Annales de pomologie belge et étrangère/Poire Vauquelin




Poire Vauquelin.

(ou Saint-Germain Vauquelin.)

Cet arbre a pris naissance vers l’année 1820, d’un semis fait par M. Vauquelin, propriétaire à Rouen.

M. Vauquelin avait pour habitude de semer dans son jardin tous les pepins ou noyaux des fruits qu’il mangeait ; de sorte que ce jardin, qui n’avait pas 4 ares d’étendue, était devenu à la fin impénétrable, et tous ces arbres de semis, la plupart épineux, en rendaient même l’entrée dangereuse. Au moment de la récolte, le propriétaire ramassait tous ces fruits, les jetait dans un coin ou les plaçait dans des armoires qu’on ouvrait rarement et où, presque toujours, ils pourrissaient. J’ai visité souvent ce jardin et cet amas de fruits avec M. Vauquelin, mon ami et presque mon voisin.

Pendant plusieurs années, M. Vauquelin s’aperçut qu’au milieu de ces tas de poires, une d’entre elles se conservait beaucoup mieux que les autres ; il remarqua l’arbre et le nomma son Poirier de la Pentecôte. Il fallait être au nombre de ses grands amis pour en obtenir des greffes ; c’est pourquoi ce poirier a été très-peu propagé du vivant de son propriétaire.

Après sa mort, il y a quelques années, les enfants de M. Vauquelin ont fait dessiner un nouveau tracé du jardin, afin de pouvoir le louer et en tirer parti ; mais ils ont eu le soin de ne pas toucher à l’arbre en question, qui est resté à la place où il a pris naissance. C’est depuis lors que de nombreuses greffes en ont été données et qu’il se trouve maintenant très-répandu ; il ne peut l’être trop, vu l’excellence de son fruit.

L’arbre est vigoureux et fertile ; il vient bien sur franc et sur coignassier, adopte le haut-vent ou la forme pyramidale et se plaît dans tous les sols. Le pied-mère est d’une belle forme ; sa hauteur est d’environ 10 mètres. Ses branches à fruits sont longues, grêles, le support ridé à sa base, un peu renflé, brun et lisse à son sommet. Le bouton à fleur est ovale, obtus, brun.

Les rameaux du haut de l’arbre sont gros, droits, lisses, sans stries et poussent vigoureusement ; les rameaux latéraux sont grêles, flexueux, un peu pendants et ont besoin de supports quand ils sont chargés de fruits. L’épiderme, vert brun cuivré, est parsemé de petites lenticelles grises, longues de 1 millimètre, assez nombreuses et inégalement distribuées.

Le gemme est ovale, pointu, écarté, brun clair ombré de brun foncé ; il est saillant et porté sur une base large et aplatie, ce qui fait paraître certains rameaux plus coudés qu’ils ne le sont réellement.

Les feuilles, longues de 7 à 8 centimètres, larges de 4 à 5, sont lancéolées ou ovales-lancéolées ; leurs bords sont relevés en gouttière, finement et régulièrement dentés et parfois mucronés ; la nervure médiane est saillante en dessous, les latérales peu apparentes.

Le pétiole, long de 3 à 4 centimètres, est moyen, vert clair, très-large à sa base. Les stipules sont filiformes, parfois foliacées.

Les mérithalles sont assez longs et réguliers.

Le fruit, assez gros, mesure environ 10 centimètres en hauteur et 8 en diamètre ; sa forme est parfois turbinée et d’autres fois presque ovoïde, c’est-à-dire renflée vers le centre et se terminant en pointe obtuse vers les deux bouts. Le pédoncule, long de 20 à 30 millimètres, est gros, ligneux, renflé à son sommet, vert cuivré, parsemé de lenticelles grises ; il est implanté un peu de côté du fruit dans une petite cavité, et sa base se trouve dépassée par une exubérance charnue. Le calice, couronné, ouvert, est placé dans une cavité presque superficielle ; ses divisions sont caduques. L’épiderme, épais, vert foncé et d’apparence rugueuse, prend une teinte plus claire à l’époque de la maturité ; il est fortement maculé, panaché et ponctué de gris brun, ombré de même autour du pédoncule et du calice, et ordinairement coloré de brun-rougeâtre du côté exposé au soleil. La chair est blanc-jaunâtre, demi-fine, fondante ; son eau est abondante, sucrée, légèrement acidulée et d’un parfum agréable, se rapprochant de celui du Saint-Germain ; quelques petites concrétions pierreuses entourent les loges séminales, mais elles sont bien moins nombreuses et moins grosses que dans cette dernière variété. Les pepins sont longs, pointus, bruns, ordinairement avortés.

Ce bel et bon fruit commence à mûrir en novembre et décembre, et cette maturité se prolonge jusqu’en mai et juin ; il est peu sujet à se faner, comme le font malheureusement beaucoup de fruits de garde. D’après la description qui précède, on reconnaîtra facilement les traits de famille qui le lient à l’ancien Saint-Germain, qu’il surpasse sous tous les rapports.

Tougard,
Président de la Société impériale et centrale d’horticulture de la Seine-Inférieure, à Rouen,
membre correspondant de la Commission royale de Pomologie.