était dictée par la volonté divine afin que s’accomplit ce qu’Achias avait prophétisé.

3. Frappés au cœur par ces paroles et consternés de ce qu’il avait dit, comme s’ils en eussent déjà éprouvé les effets, ils s’indignèrent et s’écrièrent tous d’une voix qu’il n’y avait plus désormais rien de commun entre eux et David ou ses descendants : on ne laisserait à Roboam que le temple construit par son père, on menaça de l’abandonner. Telle était l’irritation du peuple et si tenace sa rancune que lorsque le roi leur eut envoyé Adoram, le préposé aux impôts, pour les calmer et adoucir leur mauvaise humeur, en les priant d’excuser ce que ses paroles pouvaient contenir d’inconsidéré et de brutal, ils ne voulurent pas l’entendre et le tuèrent à coups de pierres. Roboam, devant un pareil spectacle, se considéra comme visé lui-mène par les pierres qui avaient frappé son serviteur. Craignant d’avoir en effet à subir ce sort affreux, il sauta sur son char et s’enfuit à Jérusalem. La tribu de Juda et celle de Benjamin le choisissent pour roi, mais le reste du peuple se détacha dès ce jour là des fils de David et mit Jéroboam à sa tête. Roboam, fils de Salomon, réunit en assemblée les deux tribus qui lui restaient soumises, et s’apprêta à lever une armée de cent quatre-vingt mille hommes d’élite pour faire campagne contre Jéroboam et son peuple et les contraindre par les armes à l’obéissance. Mais Dieu, par l’intermédiaire du prophète (Saméas), empêcha cette expédition. « Il n’est pas juste, lui dit ce dernier, de partir en guerre contre ceux de ta nation, puisque aussi bien la défection du peuple s’est produite selon les desseins de Dieu. » Roboam renonça donc à son projet. Je vais maintenant exposer d’abord les actes de Jéroboam, roi des Israélites, puis ensuite ceux de Roboam, roi des deux tribus : ce sera le moyen de conserver partout à toute cette histoire un plan bien ordonné.

4. Pour commencer, Jéroboam construisit un palais dans la ville de Sichem, dont il fit son séjour ; il en édifia un autre encore dans la ville appelée Phanouel. Cependant, comme peu après devait avoir lieu la fête des Cabanes, il réfléchit que s’il permettait à ses sujets d’aller adorer Dieu à Jérusalem et d’y passer la fête, il y avait des chances que, pris de regrets et séduits par le Temple et le calte qu’y recevait Dieu, ils le quittassent pour se rallier à leur précédent roi, ce qui pourrait bien lui coûter la vie. Il imagina donc l’expédient suivant. Avant fait fabriquer deux génisses en or et autant de chapelles, l’une dans la ville de Béthél(é), et l’autre à Dan(é), qui est située prés des sources du petit Jourdain, il place une génisse dans chacun de ces sanctuaires. Puis, avant convoqué les dix tribus dont il était le chef, il les harangua en ces termes : « Hommes de mon peuple, vous savez, je pense, que chaque endroit contient Dieu, que sa présence n’est point limitée à un lieu déterminé, mais que partout il entend et regarde ceux qui l’adorent. C’est pourquoi je ne crois pas aujourd’hui devoir vous conseiller de partir pour Jérusalem, la ville de nos ennemis, et de faire un si long voyage pour vous y prosterner. C’est un homme, en effet, qui a édifié le Temple, mais j’ai fabriqué, moi aussi, deux génisses d’or qui portent le nom de Dieu, et j’ai consacré l’une dans la ville de Béthel et l’autre à Dan, afin que ceux d’entre vous qui habitent près de ces villes viennent s’y prosterner devant Dieu. Je vais aussi désigner parmi vous des prêtres, des Lévites afin que vous puissiez vous passer de la tribu de Lévi et des fils d’Aaron. Que celui de vous qui voudra exercer la prêtrise offre à Dieu un jeune taureau et un bélier, comme fit, dit-on, Aaron, le premier qui fut prêtre. » Par ces paroles il trompa le peuple, détacha ses sujets du culte paternel et leur fit transgresser les lois. Ce fut là pour les Hébreux l’origine de leurs malheurs ; c’est pourquoi, vaincus par les nations étrangères, ils devaient tomber dans la servitude. Hais de tout cela nous parlerons en son lieu.

5. L’approche de la fête, le septième mois, Jéroboam voulut la célébrer de son côté à Béthel, comme les deux tribus faisaient à Jérusalem. Il érige un autel devant la génisse et, faisant fonction de grand-prêtre, il monte sur l’autel avec ses propres prêtres. Mais, au moment où il allait offrir les sacrifices et les holocaustes aux yeux de tout le peuple, voici venir à lui un prophète de Jérusalem, nommé Jadon, envoyé par Dieu, qui alla se placer au milieu du peuple et dit ces mots en présence du roi en s’adressant à l’autel : « Dieu prédit qu’il viendra un homme de la famille de David, nommé Josias, qui sacrifiera sur toi, autel, les faux prêtres de ce temps-là et brûlera sur toi les ossements de ces imposteurs, trompeurs et impies. Et pour que nul ne doute qu’il en adviendra ainsi, je te préviens qu’un signe miraculeux va se produire : l’autel va se briser sur l’heure et toute la graisse des victimes qui le couvre va se répandre à terre. » À ces paroles du prophète, Jéroboam, furieux, étend la main et ordonne qu’on se saisisse de lui. Mais la main tendue perd soudain sa vigueur et il n’eut même plus la force de la ramener à lui ; elle pendit à son côté, engourdie et desséchée. En même temps, l’autel s’effondra et tout ce qu’il portait fut précipité à terre, ainsi que l’avait annoncé le prophète. Convaincu alors que l’homme était véridique et possédait une prescience divine, Jéroboam lui demanda de prier Dieu de ranimer sa main droite. Le prophète supplia Dieu d’y consentir, et le roi, charmé de voir sa main revenir à son état naturel, invita le prophète à souper chez lui. Mais Jadon répondit qu’il ne pouvait souffrir d’entrer chez lui ni de goûter ni pain, ni eau dans cette ville : Dieu, affirmait-il, le lui avait interdit, ainsi que de reprendre le chemin par où il était venu, mais il devait, pour s’en retourner, en choisir un autre. Le roi admira sa fermeté nais demeura, quant à lui, dans l’inquiétude, car ces prédictions lui donnèrent à craindre que ses affaires ne vinssent à mal tourner.

IX

Le faux prophète de Béthel.

1. Il y avait dans la ville un méchant vieillard, un faux prophète, que Jéroboam tenait en estime, trompé par ses discours flatteurs. Cet homme gardait alors le lit, affaibli par la vieillesse. Ses fils lui rapportèrent l’incident du prophète venu de Jérusalem, les signes miraculeux qui s’étaient produits, et comment Jéroboam, après avoir eu la main desséchée, en avait recouvré l’usage, grâce aux prières de son visiteur. Alors il craignit que l’étranger ne l’éclipsât auprès du roi et n’en reçût des honneurs plus considérables. Il ordonna donc à ses fils de seller aussitôt son âne et de le lui tenir prêt pour un voyage. Ceux-ci s’empressent d’obéir ; lui, enfourche alors la bête et se met à la poursuite du prophète. Il le trouva se reposant sous un arbre touffu et ombreux comme un chêne de belle taille ; il l’embrasse d’abord, puis lui reproche de n’être pas entré chez lui pour y accepter les offrandes de l’hospitalité. Le prophète lui répond que Dieu lui avait interdit de rien goûter chez aucun habitant de leur ville : « Mais, en tout cas, repartit l’autre, cette interdiction ne visait pas ma demeure. Je suis prophète, moi aussi, j’observe le même culte que toi envers Dieu, et je viens maintenant, envoyé par lui, pour t’emmener dîner chez moi. » L’autre, crédule à ces mensonges, consent à rebrousser chemin. Hais pendant qu’ils dînaient encore et s’entretenaient en amis, voici que Dieu apparaît à Jadon et lui déclare que, avant transgressé ses ordres, il subira un châtiment et lequel : « un lion, dit-il, te rencontrera sur ton chemin, après ton départ ; tu seras dévoré par lui et seras privé de sépulture dans les tombes de tes pères. » Ces choses arrivèrent, j’imagine, par le dessein de Dieu, afin que Jéroboam ne s’arrêtât pas aux paroles de Jadon ainsi convaincu de mensonge. Or, tandis que Jadon s’en retournait vers Jérusalem, il rencontra un lion qui l’arracha à bas de sa monture et le mit en pièces. Quant à l’âne, le lion ne lui fit aucun mal, mais s’accroupissant à côté de lui, il veilla sur lui et sur le cadavre du prophète, tant que quelques voyageurs l’avant aperçu s’en allèrent dans la ville l’annoncer au faux prophète. Celui-ci dépêcha ses fils pour rapporter le corps dans la ville, lui fit des funérailles pompeuses, en recommandant à ses fils de l’enterrer lui-mène, quand il mourrait, auprès de Jadon, car tout était vrai de ce qu’il avait prophétisé touchant la ville et l’autel et les prêtres et les faux prophètes ; lui-même échapperait à tout outrage après sa mort, s’il était enterré avec ce prophète et si ses ossements se confondaient avec les siens. Ayant donc enseveli le prophète et fait ces recommandations à ses fils, toujours pervers et impie, il va trouver Jéroboam et s’écrie : « Pourquoi donc es-tu troublé par les discours de cet insensé ? » Comme le roi lui contait l’épisode de l’autel et de sa main, affirmant que c’était un être vraiment divin, un excellent prophète, le scélérat commença d’ébranler cette croyance par de perfides sophismes et, commentant astucieusement les faits, en dénatura le vrai caractère. C’est ainsi qu’il assura que c’était de fatigue que la main du roi s’était engourdie en soulevant les victimes, et qu’une fois reposée. elle était revenue à son état normal ; quant à l’autel, il était nouvellement construit, et, ayant reçu de trop nombreuses et trop lourdes offrandes, s’était rompu et écroulé sous leur poids. Il lui raconta aussi comment l’homme qui avait annoncé ces signes miraculeux avait péri, tué par un lion. « Ainsi, rien dans son caractère, ni dans ses discours ne révélait un prophète. » Par ces paroles, il convainc le roi, et, ayant détourné définitivement sa pensée des actions droites et justes, il le poussa aux actes impies. Tels étaient sa fureur de rébellion contre Dieu et son mépris des lois que chaque jour il cherchait à ajouter un nouveau forfait aux précédents, et plus noir encore. Restons-en là, pour le moment, dans l’histoire de Jéroboam.

X

1. Villes fondées par Roboam ; ses mariages. — 2. Expédition de Sésac, roi d’Égypte, contre Jérusalem. — 3. Reddition de Roboam ; pillage du Temple. — 4. Mort de Roboam.

1. Le fils de Salomon, Roboam, roi des deux tribus, comme nous l’avons dit plus haut, construisit des villes fortes et grandes, à savoir Bethléem, Etamé, Thécoé, Bethsour, Sôchô, Odollam, Ipan, Iarissa, Zipha, Adoraim, Lachis, Azéca, Saram, Elôm et Hébron. Ces premières villes furent bâties dans le territoire de Juda, mais il en construisit d’autres non moindres sur le territoire de Benjamin ; il les munit de remparts, plaça partout des garnisons et des gouverneurs, et mit dans chacune des villes quantité de blé, de vin et d’huile et une abondance de tous les vivres nécessaires ; il y ajouta des myriades de boucliers et de hallebardes. Les prêtres qui se trouvaient dispersés chez tous les Israélites vinrent le rejoindre à Jérusalem ainsi que les Lévites et tout ce que le peuple comptait d’hommes justes et vertueux. Ils désertaient leurs villes pour venir adorer Dieu à Jérusalem ; car ils ne pouvaient souffrir d’être contraints d’adorer les génisses fabriquées par Jéroboam. Ils fortifièrent ainsi durant trois ans le royaume de Roboam. Après avoir épousé une femme de sa famille, qui lui donna trois enfants, il épousa encore dans la suite une fille de Thamar, fille d’Absalon, nommée Machané, qui lui était aussi apparentée. Il eut d’elle un fils, qu’il appela Abias. Il engendra encore des enfants de beaucoup d’autres femmes, mais c’est Machané qu’il chérit le plus de toutes. Il eut dix-huit femmes légitimes et trente concubines, qui lui donnèrent vingt-huit fils et soixante filles. Il désigna comme successeur de son trône Abias, né de Machané, et lui conga ses trésors et ses villes les plus fortes.

2. C’est souvent, je crois, une cause de malheurs et de dérèglement pour les hommes que la grandeur de leur pouvoir et le développement de leur prospérité. Grisé. en effet, par les progrès de sa royauté, Roboam se laissa entraîner à des actes illicites et impies et méprisa le culte de Dieu, si bien que le peuple se mit à imiter ses péchés. Car les mœurs des sujets se corrompent en même temps que la conduite de leurs maîtres : ils renoncent à une tempérance qui semblerait blâmer l’impudence de ceux-ci, et adoptent leurs vices comme si c’étaient des vertus : en effet, il n’est pas possible de paraître approuver la conduite des rois, si l’on n’agit pas comme eux. C’est ainsi qu’il advint aux sujets de Roboam : témoins de ses impiétés et de ses débordements, ils s’efforcèrent de ne pas offenser le roi par leur attachement à la vertu. Cependant, pour châtier ses outrages, Dieu envoie le roi des Égyptiens, Sousac(os), dont Hérodote attribue par erreur les actes à Sésostris. Ce Sousac marche contre Roboam, la cinquième année de son règne, avec de nombreuses myriades de combattants : il était suivi de douze cents chars, de soixante mille cavaliers et de quatre cent mille fantassins ; la plupart étaient tirés de Libye et d’Éthiopie. Ayant donc fait irruption dans le pays des Hébreux, il s’empare sans coup férir des villes les plus fortes du royaume de Roboam, et, après les avoir munies de garnisons, marche sur Jérusalem.

3. Roboam et le peuple, enfermés dans la ville, par suite de l’expédition de Sousac, suppliaient Dieu de leur donner la victoire et le salut, mais ils ne purent le persuader de soutenir leur cause. Le prophète Saméas leur déclara que Dieu menaçait de les abandonner, comme eux-mêmes avaient abandonné son culte. En entendant ces paroles, le découragement les envahit et, ne voyant plus de moyen de salut, ils s’empressèrent tous de confesser que Dieu aurait raison de les délaisser, puisqu’ils s’étaient montrés impies à son égard et avaient violé ses lois. Quand Dieu les vit ainsi disposés et s’avouant mutuellement leurs péchés, il dit au prophète qu’il ne voulait pas leur ruine, mais les assujettirait néanmoins aux Égyptiens, afin qu’ils connussent s’il était moins pénible de servir un homme que Dieu. Cependant Sousac, s’étant emparé sans coup férir de la ville, où Roboam, dans sa terreur, l’avait accueilli, ne respecta pas les conventions intervenues : il pilla le Temple, vida les trésors de Dieu et ceux du roi, emportant des sommes infinies d’or et d’argent sans rien ménager. Il enleva même les boucliers d’or, les longs comme les ronds, que le roi Salomon avait fabriqués. Il ne laissa même pas les carquois d’or que David avait voués à Dieu quand il les eut pris au roi de la Sophène ; cela fait, il revint chez lui. Cette campagne est également mentionnée par Hérodote d’Halicarnasse, qui se trompe seulement sur le nom du roi ; il rapporte que ce roi attaqua beaucoup d’autres nations et qu’il asservit la « Syrie palestinienne » en s’emparant sans coup férir de tous les hommes qui s’y trouvaient. Il est évident que c’est notre nation qu’il veut désigner comme soumise par l’Égyptien. Il raconte, en effet, qu’il laissa dans le pays de ceux qui s’étaient rendus sans combat des colonnes où havait figuré des organes sexuels féminins : or, Roboam, notre roi, lui rendit la ville sans combat. Et il ajoute que les Éthiopiens eux-mêmes ont appris la circoncision des Égyptiens : « car les Phéniciens et les Syriens de Palestine reconnaissent eux-mêmes l’avoir apprise des Égyptiens. » Or, il est certain que, parmi les Syriens de Palestine, nul autre peuple que nous ne pratique la circoncision. Mais là-dessus que chacun pense comme il lui plaira.

4. Sousac s’étant retiré, le roi, pour remplacer les boucliers d’or longs et ronds, en lit faire de même nombre en cuivre qu’il confia aux gardiens du palais royal. Au lieu d’une vie d’expéditions glorieuses et d’exploits éclatants, il régna dans une complète inaction mêlée de crainte, en hostilité continuelle avec Jéroboam. Il mourut à l’âge de cinquante-sept ans et après un règne de dix-sept ; homme d’un caractère fanfaron et irréfléchi, il avait perdu sa puissance pour n’avoir pas écouté les amis de son père. Il fut enseveli à Jérusalem dans les tombeaux des rois. La succession de la royauté échut à son fils Abias dans la dix-huitième année du règne de Jéroboam sur les dix tribus.

Telle fut l’issue de ces événements. Nous avons à en exposer la suite en ce qui concerne Jéroboam et à dire comment il perdit la vie. Ce roi, sans trêve ni relâche, ne fit qu’offenser Dieu, persistant à construire chaque jour des autels sur de hautes collines et à choisir des prêtres d’entre le peuple.

XI

1. Prédictions d’Achias à la femme de Jéroboam ; mort de son fils. — 2. Campagne de Jéroboam contre Abias ; discours d’Abias. — 3. Défaite de Jéroboam ; mort d’Abias ; Assa lui succède. — 4. Mort de Jéroboam ; règne de Nadab ; Baasa l’assassine et s’empare du trône.

1. Il ne devait pas se passer longtemps que la divinité ne fit retomber toutes ces impiétés avec le châtiment qu’elles méritaient sur la tête de Jéroboam et celle de toute sa famille. Comme il avait à ce moment-là un fils malade, appelé Obimès, il ordonna à sa femme de dépouiller sa robe royale, de s’habiller comme une femme du peuple et de se rendre chez le prophète Achias, car, disait-il, cet homme s’entendait merveilleusement à prédire les événements à venir et lui avait fait à lui-même des révélations touchant sa royauté. Il la priait, quand elle serait chez lui, de l’interroger, en se donnant pour une étrangère, au sujet de son fils, afin de savoir s’il se relèverait de sa maladie. La reine se travestit, ainsi que le lui avait prescrit son mari, et vint dans la ville de Silo où habitait Achias. Au moment où elle allait pénétrer dans la maison du prophète, qui avait perdu la vue par suite de son grand âge, Dieu apparut à Achias et l’instruisit à la fois de la visite de la femme de Jéroboam et des réponses qu’il fallait faire à ses questions. Quand la femme fut entrée dans sa demeure, se présentant comme une femme du commun et une étrangère, le prophète s’écria : « Entre, femme de Jéroboam. Pourquoi te déguises tu ? Tu ne peux donner le change à Dieu qui, dans une apparition, m’a prévenu de ton arrivée et m’a prescrit le langage que je devais tenir. Retourne donc chez ton mari et dis-lui que Dieu parle ainsi : « Puisque je t’ai fait grand, toi qui étais petit et infime, que j’ai retranché la royauté de la race de David pour te la donner, que tu ne t’es pas souvenu de mes bienfaits et qu’ayant délaissé mon culte, tu as fabriqué et révéré des dieux de fonte, je t’abattrai de nouveau comme je t’ai élevé, je détruirai toute ta famille, j’en ferai la proie des chiens et des oiseaux. Car un roi sera suscité par moi sur tout le peuple, qui n’épargnera personne de la race de Jéroboam. Dans ce châtiment sera compris le peuple lui-même, qui sera chassé de ce beau pays et dispersé dans les régions de l’autre côté de l’Euphrate, parce qu’il s’est associé aux impiétés du roi et qu’il se prosterne devant ses dieux fabriqués par lui, après avoir abandonné mes sacrifices. Et toi, ô femme, hâte-toi d’aller annoncer ces choses à ton mari. Quant à ton fils, tu le trouveras mort : au moment même où tu entreras dans la ville, la vie l’abandonnera. Il sera enseveli parmi les pleurs de tout le peuple, qui l’honorera d’un deuil public : car il était le seul vertueux de la lignée de Jéroboam. » Quand il eut fait ces prophéties, la femme s’enfuit toute troublée ; désolée de la mort de ce fils, elle pleurait le long du chemin et se frappait la poitrine à la pensée de cette fin imminente et, désespérée d’une infortune irrémédiable, elle allait avec une hâte meurtrière pour l’enfant, — puisque plus elle se pressait, plus approchait le moment de le voir mort, — mais à quoi l’obligeait le devoir envers son mari. Quand elle arriva, elle trouva l’enfant expiré, selon ce qu’avait dit le prophète, et elle conta tout au roi.

2. Jéroboam, sans se soucier de toutes ces menaces, rassembla une grande armée et partit en guerre contre Abias, fils de Roboam, qui avait succédé à son père comme roi des deux tribus : il méprisait, en effet, un adversaire aussi jeune. Nais Abias, informé de l’invasion de Jéroboam, loin de s’en effrayer, montra un courage au-dessus de son âge et de l’attente de l’ennemi. Il leva une armée dans les deus tribus et vint au-devant de Jéroboam en un endroit appelé le mont Sémaron. Là il établit son camp tout près de l’ennemi et fit ses préparatifs de combat. Ses forces se montaient à quatre cent mille hommes ; l’armée de Jéroboam en comptait deux fois autant. Cependant, comme les deux armées rangées face à face s’apprêtaient à l’action et aux dangers et allaient se choquer, Abias se posta debout sur un lieu élevé et, d’un signe de la main, demanda au peuple et à Jéroboam de l’écouter d’abord tranquillement. Le silence établi, il commença à parler ainsi : « Que Dieu ait octroyé pour toujours le commandement à David et à ses descendants, vous mêmes ne l’ignorez pas, mais je m’étonne de voir que, détachés de mon père, vous vous soyez donnés à un esclave comme Jéroboam, et que vous veniez ici maintenant combattre ceux à qui Dieu attribua la royauté et pour leur arracher l’empire qui leur reste : car la part la plus grande en est, contre toute justice, détenue jusque maintenant par Jéroboam. Or, je ne pense pas qu’il continue d’en jouir longtemps. Dieu, en le châtiant même pour le passé, saura mettre fin à son impiété et aux offenses qu’il n’a cessé de commettre envers lui et qu’il vous a entraînés à imiter, alors que mon père ne vous avait fait tort en rien, mais vous avait simplement froissés par des paroles prononcées dans une assemblée sous l’influence de conseillers pervers ; c’est pour cela qu’en apparence vous l’avez abandonné, lui, par colère, tandis qu’en réalité vous vous êtes détachés de Dieu et de ses lois. Pourtant il eût été juste de votre part de pardonner à un homme jeune, et inexpérimenté dans le gouvernement d’un peuple, non seulement des propos désagréables, mais même quelque acte fâcheux qu’il aurait pu commettre par l’effet de sa jeunesse et de son ignorance des affaires : vous auriez dû agir ainsi par égard pour son père Salomon et pour les bienfaits dont celui-ci vous a comblés : car il convient que la faute des enfants soit rachetée par les mérites des pères. Mais vous n’avez songé à rien de tout cela, ni naguère, ni maintenant, et vous voilà toute une grande armée marchant contre nous. Cependant, qu’est-ce qui vous donne foi en la victoire ? Sont-ce les génisses d’or et les autels établis sur les hauteurs, qui sont des preuves de votre impiété et non de votre dévotion ? Ou est-ce votre armée, supérieure en nombre à la nôtre, qui vous donne bon espoir ? Mais la force des myriades n’est rien quand une armée combat pour une cause scélérate : c’est dans la justice seule et la piété envers la divinité que peut résider l’espérance vraiment certaine de vaincre ses adversaires, et cette espérance, elle est citez nous qui avons observé dès l’origine les institutions légales et révérons notre Dieu propre, non un Dieu façonné à la main d’une matière fragile. ni inventé par un roi criminel dans le dessein de tromper le peuple, mais un Dieu qui s’est créé lui-même, et qui est le commencement et la fin de toutes choses. Je vous conjure donc, même à cette heure, de vous repentir et de suivre un plus judicieux avis en renonçant à la lutte et en vous ralliant aux institutions nationales et aux principes qui vous ont conduits à un si haut degré de prospérité. »

3. Ainsi parla Abias au peuple. Tandis qu’il parlait encore, Jéroboam dépêcha en secret quelques soldats qui sortirent du camp par des issues dissimulées pour aller cerner Abias. Celui-ci ainsi pris au milieu des ennemis, son armée s’effraya et perdit courage. Mais Abias se mit à les exhorter et les conjura de mettre leurs espoirs en Dieu, en un Dieu qui, lui, ne se laisserait pas cerner par les ennemis. Alors tous ensemble invoquent le secours de Dieu, et les prêtres avant donné le signal en sonnant de la trompette, ils poussent des clameurs et marchent contre leurs ennemis. Dieu fit fléchir le cou-rage de ceux-ci et brisa leur vigueur ; il donna, au contraire, l’avantage à l’armée d’Abias. Ils firent un carnage des troupes de Jéroboam tel que l’histoire n’en tonnait pas de semblable ni chez les Grecs, ni chez les Barbares, et durent à Dieu une victoire étonnante et mémorable. Cinq cent mille ennemis tombèrent sous leurs coups ; ils saccagèrent leurs villes les mieux fortifiées, qu’ils enlevèrent d’assaut, Béthel et sa toparchie, et Isana avec la sienne. Après cette défaite, Jéroboam ne reprit plus aucune puissance tant que vécut Abias. Mais ce dernier ne survécut que peu de temps à sa victoire ; il mourut après un règne de trois ans. On l’ensevelit à Jérusalem dans les tombeaux de ses ancêtres : il laissait vingt-deux fils et seize filles. Il avait eu tous ces enfants de quatorze femmes. Il eut pour successeur au trône son fils Asa (Asanos) ainsi que la mère du jeune homme, nommée Machéa. Sous son pouvoir, le pays d’Israël jouit pendant dix ans de la paix.

4. Voilà ce qui nous a été transmis touchant Abias, fils de Roboam, fils de Salomon. Jéroboam, le roi des dix tribus, mourut à son tour, après vingt-deux ans de règne. Il eut pour successeur son fils Nadab(os), alors qu’Asa avait déjà régné deux ans. Le fils de Jéroboam gouverna deux ans, semblable à son père en impiété et en perversité. Pendant ces deux ans, il attaqua Gabatha, ville des Philistins, qu’il s’obstina à investir pour s’en emparer. Mais il mourut dans un guet-apens tendu par un de ses amis, nommé Basanos (Baasa), fils de Macheilos, qui, après l’avoir tué, s’empara de la royauté et extermina toute la famille de Jéroboam. Et il advint, conformément à la prophétie de Dieu, que, parmi les parents de Jéroboam, les uns périrent dans la ville déchirés et dévorés par les chiens, et les autres dans les champs subirent le même sort de la part des oiseaux. C’est ainsi que la maison de Jéroboam reçut le juste châtiment de son impiété et de ses iniquités.

XII

1. Règne d’Asa ; invasion de Zaréos, roi d’Éthiopie. — 2. Victoire d’Asa ; prédictions d’Azarias. — 3. Crimes de Basa ; prédictions de Jéhu ; Basa fortifie Aramathôn. — 4. Alliance d’Asa avec le roi de Damas ; mort de Basa ; règne d’Éla ; il est assassiné par Zimri. — 5. Défaite de Zimri ; règne d’Omri ; fondation de Samarie. — 6. Réflexions sur les rois d’Israël ; mort d’Asa, roi de Juda ; avènement de Josaphat.

1. Le roi de Jérusalem, Asa, avait d’excellentes mœurs et un esprit dirigé vers la divinité ; tous ses actes, toutes ses pensées tendaient à la piété et à l’observance des lois. Il travailla à rendre son royaume prospère en retranchant tout mauvais élément et le purifiant de toute souillure. Il eut une armée d’élite pourvue de boucliers longs et de hallebardes, trois cent mille hommes de la tribu de Juda et, dans celle de Benjamin, deux cent cinquante mille, armés de boucliers ronds et d’arcs. Il avait déjà dix ans de règne quand Zaraeos, roi d’Éthiopie, l’attaqua avec de grandes forces : neuf cent mille fantassins, cent mille cavaliers et trois cents chars. Zaraeos avait poussé jusqu’à la ville de Marissa, qui est dans la tribu de Juda, lorsque Asa marcha à sa rencontre avec ses troupes. Il rangea son armée en bataille en face de l’ennemi dans un ravin nommé Saphtha, non loin de cette ville, et dés qu’il aperçut la multitude des Éthiopiens, il éleva la voix pour demander à Dieu la victoire et la destruction de toutes ces myriades d’adversaires. Rien ne lui donnerait, disait il, le courage de marcher contre Zaraeos, si ce n’est cet appui divin qui peut assurer au petit nombre l’avantage sur le grand et aux faibles sur le fort.

2. Pendant qu’Asa parlait ainsi, Dieu lui donna un signe de victoire. Alors il engage la lutte, tout joyeux des prédictions de Dieu, massacre nombre d’Éthiopiens et chasse le reste en déroute jusque dans le pays de Gérar. Puis, ayant cessé le carnage, les vainqueurs partent au pillage de la ville, — car Gérar était prise, — ainsi que du camp ennemi, de sorte qu’ils enlevèrent quantité d’or et d’argent et emportèrent un fort butin : chameaux, bêtes de somme et troupeaux de bétail. Asa et ses troupes, après une si grande victoire et un tel butin procurés par Dieu, retournèrent à Jérusalem. Comme ils y arrivaient, ils rencontrèrent sur la route un prophète nommé Azarias. Celui-ci leur commanda de s’arrêter et commença à leur dire que cette victoire leur avait été accordée par Dieu parce qu’ils s’étaient montrés justes et purs et qu’ils avaient agi en tout selon sa volonté. « Que si donc vous persévérez, dit-il, Dieu vous procurera toujours la victoire sur vos ennemis et une vie pleine de félicité ; mais si vous trahissez la religion, il vous arrivera tout le contraire. Il viendra alors un temps où l’on ne trouvera plus un seul prophète véridique dans votre peuple, ni un prêtre pratiquant la justice, mais les cités seront démolies et la nation sera dispersée par toute la terre pour y mener une vie d’étrangers et de vagabonds. » Il leur conseillait, pendant qu’il était temps encore, de devenir justes et de ne pas s’aliéner la bienveillance divine. Le roi et le peuple se réjouirent de ces paroles et mirent tous leurs soins à cultiver la vertu. tous ensemble et chacun en particulier. Le roi envoya aussi des agents dans le pays pour y veiller au respect des institutions légales.

3. Tels furent les événements sous Asa, roi des deux tribus. J’en reviens maintenant au roi du peuple d’Israël, Basa, qui avait tué Nadab, fils de Jéroboam, et s’était emparé du pouvoir. Il habitait dans la ville de Tharsale, dont il avait fait sa résidence, et régna vingt-quatre ans. Plus pervers et plus impie que Jéroboam et son fils, il fit beaucoup de mal à son peuple et offensa Dieu gravement. Dieu lui envoya le prophète Jéhu (Yous) pour lui prédire qu’il anéantirait toute sa famille et la ferait succomber aux mêmes maux dont il avait accablé la maison de Jéroboam, puisque, devant à Dieu la royauté, loin de répondre à ses bienfaits en gouvernant le peuple avec justice et piété, — conduite aussi salutaire à ceux qui la suivent qu’agréable à Dieu, — il avait imité le scélérat Jéroboam et montré que, si ce dernier avait rendu l’âme, toute sa perversité avait survécu en lui-même. Il subirait donc, à bon droit, les mêmes malheurs, puisqu’il avait pratiqué les mêmes vices. Cependant Basa, bien qu’instruit d’avance des malheurs qui devaient l’accabler ainsi que toute sa famille en raison de ses forfaits, ne sut pas davantage se modérer dans la suite, afin de conjurer une mort due à sa perversité croissante et d’acheter le pardon divin par le repentir des fautes déjà commises. Loin de là : de même que certains hommes, tentés par des récompenses promises s’ils atteignent un certain objet, ne cessent d’y travailler avec zèle, ainsi Basa, après les prédictions du prophète, comme s’il eût estimé pour des bienfaits les maux les plus affreux, la mort de sa famille et la ruine de sa maison, ne fit que se pervertir davantage, et chaque jour, comme un champion du crime, il y donnait tous ses efforts. A la fin, ayant réuni de nouveau son armée, il marcha contre une ville non sans importance, nommée Aramathôn, située à quarante stades de Jérusalem, s’en empara et la fortifia, avec le projet d’y laisser une garnison et de s’en servir comme d’un poste avancé pour aller ravager le royaume d’Asa.

4. Asa, redoutant l’entreprise de l’ennemi et réfléchissant que les troupes laissées à Aramathôn feraient beaucoup de mal dans tout son royaume, dépêcha des envoyés avec de l’or et de l’argent au roi des Damascéniens pour le supplier de lui venir en aide et pour lui rappeler aussi qu’une amitié datant de leurs pères les liait l’un à l’autre. Le roi de Damas reçut avec plaisir celle quantité de richesses et fit alliance avec lui en rompant toute amitié avec Basa ; il envoya ses capitaines vers les villes du royaume d’Israël, avec ordre de les dévaster. Ceux-ci se mirent eu route et brûlèrent ou saccagèrent quantité de villes, telles Yoannès, Dana, Abellané et beaucoup d’autres. A ces nouvelles, le roi des Israélites cessa de bâtir et de fortifier Aramathôn et s’en retourna en hâte porter secours à ses sujets en danger. Cependant Asa s’empara des matériaux réunis par Basa pour la construction de la place et fonda dans le même endroit deux villes fortes, dont l’une s’appela Gaba, l’autre Mestaphas. Dans la suite, Basa n’eut plus l’occasion de faire campagne contre Asa. Il fut prévenu, eu effet, par le destin. On l’ensevelit dans la ville de Tharsa, et le trône échut à son fils Éla (Elanos). Celui-ci, après un règne de deux ans, mourut assassiné dans un guet-apens tramé par Zamarios, chef de la moitié de la cavalerie. Comme il était en train de festoyer chez son intendant Olsa, Zamarios persuada à quelques-uns de ses cavaliers de lui courir sus et de le tuer, alors qu’il était seul, sans ses hommes d’armes et ses capitaines, lesquels étaient tous occupés au siège de Gabatha, ville des Philistins.

5. Après avoir assassiné Éla, le chef de la cavalerie, Zamarios, s’empare lui-mime du trône et immole toute la famille de Basa, selon la prophétie de Jéhu. Il advint, en effet, que sa maison fut complètement anéantie en raison de son impiété, comme nous avons écrit que fut anéantie celle de Jéroboam. L’armée qui assiégeait Gabatha, ayant appris le sort du roi et comment Zamarios, son meurtrier, occupait le trône, désigna de son côté comme roi son général Omri (Amarinos) ; celui-ci fait remonter sou armée de Gabatha, arrive à la capitale Tharsa, attaque la ville et s’en empare de vive force. Zamarios, voyant la ville prise, se réfugie dans la partie la plus retirée du palais royal et y ayant mis le feu, périt lui-même dans les flammes après avoir régné sept jours. Aussitôt le peuple des Israélites se divisa : les uns voulaient pour roi Thamnæos, les autres Omri. La victoire resta aux partisans de ce dernier : ils mettent Thamnæos à mort, et Omri devient roi de tout le peuple. Ce fut dans la trentième année du règne d’Asa qu’Omri commença son règne, qui dura douze ans : il passa les six premiers dans la ville de Tharsa, les autres dans la ville nommée (So)maréôn et appelée Samarie par les Grecs. Il lui donna ce nom de (So)maréôn, d’après Somaros qui lui vendit la colline sur laquelle il bâtit la ville. Omri ne se distingua de ces prédécesseurs qu’en surpassant leur perversité. Tous, en effet, rivalisèrent en efforts pour détacher le peuple de Dieu par leurs impiétés quotidiennes ; c’est pourquoi Dieu les fit se détruire l’un l’autre, sans laisser aucun descendant de leur famille. Omri mourut à Samarie et eut pour successeur son fils Achab(os).

6. On peut apprendre de tous ces faits quelle sollicitude la divinité apporte aux affaires humaines, et comment elle chérit les bons et déteste les pervers, qu’elle déracine entièrement. C’est ainsi que les rois des Israélites ont péri misérablement à peu d’intervalle, victimes les uns des autres, ainsi que leurs familles, pour leur impiété et leurs crimes, tandis glue le roi de Jérusalem et des deux tribus, Asa, grâce à sa piété et à sa justice, fut conduit par Dieu à une longue et prospère vieillesse et mourut heureusement après quarante et un ans de règne. A sa mort, le pouvoir échut à son fils Josaphat(ès), dont la mère s’appelait Abida. Ce dernier fut réputé par tous avoir imité dans ses actes son aïeul David pour le courage et la piété. Mais rien ne nous presse de parler dès maintenant de ce roi.

XIII

1. Achab épouse Jézabel ; introduction du culte de Baal. — 2. Le prophète Élie prédit une sécheresse ; la veuve de Sarepta ; témoignage de l’annaliste Ménandre. — 3. Élie ressuscite l’enfant de la veuve. — 4. Rencontre d’Élie et d’Obédias. — 5. Élie et les prophètes de Baal art Mont Carmel. — 6. La pluie met fin à la sécheresse — 7. Fuite d’Élie dans le désert : ses visions sur le Mont Sinaï ; il s’adjoint Élisée. — 8. La vigne de Naboth ; meurtre de Naboth ; châtiment annoncé à Achab.

1. Achab, roi des Israélites, eut sa résidence à Samarie et garda le pouvoir pendant vingt-deux ans, sans faire autrement que les rois précédents, sinon qu’il imagina pis encore par un comble de perversité, imitant leurs forfaits et leurs offenses envers la divinité, et rivalisant surtout avec l’impiété de Jéroboam. En effet, il se prosterna devant les génisses fabriquées par ce roi, et y ajouta encore d’autres inventions extravagantes. Il prit pour femme une fille d’Ithobal, roi des Tyriens et des Sidoniens, qui avait nom Jézabel(é), et qui lui apprit à adorer ses propres dieux. C’était une femme entreprenante et hardie ; elle en vint à ce degré d’insolence et de frénésie qu’elle bâtit un temple au dieu des Tyriens, qu’ils appellent Bèlos, et fit planter en son honneur un bois sacré d’arbres de toute espèce. Elle institua, en outre, pour ce dieu des prêtres et des faux prophètes. Le roi lui-même eut dans son entourage beaucoup de ces hommes, dépassant ainsi en démence et en dépravation tous ses prédécesseurs.

2. Un prophète du Dieu suprême, de la ville de Thesbône en Galaditide, vint près d’Achab et lui révéla que Dieu lui avait annoncé qu’il ne ferait pas pleuvoir durant ces années-là et n’enverrait pas de rosée sur la terre jusqu’à ce que son prophète reparût. Ayant confirmé ces paroles par serment, il se retira vers le sud et établit sa demeure près d’un torrent qui lui fournissait à boire ; quant à la nourriture, chaque jour des corbeaux la lui apportaient. Mais comme le cours d’eau vint à se tarir, faute de pluie, il se rendit dans la ville de Sarephtha non loin de Sidon et de Tyr, entre lesquelles elle est située : Dieu le lui ordonnait, ajoutant qu’il trouverait là une veuve qui lui donnerait à manger. Parvenu à peu de distance de la porte, il aperçoit une ouvrière occupée à recueillir du bois. Dieu lui ayant marqué que c’était cette femme qui allait le nourrir, il s’approcha d’elle, la salua et lui demanda de l’eau à boire ; puis, comme elle s’en allait, il la rappela et la pria de lui rapporter aussi du pain. La femme jura qu’elle n’avait rien chez elle qu’une poignée de farine et un peu d’huile et qu’elle allait, après avoir ramassé du bois, pétrir cette farine et en faire du pain pour elle et son enfant ; après quoi, ce pain épuisé, disait-elle, ils mourraient de faim, n’ayant plus aucune ressource. — « Reprends courage, dit alors le prophète, retourne chez toi et attends-toi à un sort meilleur, mais fais-moi d’abord un petit mets pour moi et apporte-le. Car je te prédis que ai ce vase de farine ai cette fiole d’huile ne s’épuiseront jamais pour toi, jusqu’à ce que Dieu ait fait pleuvoir. » Il dit, et la femme, revenue chez elle, fit ce qui lui avait été prescrit, et elle eut de quoi manger pour elle et de quoi nourrir son enfant et le prophète ; rien ne leur fit défaut jusqu’à ce que la sécheresse eût cessé. Ce manque de pluie est aussi mentionné par Ménandre dans les Annales d’Ithobal, roi des Tyriens, en ces termes : « Une sécheresse eut lieu sous lui depuis le mois Hyperbérétaios jusqu’au mois Hyperbérétaios de l’année suivante, mais, sur ses supplications, de violents coups de tonnerre se produisirent. Ce roi fonda la ville de Botrys en Phénicie et celle d’Auza en Libye. » Tels sont les détails donnés par Ménandre sur la sécheresse qui eut lieu sous Achab, car Ithobal, roi des Tyriens, fut le contemporain de ce roi.

3. Revenons à la femme dont nous avons parlé, celle qui nourrissait le prophète : son enfant étant tombé malade au point de perdre le souffle et de passer pour mort, elle gémissait, se déchirait la poitrine de ses mains, poussant des plaintes que lui inspirait sa douleur ; elle accusait le prophète d’être venu chez elle pour dénoncer ses péchés et d’avoir causé ainsi la mort de l’enfant. Mais lui l’invita à reprendre courage et à lui confier son fils, à qui il rendrait la vie. Elle lui livra donc le corps et il l’emporta dans la cellule où il habitait, l’étendit sur le lit et éleva sa voix vers Dieu, lui reprochant d’avoir mal récompensé celle qui l’avait accueilli et nourri, puisqu’il lui enlevait son fils ; il le supplia de faire rentrer l’âme dans le corps de l’enfant et de lui rendre la vie. Dieu prit en pitié la mère et consentit à épargner au prophète la honte de sembler être venu chez elle pour son malheur : contre toute attente l’enfant revécut. La femme remercia le prophète et déclara qu’elle voyait clairement à présent que la divinité conversait bien avec lui.

4. A quelque temps de là, il va trouver le roi Achab, selon la volonté de Dieu, pour lui annoncer la pluie prochaine. La famine sévissait alors dans tout le pays avec une complète pénurie des vivres nécessaires : non seulement les hommes manquaient de pain, mais le sol, privé de pluie, ne pouvait même fournir la pâture nécessaire aux chevaux et autres bêtes de somme. Aussi le roi, ayant appelé Obédias, l’intendant de ses biens, lui dit qu’il voulait s’en aller vers les sources des fleuves et les torrents, afin de récolter l’herbe qui pourrait s’y trouver pour en nourrir le bétail ; il ajouta qu’il avait envoyé par toute la terre à la recherche du prophète Élie sans le découvrir. Et il ordonna à Obédias de l’accompagner. Ayant décidé le départ, Obédias et le roi se partagèrent les pistes à suivre et s’en furent chacun de son côté. Or, dans le même temps où la reine Jézabel faisait massacrer les prophètes, Obédias en avait caché cent dans les cavernes souterraines et les nourrissait en leur procurant seulement du pain et de l’eau. Obédias s’était séparé du roi quand il rencontra le prophète Élie : il lui demanda qui il était et, renseigné, s’inclina devant le prophète. Élie lui commanda alors d’aller auprès du roi et de lui annoncer qu’il était présent. Mais Obédias lui demanda : « Quel mal t’ai-je fait pour m’envoyer vers celui qui cherche à te tuer et fouille dans cette intention toute la terre ? Ignores-tu qu’il a dépêché en tout lieu des hommes chargés, s’ils te saisissaient, de te conduire à la mort ? — J’appréhende, d’autre part, ajouta-t-il, que, Dieu t’apparaissant à nouveau, tu t’en ailles en un autre endroit, et qu’alors, le roi m’envoyant te chercher et n’ayant pu te trouver nulle part, je paie de ma mort sa déconvenue. » Il supplie donc le prophète de prendre souci de sa sécurité, lui révèle le zèle dont il a fait preuve au profit de ses confrères, comment il avait sauvé cent prophètes, tous les autres ayant été immolés par Jézabel,.et qu’il les tenait cachés et les nourrissait. Mais Élie l’invite à aller sans crainte trouver le roi et lui garantit sous serment qu’il se montrera le jour même à Achab.

5. Alors Obédias se décide à annoncer à Achab le retour d’Élie. Le roi alla à sa rencontre et lui demanda avec colère s’il était bien celui qui avait fait tant de mal au peuple hébreu et causé la stérilité. Élie, incapable de flatter le roi, répond que c’est lui, Achab, qui est responsable de tous ces malheurs, lui et sa famille, parce qu’ils ont introduit dans le pays des dieux étrangers et les adorent, au mépris de leur Dieu national, le seul véridique, et sans plus se soucier de celui-ci. Quant à présent, il l’invitait, dés sou retour, à réunir autour de lui tout le peuple sur le mont Carmel, ainsi que ses prophètes et ceux de sa femme, dont il indiqua le nombre, et les prophètes des bocages sacrés, au nombre d’environ quatre cents Quand ils furent tous accourus sur ladite montagne, mandés par Achab, le prophète Élie, se dressant au milieu d’eux, leur demanda jusqu’à quand ils vivraient ainsi flottant dans leur sentiment et leurs opinions. En effet, s’ils tenaient que le Dieu de leur pays était le vrai et l’unique, il fallait lui obéir et suivre ses commandements ; que s’ils ne faisaient aucun cas de lui et jugeaient qu’il fallait adorer des dieux étrangers, ils n’avaient qu’à s’attacher à ceux-ci. Le peuple n’avant rien répondu à ces paroles. Élie voulut éprouver la puissance des dieux étrangers et celle de son Dieu dont il était là le seul prophète, taudis que les autres étaient quatre cents : il demanda qu’on lui permit de prendre une génisse et, une fois immolée, de la placer sur le bûcher sans allumer de feu par-dessous ; les autres feraient de même et supplieraient leurs dieux de consumer les bois : ainsi ils connaîtraient la véritable nature de Dieu. Cette proposition agréée, Élie invita les prophètes à faire leur choix les premiers, à immoler la génisse et à invoquer leurs dieux Comme rien ne se produisit après ce sacrifice, en dépit de leurs prières et de leurs invocations, Élie, en raillant, les exhorta à appeler leurs dieux à grands cris, car, sans doute, ils étaient en voyage ou endormis. En vain ils continuèrent leurs invocations de l’aube jusqu’à midi, se tailladant avec leurs glaives et leurs lances, selon la coutume de leur pays. Alors, Élie, voulant à son tour effectuer son sacrifice, pria les faux prophètes de reculer, le reste du peuple de s’avancer près de lui pour bien veiller à ce qu’il ne mit pas le feu aux bois à la dérobée. La foule s’étant approchée, il prit douze pierres, selon le nombre des tribus du peuple hébreu, et en dressa un autel de sacrifice, autour duquel il creusa un fossé très profond. Puis il posa les bûches sur l’autel et les chairs au-dessus, et commanda qu’on remplit quatre cruches d’eau à la fontaine et qu’on les versât sur l’autel de façon à faire déborder le liquide et à remplir tout le fossé comme avec une source jaillissante. Cela fait, il commença de prier Dieu, le suppliant de manifester sa puissance au peuple depuis si longtemps égaré. Pendant qu’il parlait, soudain une flamme s’abattit du ciel aux yeux du peuple et dévora la victime ; l’eau même s’évapora et tout l’endroit resta à sec.

6. À ce spectacle, les Israélites se jetèrent à terre et adorèrent le Dieu un, l’appelant le plus ; rand et le seul véritable, traitant les autres de vains noms forgés par une croyance grossière et insensée. Puis ils se saisissent des prophètes de ces faux dieux et les mettent à mort sur l’exhortation d’Élie. Et celui-ci dit au roi d’aller prendre son repas, sans autre souci, car bientôt il verrait Dieu envoyer la pluie. Alors Achab se retira ; Élie monta au sommet du mont Carmel, s’assit sur le sol, appuya sa tête contre ses genoux et pria son serviteur de monter ; sur un poste de guette d’où ses regards porteraient sur la mer, et, dès qu’il verrait un nuage se former quelque part, de le prévenir, car jusque-là le ciel était resté serein. Le serviteur fit la course à plusieurs reprises et chaque fois dit ne rien voir ; à son septième voyage, il déclara apercevoir un point noir dans l’air, pas plus grand que la trace du pied d’un homme. A cette nouvelle, Élie envoie un messager à Achab pour lui conseiller de rentrer à la ville avant que n’éclate l’averse. Achab arrive dans la ville de Yesrael, et peu après, le ciel s’obscurcit et se couvre de nuages, un vent violent survient avec une pluie abondante. Et le prophète, animé de l’esprit de Dieu, courut avec le char du roi jusqu’à la ville de Yesrael.

7. Quand la femme d’Achab, Jézabel, apprit les miracles accomplis par Élie et le massacre de ses prophètes, furieuse, elle lui dépêcha ses messagers, avec menace de le faire périr comme il avait fait périr ses prophètes. Effrayé, Élie s’enfuit dans la ville appelée Bersoubée, qui est à l’extrémité du territoire occupé par la tribu de Juda, près du pays des Iduméens ; avant laissé là son serviteur, il se retira dans le désert. Après avoir, dans des prières, demandé la mort, — car il n’était pas meilleur que ses pères pour tenir si fort à la vie, eux morts, — il s’endormit au pied d’un arbre. Quelque bruit le réveille : il se lève et trouve près de lui de la nourriture et de l’eau. Il mange et, avant repris des forces grâce à ce repas, parvient au mont appelé Sinaï, où l’on dit que Moise reçut les lois de Dieu. Là il trouve une caverne profonde ; il y pénètre et y établit son séjour. Comme une voix mystérieuse lui demandait pourquoi il était venu là, désertant la ville, il répondit que c’était parce qu’il avait tué les prophètes des dieux étrangers et persuadé au peuple qu’il n’y avait qu’un sent Dieu, celui qu’ils avaient adoré dès le commencement ; c’est pour expier cet acte qu’il était recherché par l’épouse du roi. De nouveau la voix s’élève et lui dit de sortir le lendemain à la lumière : il lui serait révélé alors ce qu’il avait à faire. Le jour venu, il sort de la caverne, entend trembler la terre et voit une raie de feu brillante. Puis le silence s’établit et une voix divine l’exhorte à ne pas s’inquiéter de ce qui s’était passé, car nul de ses ennemis ne triompherait de lui, lui ordonne de rentrer dans son pays et de désigner, comme roi des Hébreux, Jéhu (Yéous), fils de Némessaeos et, comme roi des Syriens, Azaèl(os) de Damas, enfin de se choisir comme successeur à lui même Élisée (Elissaeos) de la ville d’Abéla : le peuple impie serait anéanti, partie par Azael, partie par Jéhu. Élie, ayant entendu ces paroles, retourne au pays des Hébreux et, ayant surpris Élisée, fils de Saphat(os), en train de labourer avec quelques autres qui poussaient douze attelages, il s’approcha et lança sur lui son manteau. Aussitôt Élisée se mit à prophétiser et, laissant ses bœufs, suivit Élie. Cependant il lui demanda la permission d’embrasser ses parents et, comme Élie la lui accorda, il prit congé d’eux et s’en alla ensuite avec lui, et, durant toute la vie d’Élie, il fut son disciple et son serviteur.

8. Tels furent les actes de ce prophète. Cependant, il y avait un certain Naboth (Nabouthos) dans la ville d’Izaros, qui possédait un champ dans le voisinage du roi. Celui-ci lui demanda de lui vendre, au prix qu’il voudrait. son champ qui était proche des siens, car il désirait les joindre et n’en faire qu’un seul domaine ; que s’il ne voulait pas d’argent, il lui serait loisible de choisir en échange un des champs du roi. Naboth répondit qu’il n’en ferait rien et qu’il entendait cueillir lui-même les fruits de sa terre, celle qu’il avait héritée de son père. Tourmenté comme d’une offense de n’avoir pu s’emparer du patrimoine d’autrui, le roi s’abstint du bain et du repas. Comme Jézabel,. sa femme, lui demandait le motif de son chagrin, pourquoi il refusait de se baigner, ne déjeunait ni ne dînait, il lui raconta la stupidité de Naboth, et comment, encore qu’il eût usé envers lui de paroles plus conciliantes et plus humbles qu’il ne convient à la puissance royale, il avait eu la mortification de se voir refuser l’objet de ses désirs. Jézabel l’exhorta à ne pas se montrer pusillanime en l’occurrence, à bannir sou chagrin et à reprendre soin de son corps comme à l’ordinaire ; elle se chargeait, pour sa part, du châtiment de Naboth. Aussitôt elle envoie des lettres aux notables Israélites au nom d’Achab, les priant d’ordonner un jeûne et de faire une assemblée où s’assoirait au premier rang Naboth, qui était d’une famille illustre ; trois hommes sans scrupules, subornés par eux, viendraient témoigner contre lui qu’il avait blasphémé Dieu et le roi ; alors on le lapiderait et on s’en déferait ainsi. Naboth, convaincu, suivant l’ordre de la reine, d’avoir blasphémé Dieu et Achab, mourut lapidé par la foule. Jézabel, à cette nouvelle, entre chez le roi et l’invite à prendre possession, sans bourse délier, de la vigne de Naboth. Achab se réjouit de cette bonne fortune ; il saute hors du lit et court voir la vigne de Naboth. Mais Dieu, courroucé, envoie le prophète Élie dans le champ de Naboth pour rencontrer Achab et l’interroger pourquoi, après avoir tué le légitime propriétaire du champ, il s’en était constitué injustement l’héritier. Quand il parut devant Achab, le roi lui dit qu’il pouvait prononcer sur lui comme il l’entendrait, car il avait honte d’être surpris par lui en faute. Alors Élie lui prédit que, dans le même lieu où le cadavre de Naboth a été dévoré par les chiens, son sang et celui de sa femme sera répandu, et toute sa famille périra, pour avoir osé de telles iniquités et fait périr un citoyen iniquement, contrairement aux lois de sa patrie. Achab, pénétré de douleur et de remords pour son crime, revêtit un cilice et s’en alla pieds nus, sans toucher aucune nourriture, confessant hautement ses péchés, dans l’espoir d’apaiser Dieu. Dieu dit alors au prophète que, tant qu’Achab vivrait, il ajournerait le châtiment de sa race en considération de son repentir, mais qu’il accomplirait sa menace sur le fils d’Achab. Et le prophète en informa le roi.

XIV

{{Alinéa| 1. Le roi de Syrie Adad assiège Samarie ; messages à Achab. — 2. Victoire d’Achab. — 3. Adad prépare une seconde campagne. — 4. Nouvelle victoire d’Achab ; il fait grâce à Adad. — 5. Le prophète Michée lui reproche son indulgence.}} 1. Pendant que ces événements se passaient pour Achab, à la même époque, le fils d’Adad, roi des Syriens et de Damas, ayant rassemblé des troupes de tout son pays et fait alliance avec trente-deux rois de la Trans-Euphratène, marche contre Achab. Celui-ci, ne pouvant se mesurer avec une telle armée. n’accepta pas le combat, mais enferma dans les villes les plus fortes toutes les richesses du pays ; lui-même resta à Samarie, qui était environnée de remparts très puissants, et de toute façon paraissait inexpugnable. Le Syrien, ramassant ses forces, marche sur Samarie, fait camper l’armée aux alentours, et en entreprend le siège. Puis, il envoie un héraut à Achab lui demander de recevoir ses ambassadeurs qui lui expliqueront son désir. Le roi des Israélites y avant consenti, les ambassadeurs arrivèrent et déclarèrent, selon les instructions de leur roi, que les trésors d’Achab, ses enfants et ses femmes appartenaient à Adad. Que si Achab en tombait d’accord et lui permettait d’y prendre tout ce qu’il voudrait, le roi emmènerait son armée et lèverait le siège de la ville. Achab ordonna aux ambassadeurs de retourner dire à leur maître qu’il lui appartenait lui avec tous les siens. Ce message accompli, le roi envoie à nouveau demander à Achab, puisqu’il avait reconnu que tous ses biens lui appartenaient, de recevoir les esclaves qu’il allait lui envoyer le lendemain, avec mandat de fouiller le palais royal et les maisons de ses amis et de ses parents ; il invitait Achab à leur livrer tout ce qu’ils y trouveraient de plus beau : « Ce qui ne leur plaira pas, dit-il, ils te le laisseront. » Irrité de ce second message du roi des Syriens, Achab réunit le peuple eu assemblée et déclara qu’il avait été prêt, quant à lui, pour acheter leur sécurité et la paix, à livrer à l’ennemi ses propres femmes et ses enfants et à faite abandon de tout ce qu’il possédait : c’était ce qu’exigeait la première ambassade du Syrien. » Mais, aujourd’hui, il demande à envoyer ses esclaves, à fouiller les maisons de tout le monde et à n’y rien laisser des plus belles choses ; c’est chercher un prétexte de guerre, car il sait qu’en votre faveur, je n’épargnerais rien de ce qui m’appartient, et c’est en vous molestant vous-mêmes qu’il s’applique à provoquer une guerre. Mais je ferai ce que vous déciderez vous-mêmes. » Le peuple déclara qu’il ne fallait point écouter de pareilles paroles, niais les mépriser et se tenir prêt à la guerre. Achab pria donc les messagers de dire à leur retour qu’il continuait à acquiescer aux premières exigences du roi, dans l’intérêt de la sécurité des habitants de la ville, mais qu’il repoussait sa deuxième sommation, et il les congédia.

2. Fort irrité de celte réponse. Adad envoie pour la troisième fois ses messagers à Achab et le menace de faire élever par son armée un terrassement plus haut que ces remparts dont il est si fier ; il suffirait pour cela que chacun de ses soldats prit une poignée de terre ; il marquait ainsi l’énormité de ses forcés, pensant frapper Achab de terreur. Achab répondit qu’il ne fallait pas se vanter pendant qu’on ceignait ses armes, mais après la victoire, et les messagers retournèrent signifier cette réponse à leur roi, qu’ils trouvèrent à table avec les trente-deux rois ses alliés. Celui-ci ordonna incontinent d’entourer la ville d’une circonvallation, de dresser des terrassements et de ne négliger aucune méthode de siège. Devant ces opérations, Achab se trouvait dans une terrible anxiété avec tout le peuple. Mais il fut rassuré et soulagé de ses craintes par un prophète qui vint le trouver et lui déclara que Dieu promettait de livrer entre ses mains toutes ces myriades d’ennemis. Comme il demandait à qui serait due la victoire : « Aux fils de tes capitaines, répondit-il, sous ta propre conduite, vu l’impéritie de tes adversaires. » Il réunit alors les fils des capitaines, qui se trouvèrent ait nombre de deux cent trente-deux environ et, sachant le Syrien en train de festoyer et de se délasser, il ouvre les portes et fait sortir les enfants. Cependant, les sentinelles les ayant signalés à Adad, celui-ci envoie quelques hommes à leur rencontre et leur commande, si ces hommes venaient pour se battre, de les lui amener ligotés, et s’ils avaient des intentions pacifiques, de faire de même. Mais Achab tenait prêt tout le reste de l’armée en dedans des remparts. D’abord les fils des capitaines chargent les gardes, en tuent un grand nombre et poursuivent les autres jusqu’au camp ennemi. Témoin de leur succès, le roi des Israélites fait alors sortir tout le reste de l’armée. Celle-ci, tombant à l’improviste sur les Syriens, les écrase : en effet, ils s’attendaient si peu à cette sortie, que le choc fut reçu par des hommes désarmés et en état d’ivresse, si bien qu’en s’enfuyant des campements, ils abandonnèrent leurs armures complètes et que le roi eut peine à se sauver à cheval. Achab chemina longtemps à la poursuite des Syriens, les taillant en pièces. Après avoir pillé leur camp retranché, qui n’était pas médiocrement riche, mais renfermait quantité d’or et d’argent, il s’empara des chars et des chevaux d’Adad et s’en retourna dans la ville. Cependant le prophète lui recommanda de se préparer et de tenir ses forces prêtes parce que, l’année suivante, le Syrien entre-prendrait une nouvelle campagne contre lui. Et Achab suivit cet avis.

3. Adad, échappé au désastre avec tout ce qu’il put sauver de l’armée, se concerta avec ses amis pour savoir comment s’y prendre contre les Israélites. Ses amis furent d’avis de ne pas s’attaquer à eux dans les montagnes, car leur Dieu était puissant en ces endroits, et c’est ce qui expliquait la défaite actuelle : nous triompherons, disaient-ils, si nous livrons bataille en plaine. Ils lui conseillaient, en outre, de renvoyer chez eux les rois qu’il avait emmenés comme alliés, mais de garder leurs contingents, en établissant des satrapes à leur place et, pour reformer les rangs de ceux qui avaient péri, de recruter des forces dans leur pays ainsi que des chevaux et des chars. Le roi, ayant jugé ces avis excellents, organisa son armée de la sorte.

4. Au commencement du printemps, Adad rassembla son armée et marcha contre les Hébreux ; arrivé près d’une ville qu’on appelle Aphéka, il établit son camp dans une vaste plaine. Achab vint à sa rencontre avec ses troupes et posta son camp en face de lui ; ses forces étaient bien peu nombreuses, comparées aux ennemis. Cependant, le prophète vint le trouver de nouveau et lui déclara que Dieu lui donnerait la victoire, afin de témoigner que sa puissance n’était pas bornée aux montagnes, mais s’étendait également aux plaines, contrairement à ce que croient les Syriens. Les deux armées restèrent campées en face l’une de l’autre pendant sept jours sans bouger ; mais le dernier jour, comme les ennemis s’étaient avancés dès l’aube hors de leur camp et se déployaient en bataille, Achab à son tour fit sortir ses troupes. On en vint aux mains ; et, après un combat acharné, Achab met les ennemis en fuite et les poursuit en les taillant en pièces. Beaucoup périrent aussi sous les chars ou frappés les uns par les autres, quelques-uns réussirent à se réfugier dans leur ville d’Aphéka. Mais ceux-là aussi périrent, au nombre de vingt-sept mille, les remparts s’étant écroulés sur eux. Il périt dans cette bataille cent mille hommes en outre de ceux-là. Le roi des Syriens, Adad, fuyant avec les plus dévoués de ses serviteurs, se cacha dans le souterrain d’une maison. Ses compagnons lui ayant dit que les rois des Israélites étaient généreux et cléments et qu’ils pourraient, en recourant au mode habituel de supplication, obtenir pour lui d’Achab la vie sauve, s’il leur permettait d’aller trouver celui-ci, il y consentit. Alors, revêtus de cilices et la tête entourée de cordes, c’est dans cet accoutrement qu’anciennement les Syriens suppliaient, ils se présentèrent chez Achab et exprimèrent le souhait qu’il laissât la vie à Adad, que ce bienfait rendrait pour toujours son esclave. Achab répondit qu’il se réjouissait qu’Adad eût survécu et n’eut éprouvé aucun mal dans la bataille et lui promit les égards et les bontés qu’on a pour un frère. Ayant reçu le serment qu’il ne ferait aucun mal à Adad s’il apparaissait, ils vont le tirer de la maison où il était caché et l’amènent à Achab, qui était assis sur son char. Et Adad se prosterna devant lui. Alors Achab, lui tendant la main droite, le fait monter sur son char, l’embrasse, le rassure et l’exhorte à ne rien craindre. Adad le remercie et s’engage à se souvenir de ce bien-fait toute sa vie. Il promit de restituer les villes des Israélites dont les rois ses prédécesseurs s’étaient emparés et d’ouvrir Damas de façon à permettre aux Israélites de s’y installer, ainsi que ses pères en avaient le droit à Samarie. Après échange de serments et de conventions, Achab le renvoya comblé de présents dans son royaume. Ainsi prit fin la campagne d’Adad, roi des Syriens, contre Achab et les Israélites.

5. Cependant un prophète, nommé Michéas, s’approchant d’un Israélite, le pria de le frapper à la tête : il se conformerait ainsi à-la volonté de Dieu. L’homme ayant refusé, il lui prédit que, pour avoir contrevenu aux prescriptions divines, il rencontrerait un lion qui le tuerait. Et ainsi il advint. Ensuite le prophète aborde un second homme et lui intime le même ordre. L’homme le frappe et lui fend le crane. Le prophète, la tête bandée, s’approche du roi, lui raconte qu’il avait fait la campagne et avait reçu un prisonnier en garde des mains du capitaine, mais l’homme s’étant échappé, il craignait d’être mis à mort par le chef qui le lui avait confié : celui-ci l’avait, en effet, menacé de mort en pareil cas. Alors, comme Achab affirmait qu’il méritait, en effet, de mourir, il découvre sa tête et le roi reconnaît le prophète Michéas. S’il s’était servi d’un pareil subterfuge, c’était pour arriver à lui tenir le langage suivant : « Puisque tu as, lui dit-il, laissé impuni cet Adad, qui a proféré des blasphèmes contre lui, Dieu te poursuivra et te fera périr, toi de la main d’Adad et ton peuple par son armée. » Achab, irrité contre le prophète, le fit enfermer et surveiller, mais il s’en retourna chez lui troublé par les paroles de Michéas.

XV

1. Prospérité de Josaphat. — 2. L’enseignement, les finances, l’armée. — 3. Alliance de Josaphat avec Achab contre le roi de Syrie. — 4. Ils consultent les prophètes ; prédictions contraires de Michée et de Sédécias. — 5. Combat contre les Syriens ; déguisement d’Achab ; sa mort. — 6. Réalisation des prophéties d’Élie et de Michée. Moralité.

1. Telles étaient les affaires d’Achab. J’en reviens maintenant au roi de Jérusalem, Josaphat, qui, après avoir agrandi son royaume et placé des garnisons dans les villes situées sur son propre territoire, en installa aussi dans les villes de la tribu d’Éphraïm conquises par Abia son grand-père sur Jéroboam, roi des dia tribus. Il jouit, d’ailleurs, de la bienveillance et de l’appui de la divinité, parce qu’il était juste et pieux et cherchait ce qu’il pouvait accomplir chaque jour d’agréable et de gracieux à Dieu. Les rois d’alentour l’honoraient de présents, de sorte qu’il accumula un trésor considérable et s’acquit une gloire immense.

2. La troisième année de son règne, ayant convoqué les préfets de la contrée et les prêtres, il leur ordonna d’aller parcourir le pays et d’instruire tout son peuple, ville par ville, des lois de Moise, de lui apprendre à les observer et à être zélés dans le culte de Dieu. Et tout le peuple se réjouit et mit toute son ambition, tout son amour à se conformer aux institutions légales. Les peuples voisins aussi ne cessèrent de témoigner de l’affection à Josaphat et de vivre en paix avec lui : les Philistins lui payaient les tributs convenus et les Arabes lui fournissaient annuellement trois cent soixante agneaux et autant de béliers. Il fortifia, en outre, d’autres villes grandes et imposantes et prépara une armée exercée et des armes contre les ennemis. La tribu de Juda fournit une armée de trois cent mille hommes d’armes, dont Ednaeos eut le commandement ; Johannès en commandait deux cent milles. Ce même chef avait dans la tribu de Benjamin deux cent mille archers fantassins. Un autre chef, du nom d’Ochobatos, servait le roi avec une masse de cent quatre-vingt mille hommes d’armes. Il faut ajouter les garnisons réparties dans les villes les plus fortes.

3. Josaphat fit épouser à son fils Joram(os) la fille d’Achab, roi des dix tribus, qui avait nom Athalie (Gotholia). Comme il se rendit après quelque temps à Samarie, Achab le reçut affectueusement, offrit à l’armée qui l’accompagnait une hospitalité somptueuse en les comblant de pain et de vin et de viande, puis il l’invita à faire campagne avec lui contre le roi des Syriens pour lui reprendre la ville d’Aramatha, dans la Galadène. Car le père de ce roi l’avait enlevée à son propre père, à qui elle avait appartenu d’abord. Josaphat promit son concours, ajoutant que ses forces n’étaient pas inférieures à celles d’Achab, et envoya ses troupes de Jérusalem à Samarie ; les deux rois sortirent de la ville, s’assirent chacun sur son trône et distribuèrent la solde à leurs guerriers respectifs. Josaphat pria Achab de convoquer les prophètes qui pouvaient se trouver là et de les interroger sur l’opportunité d’une expédition contre les Syriens : car il y avait en ce temps-là paix et amitié entre Achab et le Syrien, depuis trois ans, à compter du jour où, l’ayant fait prisonnier, Achab l’avait relâché.

4. Achab appela donc ses prophètes, qui étaient au nombre de quatre cents environ, et les pria de demander à Dieu s’il lui accorderait, dans sa lutte contre Adad, de vaincre, et de détruire la ville pour laquelle il allait partir en guerre. Comme les prophètes conseil-laient l’expédition, assurant qu’il triompherait du Syrien et l’aurait à sa merci ainsi que la première fois, Josaphat perçut à leur langage que c’étaient de faux prophètes et s’informa auprès d’Achab s’il n’y avait pas encore un autre prophète de Dieu « par qui, dit-il, nous soyons plus exactement instruits de l’avenir ». [403 Achab répondit qu’il y en avait bien au, mais qu’il le haïssait parce qu il n’avait prophétisé que des malheurs et qu’il lui avait prédit qu’il mourrait, vaincu par le roi des Syriens : c’est pourquoi il le gardait maintenant en prison ; il s’appelait Michéas, fils de Yemblaeos. Josaphat insiste pour qu’on le fasse venir ; Achab envoie un eunuque chercher Michéas. En chemin, l’eunuque révéla à ce dernier que tous les autres prophètes avaient prédit la victoire au roi. Mais celui-ci répondit qu’il n’avait pas le droit de faire mentir Dieu et qu’il dirait ce que Dieu même lui révélerait touchant le roi. Lorsqu’il fut arrivé auprès d’Achab et que ce dernier l’eut adjuré de dire la vérité, il déclara que Dieu lui avait montré les Israélites en fuite, poursuivis par les Syriens et dispersés dans les montagnes comme des troupeaux laissés sans bergers. Cela signifiait, ajoutait-il, que ceux-ci s’en retourneraient en paix chez eux, et que seul le roi tomberait dans la bataille. A ces paroles de Michéas, Achab s’écrie à Josaphat : « Je t’avais bien dit tout à l’heure les dispositions de cet homme à cet égard, et qu’il m’avait prophétisé les pires destins. » Et comme Michéas répétait qu’il ferait bien d’écouter toutes les paroles de Dieu, que les faux prophètes l’avaient encouragé à faire la guerre par l’espérance de la victoire et qu’il devait succomber dans la bataille, Achab tomba en proie à l’inquiétude ; mais Sédécias, un des faux prophètes, s’approcha et l’exhorta à négliger les propos de Michéas, car il ne disait rien de véridique. Il en donnait pour preuve les prophéties d’Élie, qui savait mieux que lui prévoir l’avenir. Ce dernier, en effet, disait-il, avait dit que les chiens lécheraient le sang d’Achab dans la ville d’Izara, dans le champ de Naboth, ainsi qu’il était arrivé à Naboth, lapidé par le peuple à cause de lui. « Il est donc manifeste que Michéas ment en contredisant un prophète supérieur à lui et en affirmant que le roi mourra d’ici trois jours. Mais vous allez reconnaître s’il est véridique et s’il possède la puissance de l’inspiration divine. Qu’à l’instant même, si je le frappe, il me paralyse la main, ainsi que Jadôn dessécha la droite du roi Jéroboam qui voulait le saisir : car tu as certainement, je pense, ouï parler de ce fait. » Et comme, en effet, il frappa Michéas impunément, Achab, rassuré, fut rempli d’ardeur pour mener son armée contra le Syrien : c’était, je crois, la fatalité qui l’emportait et faisait ajouter plus de foi aux faux prophètes qu’au vrai, afin de précipiter le dénouement. Cependant Sédécias, s’étant fabriqué des cornes de fer, dit à Achab que Dieu lui signifiait par là qu’il abattrait la Syrie tout entière. Mais comme Michéas disait que, dans peu de jours, Sédécias irait de cellier en cellier pour se cacher, cherchant à esquiver le châtiment de ses mensonges, le roi ordonna d’emmener l’importun pour qu’il fût mis en prison sous la garde d’Achamon, le gouverneur de la ville, et de ne rien lui donner que du pain et de l’eau.

5. Achab et Josaphat, roi de Jérusalem, emmenèrent leurs troupes et marchèrent vers Aramathé, ville de la Galaditide. Le roi des Syriens, averti de leur expédition, fit sortir son armée contre eux et établit son camp non loin d’Aramathé. Achab et Josaphat convinrent qu’Achab se dépouillerait de son costume royal, tandis que le roi de Jérusalem le revêtirait et se tiendrait dans la mêlée, croyant déjouer par ce calcul les prédictions de Michéas. Mais la fatalité le trouva, même sans ses insignes. En effet, Adad, le roi des Syriens, recommanda à l’armée, par la voix des chefs, de ne mettre à mort nul autre que le seul roi des Israélites. Les Syriens, le combat engagé, ayant aperçu Josaphat qui se tenait devant les rangs, se figurant voir Achab, s’élancèrent sur lui et l’entourèrent. Mais lorsque, venus plus près, ils reconnurent leur méprise, ils firent tous demi-tour. En lutte depuis le point du jour jusqu’à la nuit et vainqueurs, ils ne tuèrent personne, selon la recommandation du roi ; ils cherchaient uniquement à tuer Achab, mais ne purent le rencontrer. Cependant, un page du roi Adad, nommé Amanos, ayant lancé des flèches sur les ennemis, blessa le roi au poumon à travers sa cuirasse. Achab résolut de ne pas faire connaître l’accident à l’armée, de peur de la déterminer à la fuite, mais il ordonna au conducteur de faire tourner son char et de l’emmener loin du combat, car il était blessé grièvement. Au milieu de ses souffrances, il demeura sur son char jusqu’au coucher du soleil et mourut de la perte de son sang.

6. L’armée des Syriens, à la tombée de la nuit, revint au camp retranché, et le héraut ayant annoncé qu’Achab était mort, (les Hébreux) rentrèrent chez eux. On rapporta le cadavre d’Achab à Samarie, où on l’ensevelit, et, ayant lavé le char à la fontaine d’Izara, — car il était souillé du sang du roi, — on reconnut la vérité de la prophétie d’Elie : en effet, les chiens léchèrent son sang et, dans la suite, les prostituées accoutumèrent de se laver à cette fontaine. D’autre part, il était bien mort à Ramathon, comme Michéas l’avait prédit, et les dires des deux prophètes s’étaient ainsi réalisés pour Achab. Il convient donc d’estimer très haut la Divinité, de lui accorder tous les honneurs et de la révérer, de ne point ajouter plus de créance à ce qui flatte nos goûts et nos désirs qu’à la vérité et de penser qu’il n’est rien de plus utile que la prophétie et la prescience de l’avenir obtenue grâce aux prophètes, puisque Dieu nous avertit ainsi de quoi il faut nous garder. Il convient également, en s’inspirant du sort de ce roi, de réfléchir sur la puissance du destin, puisque, même en le connaissant d’avance, il est impossible de l’éviter ; il s’insinue dans l’âme des hommes en les flattant d’heureuses espérances, par quoi il les mène au point où il les terrassera. Il apparaît donc qu’Achab eut l’esprit égaré par lui, si bien qu’il n’eut pas foi en ceux qui lui prédisaient la défaite, et sa croyance en ceux qui prophétisaient en courtisans lui coûta la vie. Il eut pour successeur son fils Ochozias.

    applique sans doute à l’époque salomonienne des données qui conviennent au second temple, non sans les majorer encore. (D’autre part, il semble que les 30,000 coupes (φιέλαι) ci-après font double emploi avec les 60,000 φιάλαι xαί σπονθεϊα cités plus haut.

  1. I Rois, II, 12.
  2. Josèphe, plus loin (§ 211), donne à Salomon quatorze ans à son avènement. La tradition ne lui en donne que douze (Temoura, 14 a ; Nasir, 5 a ; Séder Olam Rabba, éd. Ratner, ch. XIV ; traduction syrienne de la LXX dite p dans de Lagarde, Bibl. Syriaca, 1).
  3. Nous lisons πανεύδαιμον (γήρας) avec les mss. O, E et Naber.
  4. I Rois, II, 13.
  5. Ibid., 22 (excepté les § 11-12).
  6. Bible : à Anatoth.
  7. I Chron., VI, 4-8 ; VI, 50-54. La liste biblique diffère de celle de Josèphe. Celui-ci écrit Joseph au lieu d’Abischous, Jotham au lieu de Zerahya ou d’Ouzzi, Arophéos au lieu d’Amaria ; il omet Zerabya (ou Ouzzi). Mais il y a des divergences plus singulières entre notre texte et celui d’Ant., V, II, 5. (§ 362) Là le nom correspondant à l’Abischoua de la Bible est Abiézer et non pas comme ici Joseph, qui paraît être une faute de copiste. De plus, la liste d’Ant., V, compte Ozi. Enfin, chose curieuse, la lignée d’Éléazar n’y est destituée du sacerdoce qu’après Ozi, tandis que, dans notre passage, la rentrée dans la vie privée (ίδεωτεύσαντες) commence déjà avec Boukki.
  8. I Rois, II, 28
  9. Comme la Vulgate et les versions syriennes, mais l’hébreu et la LXX ont ici : « Joab avait embrassé le parti d’Adonias, tandis qu’il n’avait pas favorisé Absalom. »
  10. Texte peu intelligible et probablement altéré. L’hébreu signifie que la famille de David sera ainsi innocentée du sang versé par Joab.
  11. Ibid., 36. Entre les versets 35 et 36 on trouve chez les LXX un assez long passage qui n’a son correspondant ni dans l’hébreu, ni dans la Vulgate. Josèphe suit un texte conforme à l’hébreu.
  12. I Rois, III, 1 ; II Chroniques, I, 1. Josèphe est conforme à l’hébreu de I Rois, III, 1 et commence son chapitre II par des mots qui répondent à la fin du verset 46 du ch. II. Les LXX ne connaissent pas les mots והממלכה נכונה ביר שלמה et, de plus, insèrent ici encore un long passage sans analogue dans l’hébreu ni dans la Vulgate. Josèphe témoigne en faveur d’un texte mentionnant le mariage de Salomon avec la fille de Pharaon immédiatement après l’exécution de Séméi.
  13. Héb. : Gibeôn ; LXX : Γαβαών. La leçon des mss. R O M Γιβρώνα doit être préférée à Χεβρώνα adopté par Naber.
  14. D’après I Chroniques, I, 5 ; l’autel de cuivre est attribué à Beçalel (cf. Exode, XXXVIII, 1), mais Moïse est cité au verset 3 comme l’auteur de la tente d’Assignation (Ohel moed).
  15. L’hébreu dit : « à tous ses serviteurs ». On peut donc lire ίόίους (M S P) et non Ίουδαίους (Niese et Naber).
  16. II Rois, III, 16.
  17. D’après la Bible, l’enfant de l’autre femme (la défenderesse) est né le troisième jour après celui de la plaignante.
  18. Ήμισυ τοϋ τε ζώντος xαί τοϋ τετελευτηκότος. La Bible ne parle de partager que l’enfant vivant. Cette singulière addition, de caractère aggadique, et qui semble due à une réminiscence de Exod., XXI, 35, se retrouve seulement dans la version lucienne des LXX (καὶ τὸ τεθνηκὸς ὁμοιως διέλετε καὶ δότε ἀμφοτέραις).
  19. Addition inepte de Josèphe
  20. I Rois, iv, 7. Josèphe omet les premiers versets du chapitre, qui énumèrent les officiers de la cour.
  21. Héb. : Ben-Hour ; LXX : Βεὲν ύ. Ὤρ (autres mss. Βαεωρ).
  22. Héb. : Ben-Deker ; LXX : υἱὸς Δακάρ (BL : υἱὸς Ρηχαβ). Josèphe, qui suit pour les livres des Rois un texte proche de notre texte massorétique, a-t-il écrit Διόxληρος ? La leçon de la version latine Dochir semble refléter une meilleure leçon : Δοχηρος ( ?). Quant au nom de la ville, Bethléhem est la leçon de S P Lat. adoptée par Naber. Mais la Bible dit : Bethschémesch. Il faut donc préférer, avec Niese, la leçon de Βιθιέμες ; et la corriger avec Bosius en Βηθσέμες ou, avec Schotanus, en Βαιθσέμες.
  23. Comme l’hébreu : Ben Abinadab : LXX : Άχιναδάβ. Josèphe omet le Ben Hésed de la Bible.
  24. Tafat dans la Bible.
  25. Héb. : Baana, fils d’Ahiloud.
  26. Héb. : Ben Géber.
  27. La Bible ne lui attribue que Mahanaïm.
  28. Basemath dans la Bible, mariée, non à Achinadab, mais à Achimaaç, le personnage suivant de la liste, omis par Josèphe.
  29. Bible : Baana ben Houschi.
  30. Bible : Josaphat ; il n’y a pas de raison décisive de corriger Saphatès en Josaphatès, comme fait Naber.
  31. χώραν έπὶ τούτων πᾶσαν (lat. : Basan) ἐπετέτραπτο, texte altéré.
  32. Σουβέης est la leçon des mss. S P M ; Niese préfère Σουμούις ; Naber Σεμεεί. LXX : Σεμεϊ, Σαμαα ; héb. : Schim’i.
  33. Héb. : Géber.
  34. Héb. : נציב אחד, où les LXX ont vu un nom propre : Νασεφ. Josèphe est plus conforme à l’hébreu, qui est, d’ailleurs, corrompu.
  35. Pour les §§ 39-41, Josèphe suit I Rois, IV, 20 — V, 6 ; versets qu’on ne trouve pas dans les LXX à l’endroit correspondant, mais à la fin du ch. II.
  36. Καὶ τῶν ἀλλοφύλων, expression prise des LXX, qui traduisent habituellement ainsi l’hébreu פְּלִשְׁתִּים » Philistins ».
  37. L’hébreu du livre des Rois dit : מן הכהר ארצ פלשתים (LXX : ἀπὸ ποταμοῦ γῆς ἀλλοφύλωνà texte inintelligible si l’on n’y insère avant le mot ארצ le mot ועד (jusqu’à) d’après le passage parallèle II Chron., IX, 26. Josèphe a suivi les Chroniques ou un texte des Rois plus correct.
  38. Le Kor hébreu ou phénicien vaut à peu prés 3, 6 hectolitres (Hultsch, Métrologie, p. 436).
  39. φατνών = ארות de I Rois, V, 6. Les LXX ont une autre traduction τοκάδες ἵππῶν (II Chron., IX, 23 : θήλειαι ϊπποι) « juments »
  40. I Rois, V, 9. ; cf. Sap. Sal., VII, 17-21.
  41. ἀρχείευς ἀνθρώπους ; même traduction que dans les LXX de l’hébreu בני קדם, qu’on traduit communément par les Orientaux.
  42. Hébreu : Ethau l’Ezrahite, Hêmau, Calcol et Dorda, fils de Mabol ; LXX : Ταιθάν, Αἴναν, Χαλxάδ, Δαράλα υἱοὺς Μάλ. Josèphe, ici encore, paraît plus près de l’hébreu, mais il ne résulte pas clairement de son texte que seuls les trois derniers sont fils d’Hémaon (Mahol).
  43. Comme l’hébreu ; LXX : 5,000 (πεντακισχίλιαι), mais Josèphe a transformé les morceaux en livres.
  44. Tradition extra biblique qui se retrouve dans le Midrash. Dans Tanhouma et la Pesikta sur I Rois, V, 10, on demande : quelle est cette sagesse qui surpassait celle de tous les Orientaux ? Réponse : c’est la science des sorts et de l’astrologie.
  45. Cet Éléazar était sans doute de la secte des Esséniens qui passaient pour avoir entre leurs mains certains ouvrages spéciaux, au nombre desquels ce livre de thérapeutique (ספר תִרפואו) attribué au roi Salomon et mis de côté par Ézéchias dont il est question dans une Baraïta de Pesahim. Cf. le commentaire hébraïque de Senior Sachs dans l’édition du Séfer Tagin (liber coronularum) par Bargès, Paris, 1866, p. 33.
  46. Probablement la racine Baara, dont Josèphe décrit ailleurs longuement les vertus fabuleuses (Guerre, VII, 6, 3). (T.-R.)
  47. I Rois, V, 15 (LXX : v, 1) ; cf. Contre Apion, I. 17, § 111 et note. Les deux lettres sont données avec toute sorte de détails imaginaires par Eusèbe, Præp. evang., IX, 33-34, très probablement d’après Eupolémos.
  48. Bible : Hiram.
  49. Conforme à l’hébreu. Les LXX ont sauté quelques mots du texte, et il en est résulté cette absurdité : καὶί ἀπέστειλε Χιράμ… χρίσει τὸν Σαλωμών.
  50. Κυπαρίττου : héb. ברושים) : I Rois, V, 22) ; LXX : πεύκινα, pins.
  51. Ces derniers mots sont une addition de Josèphe.
  52. Le renseignement sur les archives de Tyr est emprunté sans doute à Dios ou à Ménandre. Cf. C. Apion, I, 17-18.
  53. I Rois, V, 25 ; II Chron., II, 2.
  54. Les données diffèrent des Rois aux Chroniques. D’après I Rois, V, 25, Salomon fournit à Hiram 20,000 cors de froment et 20 cors d’huile (LXX : 20,000). D’après II Chron., II, 9, 20,000 cors de froment, 20,000 cors d’orge, 20,000 baths de vin et 20,000 baths d’huile. Josèphe a ici comme source les Chroniques. Ce qui suit est d’après I Rois, V, 26.
  55. Le bath vaut 1/10 de cor, soit environ 36 litres.
  56. L’hébreu l’appelle tantôt Adoniram, tantôt Adoram (II Sam., XX, 24 ; I Rois, III, 18 ; II Chron., X, 18. Les LXX ont partout Adoniram, Josèphe toujours Adoram comme l’hébreu.
  57. LXX : 3,600, confirme, d’ailleurs, à II Chron., II, 1, 16, 17. À noter que la version lucienne a 3,700, l’Hexateuque 5,500, chiffre donné par Josèphe lui-même au livre précédent (§ 335, v. note).
  58. I Rois, VI, 1 ; II Chron., III, 2. Toutes les données chronologiques, sauf l’an et le mois de la construction, appartiennent à Josèphe.
  59. L’hébreu dit : au mois de ziv.
  60. Ce chiffre concorde avec celui qu’on a lu supra (Ant., VII. § 68). D’après ce texte, il se serait écoulé 515 ans depuis les campagnes de Josué jusqu’à la prise de Jérusalem par David ; en ajoutant à ce chiffre, d’une part, les 40 ans de Moïse, de l’autre les 33 de David et les 4 de Salomon, on obtient bien 592. Mais l’hébreu, I Rois, VI, 1, donne un tout autre chiffre : 480 ans (LXX : 440), c’est-à-dire douze générations.
  61. En ajoutant aux 592 ans les 430 indiqués dans Ant., II, § 318, d’après Exode, XII, 40, on obtient 1022. Peut-être faut-il ajouter avec Schotanus Καὶ δύο ?
  62. D’après ce chiffre, il se serait écoulé 420 ans entre le déluge et la venue d’Abraham en Canaan. C’est un résultat tout différent de celui auquel on arrive en rapprochant Ant., I, § 148 et 154, d’après quoi cet intervalle serait de 992 + 75, soit 1067 ans, ou, si l’on préfère la leçon de certains manuscrits, de 292 + 75 = 367 ans. Il faudrait donc ici, soit 2087 (ou, avec la correction proposée note précédente, 2089), soit 1387(9) ; mais, même corrigé, ce chiffre ne concorderait pas avec ceux du livre X des Antiquités (§ 147, cf. la note sur ce passage). La vérité, c’est sans doute que Josèphe a suivi, dans ces différents passages, des systèmes différents empruntés à des sources différentes, qu’il ne s’est pas donné la peine de concilier ou qu’il n’a combinés qu’en partie. Il est décevant de chercher à corriger les chiffres de Josèphe.
  63. Ce chiffre appelle des observations analogues. Si l’on conserve les 1440 ans écoulés depuis le déluge jusqu’à la construction du temple et qu’on se reporte à Ant., I, § 82, qui donne un intervalle de 2262 ans depuis Adam jusqu’au déluge, on est tenté de lire 3702 au lieu de 3102. Mais la leçon 2262 n’est pas assez assurée pour l’autoriser. Si on lit 1656 (qui est la leçon de quelques manuscrits), on obtient, en additionnant ce chiffre avec 1440, 3096, chiffre qui se rapproche des 3102 de notre texte, mais sans qu’on puisse se permettre d’unifier ces chiffres. La correction de Bekker, qui veut lire 3050 à cause d’Ant., X, § 147-148, ne nous paraît pas plausible (cf. la note sur ce passage).
  64. I Rois, VI, 2 ; II Chron., III, 3.
  65. Texte altéré, nous traduisons au jugé.
  66. L’hébreu donne d’autres dimensions : 60 de long, 20 de large et 30 de haut ; le grec (B) : 40, 20 et 25 (A : 30).
  67. Rien de semblable dans la Bible à cette étrange superstructure. La hauteur de 120 coudées est celle du portique d’après II Chron., III, 4 ; Josèphe reproduit, d’ailleurs, ce chiffre l’instant d’après en parlant dudit portique.
  68. Ce sont, les étages (יציע) ou les cellules (צלעות) de I Rois, VI, 5, rendus par μέλαθρα chez les LXX. Le chiffre de 30 n’est pas dans la Bible ; il résulte du rapport entre la longueur de l’enceinte du temple et la largeur attribuée aux chambrettes (cinq coudées) flanquant ladite enceinte, en en exceptant toutefois la façade (60 + 60 + 20 = 140 : 5 = 28) ; en ajoutant les deux coins, on obtient le chiffre de 30.
  69. Détail inconnu à la Bible.
  70. La hauteur des « étages », d’après I Rois, V, 10, semble être de cinq coudées. Josèphe attribue vingt coudées de haut à chacun des trois étages pour obtenir les soixante coudées de la partie inférieure du temple, conformément à l’indication donnée au § 65.
  71. Tous ces détails sont propres à Josèphe.
  72. Texte très obscur et peut-être altéré, que nous traduisons par à peu près. (T. R.)
  73. Josèphe paraphrase assez malheureusement le verset 7 du texte biblique qui dit simplement que les pierres furent apportées sur le chantier toutes taillées, de manière qu’on n’eut pas, sur l’emplacement du temple, à employer le marteau et la lime. (T. R.)
  74. Josèphe n’a rien qui corresponde aux versets 11-13, omis aussi dans les versions BL des LXX.
  75. Άλύσεσι = שרשות (II Chron., III, 5), les LXX traduisent le mot par χαλαστά. La version lucienne a le même mot que Josèphe : άλύσεις.
  76. I Rois, vi, 16.
  77. Imité du grec de II Chron., III, 14. La description du livre des Rois ne parle pas d’un voile tendu entre le Debir et le Hêkhal.
  78. 10 coudées dans la Bible (VI, 23 et 96), ce qui donne une proportion plus convenable.
  79. Le texte des Rois n’indique aucune dimension. Josèphe s’est souvenu d’Ézéchiel, XLI, 2, mais ici la porte entière n’a que 10 coudées de large : Josèphe aura confondu la porte et le battant. (T. R.)
  80. Nous lisons, avec Enthoven, οὗ (au lieu de ό) μὴ χρυσὸς ἦν.
  81. Josèphe saute ici le passage, I Rois, VII, 1-12. qui interrompt les descriptions relatives au Temple, et en reporte les indications en leur lieu, c’est-à-dire au moment de parler du palais royal (§ 130 et suiv.).
  82. Πετρὸς δ’Οὐρίου, γένος Ἰσραηλίτου. Il y a là une double bévue : Οὐρίας est une altération du Τύριος des LXX traduisant צרי de l’hébreu, et Ίσραηλίτου semble bien résulter d’une lecture fautive de איש צרי. Comment ce singulier doublet a-t-il pu se produire sous la plume de Josèphe ? Comment, dans les mots ἀνὴρ Τύριος des LXX, même en lisant par erreur Οὐρίος, a-t-il pu voir un nom de personne ? Faut-il, avec Rahlfs (Septuaginta-Studien, 3, p. 92, note), voir dans Οὐρίου une faute de copiste pour Τυρίου et dans γένος Ἰσραηλίτου et une « addition tertiaire » occasionnée ultérieurement par cette variante fautive ? C’est méconnaître le rapport assez probable entre Ίσραηλιτου et איש צרי de l’hébreu et c’est, de plus, faire remonter l’erreur du copiste à l’archétype de tous les manuscrits connus actuellement de Josèphe, car ils ont, sans exception, la leçon Ούρίου. Force est donc d’imputer cette double bévue, si grossière soit-elle, à Josèphe lui-même.
  83. L’or et l’argent, d’après II Chron., II, 13. Les Rois ne parlent que de son habileté comme ouvrier en cuivre.
  84. Manque dans l’hébreu, mais se retrouve dans les LXX, I Rois, VII, 15, (τὸ πέχος τοῦ στύλου τεσσάρων δακτύλων) conformément, d’ailleurs, à Jérémie, LII, 21 (ועביו ארבע אצבעות). Quant au mot ἔσωθεν (τὸ πάχος), s’il ne résulte pas d’une erreur, il implique que les colonnes étaient creuses ; l’épaisseur est celle de l’airain entourant l’âme.
  85. Δώδεxα πήχεων. Il est absurde de corriger, comme Ernesti, suivi par Naber, en δαxτύλων, puisque la Bible (hébreu et grec) parle ici de coudées. Le chiffre de douze est conforme à l’hébreu. Les LXX, sur I Rois, VII, 15, ont 14. La suite est un abrégé de la description, d’ailleurs obscure, de I Rois, VII, 16-20.
  86. Κρίνον. Cf. ἔργον κρίνον des LXX (v. 19) = מעשה שןשו.
  87. Δίκτυον, comme LXX traduisant l’hébreu שְבָכָה. Josèphe ne parle, ainsi que les LXX, que d’un réseau. L’hébreu en mentionne sept par chapiteau au v. 17 et seulement deux au v. 41. Il est probable que le mot שבעה du v. 17 doit se lire שבכה.
  88. Héb. : Boaz ; LXX : Βολωζ, Βαλαζ (L : Βααζ). Dans II Chron., III, 17, les LXX traduisent Boaz et Yakhin par Κατόρθωσις et Ίσχύς.
  89. I Rois, VII, 23 ; II Chron., IV, 2.
  90. Comme les LXX, v. 26 : Καὶ τὸ πάχος σύτῆς πελειστῆς = טכח.
  91. Le texte biblique parle (v. 24) de Pekaïm, « coloquintes », disposées autour du rebord circulairement, au nombre de dix par coudée. Il n’y est pas question d’un support central hélicoïdal d’une coudée de diamètre.
  92. Κατὰ περιεγωγὴν ἔνδον ἀπονεῦον. Sens et texte douteux.
  93. D’après II Chron., IV, 5 ; le livre des Rois indique 2,000, chiffre déjà très supérieur à la capacité probable de la « Mer ». Selon Benzinger (Archãol., p. 184), 2,000 baths feraient 72,800 litres ; or, l’hémisphère de la Mer d’airain, d’après les indications données, n’aurait qu’une capacité variant entre 36,000 et 40,000 litres.
  94. I Rois, VII, 27 ; II Chron., IV, 6.
  95. Λουτήρων, comme le grec des Chroniques, traduisant כיורים. Βάσεις répond aux מכונות des Rois, transcrits μεχωνωθ par les LXX. Josèphe reproduit lui-même ce mot plus loin (§ 85).
  96. Mêmes dimensions que dans les LXX ; l’hébreu a 4, 4, 3.
  97. Συνεκέπλειστο. Cp. συγκλειστόν des LXX, traduisant מסגרת de l’hébreu (moulures ?).
  98. Cette description ne répond à rien dans la Bible.
  99. Je lis : ὄρος κατεσκευασμένον avec le ms. P au lieu de ὄρος κατεσκευασμένος de la Vulgate. (T. R.)
  100. Ἀστός. Doit correspondre aux כרובם. Les LXX reproduisent simplement le mot χερουβειμ.
  101. Τροχῶν comme les LXX. Τρόχοι = אופנים.
  102. Πλήμνας καὶ ἄντυγες : le sens de ce dernier terme est douteux, on ne voit pas bien en quoi il se distingue de l’ἀψίς (jante) nommée un peu plus loin. Il ne semble pas qu’il puisse s’agir des rais. (T. R.)
  103. Les LXX ont (v. 34) ὠμίαι = כתפות de l’hébreu.
  104. Σπεῖρα, terme vague répondant sans doute à l’énigmatique objet arrondi (héb. עגול  ; LXX : στρογγύλον) qui servait de support particulier au bassin (v. 35).
  105. Φοίνιxες, comme LXX = ותמרת du v. 36.
  106. Dans ce paragraphe, Josèphe reproduit les expressions des LXX (v. 38). χυτρογεύλους (= כיורים), τετταράκοντα (= בת), μεχωνώθ. L’imitation est d’autant plus manifeste qu’il emploie, d’autre part, les mots λουτήρας pour bassins et βάσεις pour les socles. On trouve, d’ailleurs, ces deux mots également dans les LXX. Le diamètre des bassins n’est pas indiqué dans la Bible.
  107. Dans le texte biblique, c’est la « mer » seule qui est placée (semble-t-il) au Sud-Est.
  108. D’après II Chron., iv, 6.
  109. Ibid., iv, 1. ; I Rois, vii, 40
  110. Ποδιστήρας καὶ ἀναληπτήρας. Les deux mots se retrouvent dans le grec de II Chron., iv, 16, traduisant סירות et יעים. Dans les Rois, ces deux mots sont traduits par λέβητας et θαρμαστρεῖς.
  111. Λέβητας καὶ ἔρπαγας. Cf. LXX (Chron.) : λέβητας καὶ κρεάγας. La leçon λαβίδας (M) préférée par Naber est fautive.
  112. Paraphrase de χαλκᾶ ἄρδην = נחשת ממרט οu χαλκᾶ παυέρου = כחשת מרוק (II Chron., iv, 16).
  113. Les Rois ne parlent que d’une seule table ; les Chroniques en mentionnent dix (IV, 8)
  114. Chiffres fantastiques : la Bible n’indique pas le nombre des vases. Quant aux candélabres, elle en mentionne dix en tout, cinq à droite et cinq à gauche. (On peut se demander si μυρίας dans le texte de Josèphe ne résulte pas d’une fausse lecture, par un copiste, d’un chiffre inférieur.) (T. R.)
  115. Josèphe a déjà parlé de cette table supra, § 89. (T. R.)
  116. I Rois, vii, 50 : toute l’énumération des vases, vêtements et instruments avec les chiffres énormes donnés par Josèphe est inconnue à la Bible. Josèphe
  117. Cf. II Chron., V, 12
  118. I Rois, VII 51 ; II Chron., V, 1. Les détails sur l’enceinte du gis, sur les sanctuaires extérieurs, les grands travaux de terrassement effectués par Salomon sont encore des anachronismes. Cf. Ant., XV, § 398 et suiv. ; Guerre, V, 1.
  119. Mot syriaque (cf. Ant., XV, § 417).
  120. τὸ τούτων ἔξωθεν ίερόν : il s’agit donc bien d’une troisième enceinte et non, comme l’a cru Arnaud, de l’enceinte des Israélites dont il vient d’être question. Cette dernière a, d’ailleurs, des portes d’or (§ 96), tandis que la troisième cour a des portes d’argent (§98).
  121. I Rois, VIII, 1 ; II Chron., V, 2.
  122. La Bible (I Rois, VIII, 2) dit : au mois des Ethanim, à la fête, à savoir au 7e mois. Les LXX ont seulement : έν μηνί Άθανείν (nom de mois cananéen). Les manuscrits de Josèphe portent άθύρει, θοιρι, etc. (theseri Lat.).
  123. Nommée simplement חׇג dans l’hébreu (LXX sur Chron. : ἐν τῇ ἐορτῇ).
  124. Ces détails sur les parfums sont étrangers à la Bible.
  125. Détails ajoutés par Josèphe.
  126. La porte du pronaos, puisque l’autel est placé hors du naos. (T. R.)
  127. I Rois, VIII, 10 ; II Chron., V, 13.
  128. I Rois, VIII, 22 ; II Chron., VI, 12.
  129. Nous lisons ούρανόμ avec Naber (mss. δχλον).
  130. Verbiage surajouté au discours biblique.
  131. Dans ce paragraphe, Josèphe condense la prière de Salomon (I Rois, VIII, 31-40 ; II Chron., VI, 22-31).
  132. II Chron., VI, 32 : I Rois, VIII, 41.
  133. Josèphe a soin de souligner la largeur d’esprit qui se remarque dans la prière du roi Salomon.
  134. II Chron., VII, 1 : I Rois, VIII, 54.
  135. I Rois, viii, 62 ; II Chron., vii, 5.
  136. Bible : 22,000.
  137. I Rois, viii, 66 ; II Chron., vii, 10.
  138. I Rois, VII, 1. Josèphe place la description du palais royal après celle du Temple. Dans la Bible, cette description vient s’insérer dans celle du Temple ; de plus, l’apparition divine a lieu, selon le livre des Rois, après la construction des deux édifices, tandis que, dans Josèphe, elle a lieu avant la construction du palais royal.
  139. C’est la maison dite du bois de Liban (I Rois, VII, 2-6).
  140. Détails peu clairs ajoutés à la description biblique d’ailleurs très obscure. Ίσομέτροις paraît correspondre à τετρέγωνοι de la Septante. Noter l’anachronisme plaisant de l’ordre corinthien.
  141. La Bible donne 50 coudées de long sur 30 de large. Dans le texte de Josèphe, έντιxρυς έχων ναόν n’est pas intelligible (des commentateurs l’ont entendu du Temple !). Ναόν est peut-être une faute de copie pour στοέν.
  142. Dans la Bible, c’est encore un autre corps de bâtiment.
  143. Josèphe ne mentionne pas le palais propre de Salomon, I Rois, VII, 8.
  144. Bible : les unes dix, les autres huit.
  145. Θεωρια ou Θεωριων γῆ. Les conjectures Θεωρίαν (Hudson). Τυρίων (Ernesti) ne satisfont pas. La vraie leçon reste à trouver. J’ai pensé à Βαιθώρων (XII, 289) γῇ ? (T. R.)
  146. Détails de fantaisie suggérés par le souvenir des ornements du temple d’Hérode.
  147. I Rois, X ; II Chron., IX, 20.
  148. I Rois, X, 18 ; II Chron., IX, 17.
  149. Εἰς μόσχου προτομήν. Emprunté aux LXX qui traduisent le ראש עגול de l’hébreu (lu ראשי עגל) par προτομαὶ μόσχων.
  150. I Rois, X, 10
  151. C’est-à-dire le Temple et les Palais.
  152. Πέτυος. LXX : Πευxίνοις (ξόλοις) = ברושים.
  153. Supra, § 54
  154. Cp. héb. : Ereç Kaboul ; LXX : Ὅριον répond à la lecture גבול.
  155. Mot inconnu en sémitique. Josèphe a peut-être interprété כבל pour חבל, dont un des sens est : dommage, douleur.
  156. Le même texte se retrouve dans le Contre Apion, I, 18, §§ 117-120
  157. Reproduit aussi dans le Contre Apion, I, 17, §§ 113-115.
  158. I Rois, IX, 15.
  159. Héb. : Haçor, Meghiddo, Ghézer ; LXX : Ἀσσούρ, Μαγεδδώ, Γαζέρ.
  160. I Rois, IX, 16 ; II Chron., VIII, 3. Les LXX ont ce passage plus haut, IV, 31 et voient dans בעיר הרג de l’hébreu un nom de ville ἐν Μεργέβ (L. : Αροαβ). Josèphe paraît encore ici plus près de l’hébreu que des LXX.
  161. Héb. : Beth-horon ; LXX (III Rois, II, 35 ; X, 23 ; II Chron., VIII, 5) : Βαιθωρών.