Annales de pomologie belge et étrangère/Poire Passe-Colmar




Poire Passe-Colmar.

Synonymies : Ananas d’hiver, Souverain d’hiver, Colmar-Souverain, Pucelle condésienne, Passe-Colmar gris, doré, etc.

(Spécimen récolté sur espalier.)

Cette poire de premier ordre est connue depuis près d’un siècle ; on la doit à M. Hardenpont, de Mons, et son premier produit date de 1758. Elle ne tarda guère à se répandre dans les provinces belgiques, où elle fut accueillie avec empressement par tous les amateurs de bons fruits.

Il existe, en effet, bien peu de jardins où elle ne figure au premier rang à l’espalier ; on en rencontre souvent de très-vieux arbres.

Le Passe-Colmar est un type auquel on compare habituellement les fruits modernes les plus vantés : dire qu’une poire nouvelle l’égale en mérite, ou à peu près, c’est en faire l’éloge.

Cette variété resta longtemps inconnue en France ; M. Noisette l’y introduisit vers 1806, à la suite d’un voyage en Belgique ; il eut assez de peine à la propager dans les premières années, parce qu’on la confondait fréquemment avec l’ancien Colmar ou poire Manne, les deux arbres offrant une certaine ressemblance de physionomie et surtout de feuillage. Cette confusion ne serait plus possible aujourd’hui ; car les doutes qui pourraient s’élever sur l’identité d’un fruit ou sur les caractères spéciaux à chacune de ses variétés, seraient bientôt dissipés, grâce aux rapports qui se sont établis entre les pomologues des divers pays, et au développement qu’a pris le commerce des fruits par suite de la fréquence et de la facilité des communications. Dans de telles conditions, les nouvelles conquêtes horticoles ne peuvent manquer de se propager rapidement partout. C’est ainsi que nous voyons maintenant apprécier et rechercher en France, nos excellents fruits du Hainaut, que Duhamel, mort en 1782, ne paraît pas avoir connus.

Le Passe-Colmar réussit également bien sur franc et sur coignassier. L’arbre, fertile et vigoureux, fournit une grande abondance de bois, et noue bien ses fruits, qu’il porte habituellement par trochets de 3 à 7 poires. Il convient de le placer de préférence en espalier, au midi ou au levant. En pyramide, il prend une belle forme ; mais pour qu’il produise de beaux fruits et que sa fertilité soit régulière, il faut le planter dans une localité suffisamment abritée. Partout ailleurs, les fruits tombent, avortent, et ceux qui restent sont petits et gercés. Un motif de plus doit détourner de cultiver le Passe-Colmar en haut-vent, même dans les meilleures situations : ses branches, assez grêles et diffuses, se soutiennent mal ; un grand nombre d’entre elles poussent horizontalement, et, pour peu qu’elles soient chargées de fruits, elles retombent les unes sur les autres avec une confusion qui déforme l’arbre, et lui donne un aspect des plus désagréables. Ce défaut lui est commun avec d’autres variétés à bois mince et flexible. Quand il est cultivé en pyramide, il faut éviter, si l’on veut avoir du fruit, de le tailler trop court. L’époque de maturité de cette excellente poire commence vers la fin de novembre, et se prolonge ordinairement jusqu’en février ; cependant, sa véritable saison est le mois de décembre.

Le Passe-Colmar est pyriforme-turbiné, légèrement côté autour du calice, rarement près du pédoncule. En espalier, il mesure habituellement 8 à 10 centimètres de hauteur sur 7 à 8 dans sa plus grande largeur. La peau, vert-clair, se colorant d’un peu de rouge du côté du soleil, jaunit beaucoup à la maturité ; il est pointillé de roux-clair et souvent maculé de brun ; récolté sur pyramide ou sur haut-vent, il se colore rarement de rouge.

Le pédoncule est gros, un peu arqué, ligneux, parfois charnu à sa base, verdâtre, ombré de brun, long de 30 à 35 millimètres, placé obliquement et superficiellement à la base du fruit.

Le calice est petit, irrégulier et placé dans une très-petite cavité ; ses divisions sont noires.

La chair est blanc-jaunâtre, très-fine, beurrée et fondante ; l’eau, très-abondante, est sucrée, vineuse, d’un parfum remarquable.

Les rameaux à bois sont longs, grêles, luisants, roux-brun, parsemés de petites lenticelles rondes, blanc-sale ou roux-clair.

Les branches à fruit, après quelques années de production, deviennent rugueuses ; leur couleur se modifie et devient gris-brun.

Les gemmes à bois, ovales, pointus, brun-clair, nuancés de marron et de gris, sont écartés du rameau par leur sommet.

Les mérithalles sont moyens et régulièrement espacés.

Les feuilles, petites, ovales, lancéolées et amincies par les deux extrémités, sont planes, luisantes, vert-clair et très-peu dentées ; leur pétiole, vert-jaunâtre, est assez cannelé.

Les bourgeons à fleurs sont moyens, pointus, brun nuancé de gris. Les fleurs sont assez larges.

A. Royer.