Anthologie féminine/Mlle de Kéralio

Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 218-220).

Mlle  DE KÉRALIO
(Dame Robert, Louise-Félicité Guénément)

(1758-1821)


Encore une laborieuse oubliée ; ses nombreux travaux littéraires n’ont guère laissé de trace qu’à la Bibliothèque nationale, où l’un d’eux surtout est souvent consulté ; c’est de cette façon que je l’ai découverte. Une petite ligne en note au bas d’une page indiquait qu’on avait trouvé le renseignement cité dans la Collection des meilleurs ouvrages composés par des dames, par Mlle de Kéralio.

Je demandai cet ouvrage, on ne m’apporta pas moins de quatorze volumes. Elle a fait en grand, en beaucoup trop grand, ce que nous faisons ici en très petit. Outre une volumineuse étude sur le langage, entraînant l’auteur dans une véritable histoire des Gaules, elle a publié les œuvres au complet de toutes les femmes-écrivains jusqu’au XVIIIe siècle, les rééditant d’après les manuscrits et les premières éditions. Évidemment, c’est d’une grande ressource ; seulement, le style de Mlle de Kéralio est diffus, verbeux. L’absence de tables de matières et d’index rend les recherches très fastidieuses.

Ensuite, elle n’a pas respecté l’orthographe des différentes époques, ce qui enlève en grande partie l’intérêt historique. Cet ouvrage a été édité par l’auteur même, par livraisons.

Il devait avoir quarante volumes, quatorze seulement ont paru. Il est curieux de connaître comment les auteurs s’y prenaient à cette époque pour s’éditer. Les conditions sont ainsi énoncées à la première page du tome Ier (1785-87) :

« Le prix de cet ouvrage sera de quatre livres dix sols le volume, en tout cent cinquante-neuf livres. Il paraîtra chaque mois deux volumes ; on paye six livres en souscrivant, et sept livres dix sols en retirant les premiers volumes. — En vente au domicile de l’auteur, 17, rue de Grammont. »

Son père était un littérateur non sans mérite ; elle avait trente-trois ans quand elle se maria avec M. Robert.

Mme Roland l’a dépeinte dans ses Mémoires comme une femme adroite, spirituelle et fière. Parmi les nombreux ouvrages qu’elle a laissés, il faut encore citer, outre celui dont nous venons de parler : Adélaïde, édité à Neufchâtel, 1776 ; Histoire d’Élisabeth, reine d’Angleterre, 5 vol. (1786-89).

Elle est morte à Bruxelles.


PRÉFACE[1]

L’intention d’élever un monument à la gloire des femmes françaises distinguées dans la littérature m’a conduite à examiner l’état des lettres où j’ai remarqué le nom des femmes savantes.

Une femme jeune et belle, née au onzième siècle, temps où les gens du monde lisaient à peine et n’écrivaient point, où le savoir, enfermé dans les cloîtres et parmi les religieux qui, fidèles aux devoirs de leur état, l’employaient uniquement aux choses saintes, Héloïse, fut un de ces prodiges que la nature produit rarement, et l’ignorance de son siècle la rend certainement supérieure à ce qu’elle eût paru dans un siècle plus éclairé.


  1. Collection des ouvrages de femmes, par Mlle de Kéralio, 1785.