Anthologie féminine/Mme Joliveau de Segrais

Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 220-221).

JOLIVEAU DE SEGRAIS
(Marie-Madeleine)

(1756-1830)


Née à Bar-sur-Aube, écrivit un poème : Suzanne, et un volume de Fables daté de 1802; on cite de ce livre la fable de l’Aigle et le Ver, d’un style concis et ferme :

L’aigle disait au ver, sur un arbre attrapé :
« Pour t’élever si haut, qu’as-tu fait ? — J’ai rampé. »

Écouchard-Lebrun, dit Lebrun-Pindard, ayant écrit une épigramme : le Moyen de parvenir, où la même idée se retrouve, on ne sait lequel on doit accuser de plagiat. Il est préférable de n’accuser personne, tout le monde pouvant exploiter cette idée ; afin que le lecteur puisse être juge, voici les vers de Lebrun :

 Un chêne était, sur la cime hautaine
 Du mont Ida, roi des monts d’alentour ;
 Un aigle était sur la cime du chêne,
 Près de l’Olympe il y tenait sa cour.
 À l’improviste apparaît, un beau jour,
 Maître escargot, fier d’être au milieu d’elle.
 Des courtisans l’œil ne se croit fidèle.
 L’un d’eux lui dit : « Me serais-je trompé !
 Insecte vil, toi qui jamais n’eus d’aile,
 Comment vins-tu jusqu’ici ? — J’ai rampé. »


Avouons que les deux vers de Mme de Segrais sont d’une éloquence plus concise et plus énergique.