Anthologie des humoristes français contemporains/Pensées d’un emballeur

PENSÉES D’UN EMBALLEUR

Je ne connais que trois espèces d’hommes : les hommes heureux, les hommes malheureux et les emballeurs.

Les femmes ne savent bien que ce qu’elles n’ont pas appris.

Aujourd’hui tout le monde pose.

L’homme propose, la femme dispose, l’industrie expose, le commerce pose, les sciences composent, et les grands hommes reposent.

L’absence est le cuir à repasser de l’affection.

J’aime mieux être tiré à quatre épingles qu’à quatre chevaux.

N’avez-vous pas remarqué qu’il y a quelque chose de mystérieux dans une huître ?

Je ne sais si je ne déteste pas plus un faux col qu’un faux témoignage.

Si j’avais une statue à élever à Mac-Adam, je ne le représenterais pas assis ; je le ferais de boue.

Un homme qui compte les pavés est un flâneur ; un homme qui compte les étoiles est un rêveur.

Un acteur du cirque m’a dit dernièrement : « Prêtez-moi cent francs.

— Eh bien, vous n’êtes pas gêné ! m’écriai-je.

— Si je n’étais pas gêné, je ne vous les demanderais pas. »

Je vais quelquefois à l’Odéon, je trouve que c’est une infamie : voilà mon opinion.

La philosophie a cela d’utile qu’elle sert à nous consoler de son inutilité.

La lune est le pain à cacheter de la nature.

L’argent, dans ma poche, file plus vite que la reine Berthe et qu’un quinquet.

Demandez à Napoléon Landais ce que c’est que Dieu, il vous répondra que c’est une diphtongue.

J’aimerais mieux aller hériter à la poste que d’aller à la postérité.

La vie est une flamme éternelle, et nous sommes les bûches destinées à l’alimenter. Cette pensée m’est venue en regardant mon propriétaire.

Mirabeau aimait avec force : c’est une de ses faiblesses.

Faire un retour sur soi-même, c’est se gargariser l’âme.

Voici mon opinion sur la poésie : les vers sont de petites prisons cellulaires où la pensée est coffrée.

Mieux vaut marcher dans le chemin de la vertu que dans celui de l’Odéon.

Les demoiselles ne devraient être reçues en paradis qu’autant qu’elles auraient vécu en saintes sur la terre.

Cette pensée m’est venue en contemplant le ciel et une jeune fille.