ANALISE ALGÉBRIQUE.
Essai sur les limites des racines des équations littérales ;
Par
M. L. C.
Bouvier, ex-officier du génie, ancien élève
de l’école polytechnique.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈
Les analistes ont donné des méthodes diverses à l’aide desquelles on détermine les limites des racines réelles des équations numériques ; mais il n’est pas à notre connaissance qu’aucun d’eux se soit occupé du même problème relativement aux équations
littérales. Nous allons montrer comment il peut être résolu pour ces dernières, du moins lorsqu’elles sont d’un degré impair, ou, lorsqu’étant d’au degré pair, elles ont leur dernier terme négatif.
§. I.
Équations de degrés impairs.
Soit l’équation du 3.me degré, sans second terme,
![{\displaystyle x^{3}+px+q=0.\qquad }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/f44d000a1b2de7429e364ae4a72461f682f7eb9e)
(1)
Posons
![{\displaystyle x^{3}+px+q=3P(x+a)^{3},\qquad }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/ad43808c0b0a009639e580e9158292a70707ea36)
(2)
et
étant deux indéterminées. Il est clair que, quelles que soient
et
toute valeur de
qui satisfera à l’équation (2), substituée dans le premier membre de (1) donnera un résultat de même signe que
de sorte que toute valeur réelle de
dans (1), est nécessairement comprise, quelle que soit
entre deux valeurs de
dans (2) répondant à des valeurs de
de signes contraires. Tout se réduit donc à profiter de l’indétermination de
pour rendre cette équation (2) facilement résoluble.
En développant, transposant et ordonnant, elle devient
![{\displaystyle x^{3}-3Px^{2}+(p-6aP)x-(3a^{2}P-q)=0.\qquad }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/05ad83cbb8878165cb2177db796ece77690dc775)
(3)
Or, si l’on pose
![{\displaystyle p-6aP=3P^{2},\quad }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/d1f8cdc88f7c75541f1b9ce8e405a48909640af6)
d’où
![{\displaystyle \quad a={\frac {3P^{2}+p}{6p}},}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/3242daadb3eb44be631ecffdd17001720134ca24)
cette équation devient
![{\displaystyle (x-P)^{3}+\left(P^{3}-3a^{2}P+q\right)=0,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/8d075c5a3f910992823a6da1c346296aeeaac1bc)
ou, en mettant pour
sa valeur,
![{\displaystyle (x-P)^{3}+{\frac {3P^{4}-6pP^{2}+12qP-p^{2}}{12P}}=0\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/def0f6c679647363526c82170e1efe6e5d52b74c)
ce qui donne, sur-le-champ,
![{\displaystyle x=P-{\sqrt[{3}]{\frac {3P^{4}-6pP^{2}+12qP-p^{2}}{12P}}}.\qquad }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/93c13d55729463ed1ef07660dd7af51517e9ab6c)
(4)
En changeant
en
cette formule devient
![{\displaystyle x=-P'+{\sqrt[{3}]{\frac {3P'^{4}-6pP'^{2}-12qP'-p^{2}}{12P'}}}.\qquad }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/244727b57127ecde8fa08afd1f8bee7c0c01d957)
(5)
Ainsi, quelques valeurs positives qu’on prenne pour
et
les valeurs de
données par les formules (4) et (5), substituées dans le premier membre de l’équation (1), donneront nécessairement des résultats de signes contraires, et comprendront conséquemment entre elles une racine au moins de cette équation.
Soit, en second lieu, l’équation du 5.me degré, sans second terme,
![{\displaystyle x^{5}+px^{3}+qx^{2}+rx+s=0.\qquad }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/c8a660f5cba9c83d2fe89299de2714ec4e2683e4)
(1)
Posons
![{\displaystyle x^{5}+px^{3}+qx^{2}+rx+s=5P\left(x^{2}+ax+b\right)^{2}+Q(x+c)^{2}\,;\qquad }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/6579bf808651775a4adaa597940952fed9891bd4)
(2)
étant indéterminées, et
et
étant supposés de mêmes signes. Il est clair que toute valeur de
tirée de (2) donnera, par sa substitution dans le premier membre de (1), un résultat de même signe que
et
de sorte que toute valeur réelle de
dans (1) sera nécessairement comprise, quelles que soient d’ailleurs
y entre deux valeurs de
dans (2) répondant à deux systèmes de valeurs de
et
de signes contraires. Tout se réduit donc à profiter de l’indétermination de
pour rendre cette équation (2) facilement résoluble.
En développant, transposant et ordonnant, elle devient
![{\displaystyle {\begin{array}{r|r|r|r|l}x^{5}-5Px^{4}-10Pa&x^{3}-10Pb&x^{2}-2Qc&x-5Pb^{2}&=0.\qquad (\mathrm {3} )\\+p&-5Pa^{2}&-10Pab&-Qc^{2}&\\&-Q&+r&+s&\\&+q&&\end{array}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/ffe3a80233c8eba958f65df6d0c83a5ae9f9ff75)
Or, si l’on pose
![{\displaystyle -10Pa+p=10P^{2},}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/392fc069362190fa74fece8b9b4f12056caedd81)
![{\displaystyle -10Pb-5Pa^{2}-Q+q=-10P^{3},}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/bc82b4387daa165abdeb8ebfedb6fb2c0eac1c26)
![{\displaystyle -2Qc-10Pab+r=5P^{4}\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/f606375220a4dcd1405d89737b2c64d807bd9838)
ce qui donnera,
![{\displaystyle a={\frac {p-10P^{2}}{10P}},}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/1b138de027991b27f1afc6111c48bd6a30429115)
![{\displaystyle b={\frac {100P^{4}+20pP^{2}-20PQ+20qP-p^{2}}{200P^{2}}},}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/b5e967ceca00cfc861ca9c934abffefc4a0c22d4)
![{\displaystyle c={\frac {199pP^{4}-200P^{3}Q+200qP^{3}-10\left(3p^{2}-20r\right)P^{2}+20pPQ-20pqP+p^{3}}{400P^{2}Q}}\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/7c246360f6dfceca696740a22358b358933bee07)
elle deviendra
![{\displaystyle (x-P)^{5}+\left(P^{5}-5b^{2}P-c^{2}Q+s\right)=0,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/48d0985aec613d88737114aab044f230fc669fe3)
dans laquelle présentement on peut regarder
comme connus et qui donne
![{\displaystyle x=P-{\sqrt[{5}]{P^{5}-5b^{2}P-c^{2}Q+s}}.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/109d0b95472890fd132e0c808ddae1e09d2f8d47)
En donnant donc tour à tour à
et
dans cette formule d’abord des valeurs positives quelconques, puis des valeurs négatives également quelconques, les valeurs qui en résulteront pour
, comprendront entre elles une racine, au moins de l’équation proposée.
On voit, par ce qui précède que, dans le 7.me degré il faudrait poser
![{\displaystyle x^{7}+px^{5}+qx^{4}+rx^{3}+sx^{2}+tx+u}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/f6ef068da0524e847d78302b7b5b25060ae08593)
![{\displaystyle =7P\left(x^{3}+ax^{2}+bx+c\right)^{2}+Q\left(x^{2}+dx+e\right)^{2}+R(x+f)^{2},}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/db9f9fa68bb5436096efd1b28ec82c3829f041d7)
et supposer que les indéterminées
sont toutes trois positives ou toutes trois négatives. On poserait des équations analogues pour les degrés supérieurs.
§. II.
Équations de degrés pairs.
En supposant constamment le dernier terme négatif, soit d’abord l’équation du second degré
![{\displaystyle x^{2}+px-q=0.\qquad }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/2fec83d6c5d782afeceb49981e19d69130651988)
(1)
Posons
![{\displaystyle x^{2}+px-q=(x+a)^{2},\qquad }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/bac604fa30b3175c79661bb8a290ba0156964439)
(2)
étant une indéterminée. Il est clair que toute valeur de
tirée de cette dernière équation et substituée dans le premier membre de (1) donnera un résultat positif ; et, comme la valeur
donne le résultat négatif
il s’ensuit qu’il y aura entre
et la valeur dont il s’agit une racine réelle de l’équation (1).
En développant, transposant et réduisant, l’équation (2) devient
![{\displaystyle (p-2a)x=a^{2}+q,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/c6147a6b2160bfddbd07e97801305bf824d4843d)
d’où
![{\displaystyle x={\frac {a^{2}+q}{p-2a}}\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/f89894427d3503681f094f6236621505c197f657)
de sorte que, quelque valeur positive ou négative qu’on donne à l’indéterminée
une des racines de l’équation (1) sera toujours comprise entre
et la valeur qui en résultera pour ![{\displaystyle x.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/d07e9f568a88785ae48006ac3c4b951020f1699a)
Soit, en second lieu, l’équation du quatrième degré
![{\displaystyle x^{4}+px^{3}+qx^{2}+rx-s=0.\qquad }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/20f112ccf883f7d9d040a5e4717e6f68030ad396)
(1)
Posons
![{\displaystyle x^{4}+px^{3}+qx^{2}+rx-s=\left(x^{2}+ax+b\right)^{2}+P(x+c)^{2},\qquad }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/633b4d0de4682715f41cfbcd111a9b95efa4a972)
(2)
étant des indéterminées. Il est clair que, quels que soient les signes de
pourvu qu’on prenne
positif, toute valeur de
tirée de l’équation (2) et substituée dans le premier membre de (1) donnera un résultat positif ; et comme, d’un autre côté, la substitution de
dans ce même premier membre donne le résultat négatif
il s’ensuit que l’équation (1) aura au moins une racine réelle entre
et cette valeur de ![{\displaystyle x.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/d07e9f568a88785ae48006ac3c4b951020f1699a)
En développant, transposant, réduisant et ordonnant, l’équation (2) devient
![{\displaystyle {\begin{array}{r|r|r|r|l}2a&x^{3}+2b&x^{2}+2Pc&x+b^{2}&=0.\qquad (\mathrm {3} )\\-p&+a^{2}&+2ab&+Pc^{2}&\\&+P&-r&+s&\\&+q&&\end{array}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/fe085b94c23680c5b28474b92289cac6567c3cbe)
En posant
![{\displaystyle 2a-p=0,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/dfe64246affcf0d2a13942786f1f74b16be459ef)
![{\displaystyle 2b+a^{2}+P-q=0,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/7faaec4faec2ab788f89f546a2e14cbe212b86e2)
![{\displaystyle 2Pc+2ab-r=0\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/84a449aa86c8b08d6c1636101a9684c901b2c610)
ce qui donne
![{\displaystyle a={\frac {p}{2}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/bcca151842cd76f4b4ab77e41d7d48bc333dcde4)
![{\displaystyle b=-{\frac {4P+\left(p^{2}-4q\right)}{8}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/3b20df87da2f1020bab67d625a8529d85d474a2d)
![{\displaystyle c={\frac {4pP+\left(p^{3}-4pq+8r\right)}{16P}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/ffb55480acea527b6b159fb44f20399800566a05)
l’équation (3) deviendra simplement
![{\displaystyle (2Pc+2ab-r)x+\left(b^{2}+Pc^{2}+s\right)=0,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/e5c403db95b2fb0ccbcea22908e2b64ace941854)
dans laquelle présentement on peut regarder
comme connus, et qui donne
![{\displaystyle x=-{\frac {2Pc+2ab-r}{b^{2}+Pc^{2}+s}}.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/30ccaa88b7c651ab2ec5531f41edea2c8bb2a2dc)
En prenant donc pour
un nombre positif quelconque, il y aura entre
et la valeur qui en résultera pour
une racine au moins de l’équation (1).
On voit, par ce qui précède, que, pour le sixième degré, il faudrait poser
![{\displaystyle x^{6}+px^{5}+qx^{4}+rx^{3}+sx^{2}+tx-u}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/faa2d89a223b4ace27650f626e2291421160620a)
![{\displaystyle =\left(x^{3}+ax^{2}+bx+c\right)^{2}+P\left(x^{2}+dx+c\right)^{2}+q(x+f)^{2},}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/ed68e6b3817363896855b1bf87adbcb5ccd11f3f)
et supposer positives les deux indéterminées
et
On poserait des équations analogues pour les degrés supérieurs.