Anthologie féminine/Mlle de Lespinasse

Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 137-138).

Mlle DE LESPINASSE (Julie-Jeanne)

(1732-1776)


Demoiselle de compagnie, à vingt-deux ans, de Mme du Deffand, nous nous permettons d’intervertir l’ordre chronologique pour la placer aussitôt après cette dernière ; elle était arrivée à tellement dominer chez sa maîtresse que celle-ci la congédia. Mlle de Lespinasse alla alors habiter au coin de la rue de Bellechasse et de la rue Saint-Dominique, où la suivirent les beaux esprits qu’elle avait connus chez la marquise du Deffand, au salon de laquelle elle fit en quelque sorte concurrence. Elle était jeune, elle eut le dessus. « Nulle part, a dit Marmontel, la conversation n’était plus vive, plus brillante, mieux réglée. » Elle n’a laissé que des lettres, dont un grand nombre à d’Alembert et à M. de Guibert.

Le malheur a du moins cela de bon qu’il corrige de toutes ces petites passions qui agitent les gens oisifs et corrompus. (Lettre à M. de Guibert.)

Le bonheur n’est pas dans les grandes richesses. Où donc est-il ? Chez quelques érudits bien connus et bien solitaires ; chez de bons artisans bien occupés d’un travail lucratif et peu pénible ; chez de bons fermiers qui ont de nombreuses familles, bien agissants, et qui vivent dans une aisance honnête. Tout le reste de la terre fourmille de sots, de stupides ou de fous. (Idem.)