Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 15/Géométrie des courbes et surfaces, article 1

ANNALES
DE MATHÉMATIQUES
PURES ET APPLIQUÉES.

GÉOMÉTRIE TRANSCENDANTE.

Considérations nouvelles sur la nature des courbes
logarithmiques et exponentielles ;

Par M. Vincent, professeur de mathématiques
au collége royal de Reims, ancien élève de l’école normale.
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1. Tous les géomètres tombent d’accord que, construire géométriquement une équation à deux variables, c’est trouver tous les points d’un plan dont les coordonnées, mises à la place de ces variables, satisfont à l’équation proposée. Notre but principal, dans l’essai que l’on va lire, est de faire voir qu’après avoir ainsi posé le principe abstrait, on l’a souvent perdu de vue dans ses applications, et qu’en particulier les courbes dont les équations renferment des fonctions logarithmiques et exponentielles, outre les branches qu’on leur connaît, en ont encore d’autres, d’une nature fort singulière, qui semblent avoir été absolument méconnues jusqu’ici. Nous aurons soin de tirer, chemin faisant, des résultats auxquels nous serons parvenus, toutes les diverses conséquences qui pourront intéresser la philosophie de la science, et notamment celles qui en résultent relativement à la nature des logarithmes des nombres négatifs.

2. Mais, avant d’entrer en matière, rappelons brièvement et complétons des notions connues, sur lesquelles ensuite nous aurons principalement besoin de nous appuyer.

Soit représentée par la valeur arithmétique absolue de et sont deux nombres entiers premiers entre eux, et un nombre quelconque, positif ou négatif. Il est connu que a valeurs différentes que l’on obtient en multipliant par ou par suivant que est positif ou négatif.

3. Supposons, en premier lieu pouvant d’ailleurs être positif ou négatif. Si d’abord on le suppose positif, on obtiendra les valeurs de en multipliant par dont on aura toutes les valeurs possibles en mettant successivement pour les valeurs dans la formule

ce qui donnera, en ne prenant que les restes de division de par



Si est impair n’aura que la seule valeur réelle ce qui donnera pour la seule valeur réelle mais, si est un nombre pair, on aura en outre la valeur intermédiaire

de sorte que aura une seconde valeur réelle

4. Si présentement est négatif, les valeurs de s’obtiendront, comme nous l’avons dit, en multipliant successivement par les valeurs de qu’on obtiendra, à leur tour, en mettant successivement pour les valeurs dans la formule

si est un nombre pair, sera nécessairement impair, et on aura, comme ci-dessus, la seule valeur réelle ce qui donnera aussi pour la seule valeur réelle

Mais, si est impair, en ne tenant compte que des restes de division de par on aura cette série de valeurs



Si alors est un nombre pair, toutes ces valeurs, et par suite toutes celles de seront imaginaires ; mais si, au contraire, est impair, on rencontrera une valeur intermédiaire

et aura alors une valeur réelle

5. Si l’on supposait négatif, reviendrait à dans lequel serait supposé positif, et en désignant par sa valeur arithmétique absolue, on en conclurait toutes ses valeurs en la multipliant par ou suivant le signe de or,

d’où l’on voit que nous retomberions de nouveau sur toutes les conséquences que nous a donnée la supposition de

En faisant ou suivant que est pair ou imppair, et faisant aussi, dans les mêmes circonstances, ou nous pourrons résumer tout ce qui précède ainsi qu’il suit : quel que soit le signe de donne pour


6. Ces principes posés, entrons en matière. Convenons de représenter constamment par l’origine des coordonnées, que nous supposerons rectangulaires, en plaçant les lettres et sur les axes des et des dans le sens positif, et les lettres sur les mêmes axes, dans le sens négatif ; de manière que l’angle soit celui des coordonnées positives.

Proposons-nous d’abord de construire la logarithmique donnée par l’équation

dans laquelle nous supposons un nombre positif. Pour suivre plus aisément le cours de la courbe, partageons l’unité linéaire à laquelle les abscisses sont rapportées en parties égales, étant supposé un très-grand nombre entier, et faisons croître depuis par degrés égaux à de telle sorte que ses valeurs consécutives soient les termes de cette progression

étant aussi un nombre entier. On voit que les termes de rangs impairs sont tous de la forme et donne par conséquent (5) pour deux valeurs réelles, ne différant l’une de l’autre que par le signe, tandis que ceux de rangs pairs, alternativement de la forme et de la forme donnent constamment pour une seule valeur positive. Si nous remarquons d’ailleurs que rien ne limite la grandeur de ni conséquemment la petitesse de la différence des valeurs consécutives de laquelle mesure en même temps la distance entre les ordonnées, nous en conclurons que la courbe a, du côté des positives, une branche continue, dans le sens vulgaire de ce mot, et du côté des négatives une seconde branche, symétrique à la première, par rapport à l’axe des mais cette seconde branche n’est pas continue comme la première ; elle n’est composée que de points indéfiniment rapprochés, à la vérité, et tels que, quelque petite que soit la distance finie entre deux d’entre eux, on en pourra toujours trouver tant d’intermédiaires qu’on voudra ; mais tels aussi qu’entre ces deux mêmes points on pourra concevoir tant d’ordonnées négatives qu’on voudra qui n’en rencontreront aucun ; et telle sera, en particulier, la partie négative de l’axe des puisqu’en posant on a simplement Ces sortes de branches de courbes étant nouvelles, et essentiellement différentes des branches considérées jusqu’ici, nous sommes forcés de les désigner par une dénomination inusitée, et en conséquence nous dirons que ce sont des branches pointillées, et nous les représenterons par une suite de points très-rapprochés les uns des autres, comme on le voit (fig. 1). On sent fort bien d’ailleurs qu’une telle représentation est très-imparfaite, attendu que la discontinuité de ces branches ne saurait être perceptible à l’œil. Si donc on voulait représenter la courbe telle qu’elle paraît aux yeux, il faudrait simplement supposer qu’elle a pour équation

La figure suppose qu’on a mais, si l’on avait on pourrait mettre l’équation sous la forme

où on aurait il ne s’agirait donc simplement que de changer le sens des sans en changer la direction.

7. Si nous exécutons la même construction pour le cas où, dans l’équation

la constante est négative, comme alors les valeurs consécutives de seront alternativement des quatre formes

il s’ensuit (5) que les ordonnées consécutives seront aussi, alternativement, imaginaires, réelles négatives, imaginaires et réelles positives. La courbe n’aura donc point alors de branche continue, mais deux branches symétriques par rapport à l’axe des composées l’une et l’autre de points isolés, mais tellement disposés qu’à un point de chacune des branches correspondra toujours une ordonnée imaginaire de l’autre. En particulier, il y aura un point sur l’axe des du côté positif de l’origine, tandis qu’il n’y en aura pas de son côté négatif. Les points de chaque branche seront donc deux fois plus éloignés les uns des autres, dans le sens des que ceux de la branche pointillée du cas précédent. Voilà donc une seconde sorte de branches discontinues qu’il faut distinguer de la première sorte. Nous appellerons les branches discontinues de cette seconde sorte des branches ponctuées ; et nous en figurerons le cours par des points plus apparens et plus distans entre eux, comme on le voit (fig. 2). On sent fort bien d’ailleurs qu’en rigueur tout se passe encore ici pour les yeux comme si l’on avait construit l’équation

8. Il importe de bien distinguer les points dont se composent les branches pointillées ou ponctuées des courbes de ce qu’on nomme en géométrie points conjugués. Il n’existe en effet pour ces derniers ni tangentes, ni normales, ni cercles osculateurs, ni développées ; tandis que les branches pointillées et ponctuées jouissent, à cet égard, dans tous les points réels de leur cours, des propriétés dont les branches continues jouissent dans toute leur étendue, et se trouvent ainsi soumises à toutes les conséquences de la loi de continuité. Il est facile de s’en convaincre, pour les branches pointillées, en considérant que, par des différentiations successives, on tire de l’équation

d’où l’on voit que les valeurs réelles négatives de donnent aussi lieu à des valeurs réelles négatives de égales, au signe près, pour chaque valeur de à celles des mêmes fonctions correspondant aux valeurs positives de Nous aurons au surplus l’occasion de revenir plus amplement sur ce sujet dans le cours du présent mémoire.

Nous observerons encore qu’en général, ni sur les branches pointillées, ni sur les branches ponctuées, les points ne se trouvent également espacés ; ce qui résulte évidemment de ce que leurs ordonnées sont équidistantes. L’élément d’une telle branche est donc d’autant moins dense, s’il est permis de s’exprimer ainsi, qu’il fait un angle plus aigu avec l’axe des

9. Les principes que nous venons d’exposer sont applicables, avec les modifications convenables, à toutes les courbes dont les équations contiennent des termes à exposans variables. Soit, par exemple, la chaînette. On sait que les tensions des divers élémens de la courbe sont représentées par les perpendiculaires abaissées de chacun de ces élémens sur une certaine droite horizontale située dans son plan, ou plutôt par les poids des portions d’une ligne de même pesanteur spécifique que le fil pesant suspendu, respectivement égales à ces perpendiculaires. On sait de plus qu’en prenant cette droite horizontale pour axe des et l’axe même de la chaînette pour axe des les positives étant comptées de bas en haut, et en prenant pour unité la distance du point le plus bas de la courbe à l’origine, son équation est

ce qui fait voir que chacune de ses ordonnées est la somme des ordonnées de deux logarithmiques qui auraient respectivement pour équations

Or, chacune de ces logarithmiques a deux branches, l’une continue et l’autre pointillée. Faisant donc, tour à tour, entre chaque branche de l’une et les deux branches de l’autre les quatre seules combinaisons possibles, il en résultera quatre branches également représentées par l’équation de la chaînette, dont une seule continue et les trois autres pointillées (fig. 3). L’une de celles-ci est symétrique de la branche continue, par rapport à l’axe des les deux autres, asymptotes des deux premières, se croisent perpendiculairement à l’origine où leurs tangentes divisent en deux parties égales les quatre angles des coordonnées. Chacune des branches pointillées pourrait d’ailleurs, à son tour, devenir continue, si l’on changeait le signe de l’un ou de l’autre des deux termes et ou les signes de l’un et de l’autre à la fois ; de sorte que tout doit réellement se passer pour les yeux comme si l’on avait construit la quadruple équation

L’équation plus générale

donne des résultats analogues. Mais chacune de ces deux-ci

(fig. 4)
(fig. 5)

ne donne que deux branches ponctuées, sans aucune branche pointillée ni continue.

10. La théorie ordinaire des points singuliers, telle que M. Poisson l’a exposée dans le XIV.e cahier du Journal de l’école polytechnique, n’est point, en général, applicable aux courbes transcendantes, excepté dans ce qui a rapport aux limites de la courbe, pour lesquelles on a ou et aux points d’inflexion qui font changer le signe du rayon de courbure et donnent par conséquent ou En effet, cette théorie suppose, pour ce qui est relatif aux points multiples, aux points de rebroussement, etc., que l’équation est débarrassée de radicaux ; ce qui fait prendre au coefficient différentiel du premier ordre, en ces sortes de points, la forme indéterminée or, les fonctions transcendantes qui, par la différentiation passent dans les coefficiens différentiels, sont en général susceptibles de plusieurs valeurs, et doivent par conséquent être assimilées aux radicaux. Il peut donc exister des points multiples pour lesquels le coefficient différentiel ne prenne pas la forme

Pour en donner un exemple bien simple, considérons deux logarithmiques ayant respectivement pour équations

et multiplions ces deux équations membre à membre, il en résultera l’équation unique

représentant à la fois les deux courbes (fig. 6). Or, la branche pointillée de la première et la branche continue de la seconde passant toutes deux par l’origine, il en résulte un espèce de point multiple qui pourtant n’est point manifesté par le coefficient différentiel ; car, en différenciant et divisant par on a simplement fonction qui ne saurait prendre la forme On pourrait objecter, à la vérité, que la branche pointillée qui passe à l’origine n’y est pas réellement coupée, puisque ce point se trouve sur un espace vide ; mais on détruirait facilement cette objection en donnant une autre disposition aux deux courbes. En prenant, par exemple, celles dont les équations sont respectivement

on verrait que les conséquences sont exactement les mêmes ; et, comme est quelconque, il existe une infinité de manières de le déterminer qui feront tomber l’intersection sur un point réel.

N’ayant pas le dessein de présenter ici une théorie complète des courbes exponentielles ; mais seulement de donner une idée de la manière dont elles doivent être discutées d’après la considération du nombre de leurs branches, de la nature de chacune d’elles, du sens de sa courbure et des valeurs que peuvent prendre les coefficiens différentiels des deux premiers ordres ; nous nous bornerons à quelques exemples des plus simples.

11. Occupons-nous, en premier lieu, de la courbe donnée par l’équation

dans laquelle nous supposerons d’abord positif et Pour une valeur positive très-petite de la valeur de est très-grande et devient même infinie lorsque À mesure que augmente, diminue ; elle devient égale à lorsque et finit par devenir égale à lorsque La courbe a donc un cours continu dans l’angle (fig. 7) ; et elle a pour asymptotes d’une part l’axe des et d’une autre une parallèle menée à l’axe des à une distance de l’origine. Mais, indépendamment des valeurs positives de on conçoit (6) qu’en donnant à des valeurs convenables, on trouvera pour des valeurs négatives ne différant que par le signe des valeurs positives correspondantes, d’où résultera une branche pointillée symétrique à la branche continue, par rapport à l’axe des

Quant aux valeurs négatives de les plus petites donneront d’abord de très-petites valeurs positives de et donnera À mesure que croîtra négativement, croîtra positivement et deviendra lorsqu’on aura Mais ne pourra croître indéfiniment, et tendra sans cesse vers la limite qu’elle atteindra enfin lorsqu’on aura Voilà donc une autre branche continue de la courbe, partant de l’origine et s’étendant indéfiniment dans l’angle de manière à avoir pour asymptote commune avec l’autre la parallèle à l’axe des dont il a déjà été question ci-dessus. Il est clair d’ailleurs (6) qu’en choisissant convenablement les valeurs négatives de nous trouverons dans l’angle une branche pointillée symétrique à celle-là, par rapport à l’axe des

La valeur donne, comme on a pu le remarquer, deux valeurs de l’une nulle et l’autre infinie. Cela tient à ce que zéro est la limite commune des quantités positives et des quantités négatives, d’où résulte Les deux branches continues peuvent, à la rigueur, être considérées comme se faisant suite l’une à l’autre, puisqu’elles proviennent d’une série continue de valeurs de comprises entre l’infini positif et l’infini négatif, ou comme formant une seule branche qui se serait déchirée à l’origine des coordonnées. Il en est de même des deux branches pointillées. Cette espèce de points singuliers, qu’on ne rencontre pas dans les courbes algébriques, mériterait peut-être un nom particulier.

En différentiant deux fois l’équation proposée, on trouve

la caractéristique désignant des logarithmes Népériens. Le coefficient différentiel devient nul quand ainsi que cela doit être, puisque les quatre branches ont deux asymptotes communes, parallèles à l’axe des Lorsque il en résulte, comme on l’a vu, deux valeurs de l’une égale à et l’autre nulle. La première donne ainsi que cela doit être, puisque l’axe des est asymptote commune de deux branches ; quant à la seconde, elle donne Pour déterminer la véritable valeur de cette dx expression, observons que, d’après l’équation primitive de la courbe, d’où fonction qui, comme on le sait, devient nulle lorsque Ainsi les deux branches qui concourent à l’origine ont en ce point l’axe des pour tangente commune. Il y a donc là une sorte de point de rebroussement, formé de deux branches de nature différente.

Examinons présentement la fonction en y supposant simplement positive, ce qui suffit, puisque tout est symétrique par rapport à l’axe des On voit que le signe de cette fonction ne dépendra que de celui du facteur Or, il sera positif pour toutes les valeurs positives de d’où il suit que la branche située à droite de l’axe des a constamment sa convexité tournée vers l’axe des Il en sera de même pour l’autre branche tant qu’on aura négatif mais à la limite la fonction s’évanouit, et elle change de signe au-delà. Il y a donc une inflexion en ce point, pour lequel on a et

Si l’on suppose mais en mettant l’équation sous la forme

sera et il n’y aura plus d’autre différence avec le cas précédent que dans le changement de sens des Quant au cas où l’on supposerait négatif, il conduirait à quatre branches de courbes ponctuées, mais dont le cours serait d’ailleurs le même que celui des branches continues et pointillées que nous venons de discuter.

12. Considérons actuellement la courbe dont l’équation est

En faisant on a et il en est de même lorsqu’on fait, mais si, par exemple, on fait, on a et comme d’ailleurs, passé y croît indéfiniment avec et devient infinie avec cette abscisse, il s’ensuit qu’une branche continue de la courbe partant de l’axe des à une distance de l’origine, après être descendue vers l’axe des (fig. 8) se relève ensuite, pour s’en écarter indéfiniment. Il est clair d’ailleurs que des valeurs de choisies d’une manière convenable donneront naissance à une branche pointillée, symétrique avec la branche continue, par rapport à l’axe des

Si l’on suppose ensuite négatif, certaines valeurs ne donneront pour que des valeurs imaginaires, tandis que d’autres donneront, pour cette ordonnée, des valeurs réelles alternativement positives et négatives, lesquelles croîtront de à et iront ensuite en décroissant indéfiniment. La branche continue et la branche pointillée se prolongent donc l’une et l’autre en deux branches ponctuées, symétriques comme elles, par rapport à l’axe des et ayant cet axe pour asymptote commune.

Cet exemple et le précédent sembleraient annoncer qu’il est permis d’étendre aux courbes transcendantes un principe qu’on avait cru jusqu’ici n’être applicable qu’aux seules courbes algébriques, savoir, qu’une branche de courbe ne saurait s’arrêter brusquement, mais doit nécessairement se réunir à une autre branche de courbe. Nous en rencontrerons d’autres exemples encore.

À cause de la symétrie que présente la courbe que nous discutons, par rapport à l’axe des nous ne considérerons simplement, dans ce qui va suivre, que ce qui se passe dans la région des positives.

Si l’on prend les différentielles première et seconde des deux membres de l’équation proposée, on trouve

Les deux coefficiens différentiels paraissant devenir imaginaires pour toutes les valeurs négatives de ne sembleraient pas propres à discuter le cours des branches ponctuées ; mais on peut remarquer que la branche ponctuée située du côté des positives deviendrait continue, sans changer de forme, si l’on prenait pour son équation d’où

fonctions de même forme que les précédentes et qui sont réelles précisément lorsque les premières sont imaginaires. Il en résulte, que les premières formules peuvent être employées à la discussion des branches ponctuées, pourvu que l’on convienne de prendre les logarithmes des valeurs négatives de comme si ces valeurs étaient positives. Cette observation est d’ailleurs parfaitement d’accord avec ce que nous avons déjà dit (6) qu’au lieu de l’équation on pouvait, dans la discussion, employer l’équation quel que fût ce qui revient évidemment à considérer comme étant à la fois le logarithme de et celui de pour la base C’est, au surplus, un point sur lequel nous reviendrons plus loin.

Cela posé, la valeur de devient nulle, 1.o quand ainsi que cela doit être, puisqu’alors et que la branche ponctuée a pour asymptote. Elle devient encore nulle, 2.o lorsqu’on a d’où et ce qui indique un minimum pour la branche continue et un maximum pour la branche ponctuée qui en est le prolongement. La même fonction devient infinie lorsqu’on a d’où ce qui indique que l’une et l’autre branches à leur origine commune sur l’axe des ont cet axe pour tangente. Si l’on a d’où la fonction c’est-à-dire qu’en ces points la tangente à la courbe fait un angle demi-droit avec les axes des coordonnées. Enfin devenant infinie lorsqu’on a, à la fois, et il s’ensuit qu’à mesure que et augmentent positivement, la branche continue tend sans cesse à devenir perpendiculaire à l’axe des

Quant à la fonction elle est positive pour toutes les valeurs négatives de numériquement plus grande que l’unité ; ce qui indique que la branche ponctuée tourne sa convexité vers l’axe des depuis jusqu’à elle devient nulle au point pour lequel on a et ce qui indique une inflexion en ce point. Elle est en effet négative depuis jusqu’à ce qui montre que, dans cet intervalle, c’est la concavité de la courbe qui est tournée vers l’axe des Elle devient infinie pour ce qui annonce un nouveau point d’inflexion sur l’axe des à l’endroit où la branche ponctuée devient continue[1]. Enfin, elle devient de nouveau et demeure positive pour toutes les valeurs positives de ce qui fait voir que la branche continue est partout convexe vers l’axe des

13. Examinons encore la courbe dont l’équation est

On prouvera encore ici, comme dans le cas précèdent, que la courbe doit avoir quatre branches, savoir ; une branche continue (fig. 9) dans l’angle des coordonnées positives, partant de l’origine, se prolongeant à l’infini et ayant une asymptote parallèle à l’axe des distante de cet axe d’une quantité égale à l’unité ; ensuite une branche pointillée symétrique à celle-là, par rapport à l’axe des enfin deux branches ponctuées, symétriques l’une à l’autre par rapport à l’axe des situées dans la région des négatifs, ayant d’une part l’axe des pour asymptote commune, et ayant aussi d’une autre part pour asymptotes les prolongemens des asymptotes des deux premières branches. À raison donc de la symétrie, il nous suffira de considérer ce qui se passe dans la région des positives.

D’abord, en faisant on a c’est-à-dire que la branche continue commence à l’origine des coordonnées. Cette branche passe ensuite par les deux points et et, lorsqu’on fait on a c’est-à-dire car ou a pour limite d’où il suit que doit avoir pour limite l’unité. Cela indique l’asymptote parallèle à l’axe des que nous avons annoncée ci-dessus.

Si nous faisons nous aurons La branche ponctuée a donc pour asymptote l’axe des elle passe ensuite par les points et et donne, comme la branche continue, quand ce qui annonce que l’asymptote de la branche continue lui est commune avec elle.

En prenant les différentielles successives des logarithmes des deux membres de l’équation, on obtient

fonctions qui doivent être employées pour toutes les valeurs positives et négatives de de la manière qui a été expliquée ci-dessus (12).

Cela posé, la fonction prend la forme pour et la forme pour Ce dernier résultat, évidemment infini, indique que l’axe des est asymptote de la branche ponctuée, à laquelle il correspond, comme on le savait déjà. Quant au premier, pour avoir sa véritable valeur, remarquons qu’en général la fonction peut être mise sous la forme et que qui, à la limite, se réduit à d’où résulte, à cette même limite, Or, quand on a et donc ainsi la branche continue touche l’axe des à l’origine. Ce point offre donc analogue à celui que nous avons rencontré (fig. 7) et présente en outre, comme nous l’avons déjà remarqué (fig. 8), la circonstance d’un changement de nature de la courbe.

Pour on trouve c’est-à-dire qu’en cet endroit la tangente fait des angles demi-droits avec les deux axes, et passe en outre par l’origine, puisque Si l’on fait on a ce qui indique un maximum, comme on le vérifiera par la discussion de la fonction Enfin, si l’on fait d’où on a comme cela doit être, à cause de l’asymptote.

Considérons présentement les valeurs de qui répondent aux diverses valeurs positives de en nous bornant toujours à la branche continue ou à positive. Ces valeurs dépendent essentiellement de celles du facteur or, si l’on donne à cette série de valeurs

Limite

Il en résultera

Limite
Limite

Les deux séries de valeurs devant être ajoutées terme à terme, il est facile d’en conclure que le facteur dont il est question sera positif depuis jusqu’à et que, par conséquent, la courbe sera convexe vers l’axe des entre ces deux limites. Le même facteur devenant négatif entre et la courbe éprouvera une inflexion et deviendra concave vers l’axe des On pourrait même, en resserrant davantage les valeurs de déterminer la position de ce point d’inflexion d’une manière indéfiniment approchée, et prouver qu’il est unique entre ces mêmes limites.

Donnons encore à les valeurs suivantes

limite

Il en résultera

limite
limite

D’où on pourra conclure que la branche continue tourne encore sa concavité vers l’axe des depuis jusqu’à mais qu’elle éprouve, entre et une seconde inflexion, dont il serait facile d’assigner le lieu d’une manière plus précise ; après quoi elle redevient convexe vers l’axe des pour tout le reste de son cours.

Occupons-»nous présentement de la branche ponctuée, à laquelle répondent les valeurs négatives de D’abord, en posant d’où on a comme cela doit être, puisque l’axe des est asymptote de cette branche. Si l’on fait d’où qu’on pourra changer en à raison de la symétrie, on aura ce qui montre qu’en cet endroit la tangente fait un angle demi-droit avec les axes. À répond ce qui dénote un minimum. Enfin, en faisant on a ainsi que cela doit être, à cause de l’asymptote parallèle à l’axe des

Quant aux valeurs de la fonction qui répondent à la branche ponctuée, en donnant à au signe près, les mêmes séries de valeurs que ci-dessus, le terme conservera sa valeur et son signe, mais le terme changera de signe sans changer de valeur absolue. Il faudra donc retrancher terme à terme les séries obtenues, au lieu de les ajouter ; et l’on reconnaîtra ainsi facilement que la branche ponctuée, convexe vers l’axe des depuis jusqu’à demeure encore telle jusqu’à mais qu’entre et elle a un point d’inflexion au-delà duquel elle demeure dans tout son cours concave vers l’axe des

14. Nous avons remarqué dans ce qui précède (12, 13) que, pour déduire de l’analise toutes les circonstances du cours des branches pointillées et ponctuées des courbes exponentielles, on était obligé de regarder comme réels les logarithmes des nombres négatifs. Or, on peut se demander naturellement si ces logarithmes sont en effet réels, ou si, en les supposant tels, on ne se livre pas à une hypothèse erronée. Ce qui a été dit au commencement de ce mémoire nous paraît offrir à cette question une réponse satisfaisante. Si, en effet, on appelle logarithme d’un nombre l’exposant de la puissance à laquelle il faut élever la base du système pour avoir ce nombre ; et si l’on convient réciproquement de regarder tout nombre ainsi obtenu comme ayant cet exposant pour logarithme, on se trouvera contraint (2, 3, 4, 5) d’admettre comme incontestables les propositions suivantes :

I. Dans tout système dont la base est positive, tout nombre positif a un logarithme réel. Quant aux nombres négatifs, ils se partagent en deux séries telles que chacun de ceux de l’une d’elles a un logarithme réel, le même qu’il aurait s’il était positif ; tandis que ceux de l’autre série ont tous des logarithmes imaginaires.

II. Dans tout système dont la base est négative, il y a une moitié des nombres qui, avec quelque signe qu’on les prenne, ne sauraient avoir de logarithmes réels. L’autre moitié se partage encore en deux séries telles que ceux de l’une d’elles ont des logarithmes réels, lorsqu’on les prend positivement ; et n’en ont pas quand on les prend négativement ; tandis qu’au contraire ceux de l’autre série ont des logarithmes réels, lorsqu’on les prend négativement, et n’en ont pas quand on les prend positivement.

III. Deux nombres de la même classe sont indéfiniment peu différens ; sans que pourtant on puisse dire qu’il y a continuité ; puisqu’il existe entre eux un nombre de l’autre classe.

Ces propositions sont représentées graphiquement par les figures 1 et 2, dans lesquelles les ordonnées représentent les nombres et les abscisses leurs logarithmes.

L’obligation de circonscrire ce mémoire dans de justes bornes ne nous permet pas de nous occuper de la recherche des formules qui donnent tous les logarithmes d’un même nombre, tous les nombres correspondant à un même logarithme, les logarithmes des nombres imaginaires, les logarithmes des nombres, dans un système à base imaginaire, etc. ; mais ce sont des objets sur lesquels nous pourrons revenir dans une autre occasion ; et nous nous bornerons, pour le présent, à quelques développemens propres à mieux faire sentir encore l’exactitude des propositions que nous venons d’établir.

15. Nous ferons d’abord observer qu’on aurait tort de croire que la vérité ou la fausseté de ces propositions soit subordonnée à la définition qu’on voudra donner des logarithmes ; et qu’une définition différente de celle de laquelle nous sommes partis, pût conduire à des conséquences différentes. Les mêmes conséquences se reproduisent encore, en effet, lorsque l’on veut, d’une manière plus élémentaire, considérer les logarithmes, comme les termes d’une progression par différences correspondant respectivement à ceux d’une progression par quotient, considérés comme nombres correspondans. Pour le prouver, désignons par à la base que, pour fixer les idées, nous supposerons positive et plus grande que l’unité, et formons le tableau des deux progressions fondamentales

Nombres
Logarithmes

Pour en déduire les logarithmes de tous les nombres, on suppose que l’on insère un nombre indéfini de moyen par quotiens entre les termes consécutifs de la première progression et un pareil nombre de moyens par différences entre leurs correspondais dans la seconde. Or, en représentant respectivement par et le quotient et la différence qui détermineront ces deux sortes de moyens, on aura

or, si est un nombre pair, il en résultera pour une seule valeur réelle positive, tandis que, si au contraire ce nombre est impair, on aura pour deux valeurs réelles, ne différant l’une de l’autre que par le signe. Si ensuite on suppose négatif, les valeurs paires de donneront pour une seule valeur réelle négative et ses valeurs impaires des valeurs imaginaires, ce qui entraîne de nouveau les conséquences énoncées ci-dessus (14).

16. En admettant, comme on ne saurait guère s’y refuser, l’existence des deux classes de nombres que nous avons signalées (14), comment concilier la loi de continuité, telle qu’on l’entend ordinairement, avec la différence qui existe entre deux nombres consécutifs de la même classe, différence plus petite que toute quantité assignable, et qui pourtant ne saurait être nulle ? et que devient ce théorème universellement admis dans la théorie des limites : deux grandeurs sont égales quand on peut prouver que leur différence est moindre que toute quantité assignable ? que devient également la loi de continuité, s’il existe des courbes telles qu’entre deux ordonnées réelles, aussi rapprochées qu’on le voudra, on puisse en trouver non seulement une infinité d’autres tout aussi réelles, mais en outre une infinité d’autres imaginaires ? L’examen de toutes ces questions nous entraînerait dans des discussions métaphysiques qu’il n’appartient pas à notre sujet d’aborder. Nous nous bornons à exposer des faits analitiques et géométriques qui nous paraissent incontestables, en abandonnant à de plus habiles le soin d’en déduire les conséquences.

17. Nous ne saurions toutefois dissimuler que certaines considérations sembleraient, au premier abord, indiquer la nécessité de considérer comme réels, sans aucune distinction, et respectivement égaux à ceux des nombres positifs, les logarithmes de tous les nombres négatifs. Par exemple, l’équation en y supposant négatif, représente bien incontestablement une courbe à deux branches ponctuées, quelle que soit d’ailleurs la valeur numérique absolue de Or, on tire de cette équation

Si donc la valeur de est de telle nature que son logarithme soit réel, la tangente, le cercle osculateur, la développée, l’aire de la courbe, etc., seront réels, comme si la courbe était continue. Mais, si la valeur de ne lui permet pas d’admettre un logarithme réel, faudra-t-il en conclure que la tangente, le cercle osculateur, la développée, etc., n’existent pas ? c’est ce qu’il paraît difficile d’admettre, puisque les deux courbes sont identiquement de même nature, et que leur existence est indépendante de la théorie des logarithmes. Il semblerait donc que, quel que soit son logarithme doit être réputé réel. On ne serait pas fondé d’ailleurs à se retrancher sur la nature de la courbe, et à dire que les branches continues doivent seules avoir des tangentes réelles, des cercles osculateurs, etc. ; car, si était positif, seraient réels, et par conséquent la branche continue et la branche pointillée qui composent alors la courbe, seraient, sous ce rapport, exactement dans le même cas, comme nous l’avons déjà observé (8).

Les séries logarithmiques semblent conduire aux mêmes conséquences. Soit un nombre positif arbitrairement partagé en deux autres et nous aurons

Si ensuite nous changeons le signe de nous aurons

On voit que les deux développemens ne différent uniquement que par les termes et Or, on peut toujours prendre les deux nombres et de telle sorte que la série soit convergente et qu’en même temps soit tel que soit réel ; et alors on aura nécessairement quel que soit

18. Quant aux considérations tirées des aires de l’hyperbole équilatère, considérations que Jean Bernouilli croyait propre à démontrer l’existence des logarithmes réels pour les nombres négatifs ; il ne nous paraît pas que l’on puisse en tirer aucune conséquence fondée pour ou contre l’opinion que cet illustre géomètre cherchait à faire prévaloir.

Pour en faire sentir la raison, nous observerons d’abord que les variables doivent être considérées comme croissant constamment de l’infini négatif à l’infini positif, c’est-à-dire que les différentielles doivent être réputées positives, quels que soient les signes des variables elles-mêmes. Le principe contraire admis par un grand nombre de géomètres distingués, qui veulent que les signes des différentielles soient les mêmes que ceux des variables elles-mêmes, principe qui n’est d’ailleurs que de pure convention, se trouve en effet entraîner avec lui des inconvéniens de plus d’un genre. Par exemple, deux valeurs identiques de n’indiqueraient pas une même inclinaison pour tous les points du plan de la courbe, etc.

En second lieu, soit une intégrale indéfinie, telle que

on doit, pour des raisons analogues, sentir la nécessité de faire croître cette intégrale dans le même sens que les c’est-à-dire que, si et sont les deux limites entre lesquelles elle doit être prise, il sera nécessaire de la faire commencer à la plus petite des deux, c’est-à-dire, à celle dont la valeur approche le plus de l’infini négatif, et de la faire finir à la plus grande, ou à celle qui se trouve du côté de l’infini positif, quels que soient d’ailleurs les signes de et Ainsi, en supposant l’intégrale définie sera

Ce principe étant admis, il en résulte que l’aire d’une courbe est toujours de même signe que l’ordonnée.

19. Cela posé, soit l’équation dans laquelle nous supposerons positifs et de plus et entiers et premiers entre eux. La courbe représentée par cette équation sera du genre des hyperboles ; et, en supposant le cas particulier de pair et impair, elle ressemblera à celle qu’on voit (fig. 10). L’aire comprise entre l’arc de cette courbe, l’axe des abscisses et les ordonnées correspondant aux deux abscisses et sera représentée par la formule

en posant, pour abréger, suivant que est ou

Présentement, il importe de distinguer deux cas, savoir ; celui de et celui de

Si l’on a on a aussi L’origine naturelle de l’intégrale est l’origine même des coordonnées, quel que soit le signe de c’est-à-dire que, dans l’intégrale indéfinie

en faisant la constante nulle, le terme représentera l’espace compris entre l’axe des correspondant à et l’ordonnée correspondant à l’abscisse quelconque et que de plus ce terme se présentera avec le signe ou avec le signe suivant que sera positif ou négatif, comme il est facile de le vérifier, en prenant les intégrales et Il en résulte que, si l’on prend l’intégrale entre deux limites positives et ou entre deux limites négatives cette intégrale représentera toujours la différence entre les espaces et ou entre les espaces et Si l’on voulait avoir l’aire comprise entre une limite négative et une limite positive il faudrait, d’après la règle connue, à raison de la valeur correspondant à faire deux intégrations, pour obtenir séparément et et ajouter ensemble les résultats. On obtiendrait ainsi

d’où l’on voit (et c’est sur quoi nous désirons principalement fixer l’attention) qu’on aurait pu obtenir directement ce résultat par une seule intégration, prise depuis jusqu’à sans avoir égard au passage de par l’infini ; ce qui tient à la circonstance déjà indiquée que l’origine naturelle de l’intégrale se trouve au point zéro, quel que soit le signe de l’abscisse les deux termes de cette intégrale représentant alors respectivement les espaces et

Lorsqu’au contraire on a et par suite l’origine naturelle de l’intégrale ne se trouve plus à l’origine des coordonnées ; elle est située sur l’axe des à l’infini négatif pour les abscisses négatives et à l’infini positif pour les abscisses positives, comme il est facile de le voir, en cherchant les conditions nécessaires pour que la constante soit nulle. Il résulte de là que l’intégrale

représente la différence des espaces et et que l’intégrale

représente la différence des espaces et Il n’est donc plus possible alors d’obtenir l’intégrale par une seule intégration. On trouve, en effet, en se rapelant qu’on a


ou encore

intégrale qui se réduirait à si l’on n’avait fait qu’une intégration.

Ce qui précède suppose que est pair et impair. Si l’on avait au contraire impair et pair les deux branches de la courbe se trouvant alors situées d’un même côté de l’axe des il y aurait à considérer, pour chaque abscisse, des aires correspondant aux deux branches de courbes, ce qui sortirait du sujet qui nous occupe. Mais, dans le cas de et tous deux impairs et inégaux, les mêmes observations se représenteraient ; il arriverait seulement que la branche analogue à (fig. 10) serait située dans l’angle (fig. 11) ; que toutes les aires qui s’y rapporteraient seraient négatives, et que conséquemment une intégrale prise entre une limite négative et une limite positive ne se composerait plus, comme précédemment, de la somme, mais de la différence arithmétique des aires partielles.

Il demeure donc suffisamment établi, par ce qui précède, que l’on ne peut obtenir une intégrale entre deux limites données par une seule intégration que dans le cas où l’origine naturelle de cette intégrale est la même pour les deux limites données.

20. Bien que dans le cas où dont nous n’avons pas parlé, l’intégrale soit une transcendante, ce principe lui est également applicable, si l’on pose alors en extrayant la racine du degré des deux membres, l’équation se réduira à et représentera (fig. 11) l’hyperbole équilatère du second degré, pour laquelle on aura

Ici l’origine naturelle de l’intégrale est, pour le abscisses positives, au point pour lequel puisqu’en supposant nulle la constante il faut faire pour avoir Entre les limites et cette intégrale devient

elle représente donc le logarithme du rapport des abscisses ; et elle est positive, parce qu’on a Pour les abscisses négatives, l’origine n’est plus au même point ; elle se trouve au point pour lequel on a En effet, on peut mettre sous la forme puis en posant sous la forme Alors représente la valeur absolue de l’abscisse ; et l’on voit qu’en supposant il faudra avoir poux que l’intégrale s’évanouisse. Entre les limites et ou et elle devient

Elle représente encore le logarithme du rapport des abscisses ; mais elle est négative, parce qu’on a aires positives de la branche représentent donc les logarithmes de tous les nombres positifs plus grands que et les aires négatives de la branche les logarithmes de tous les nombres positifs plus petits que À l’égard des logarithmes des nombres négatifs, on les obtiendrait, à la vérité, en intégrant d’un seul coup entre deux limites telles que et ce qui donnerait le résultat serait la différence de deux aires partielles, l’une positive et l’autre négative ; et il aurait la même valeur que si les deux limites eussent été de même signe ; mais il paraît résulter de ce que nous avons dit ci-dessus qu’on ne saurait se permettre d’intégrer de cette manière.

À cause de ce qui permet de poser aussi bien que on pourrait encore s’imaginer qu’on obtiendrait les logarithmes des nombres négatifs en mettant l’intégrale générale sous cette nouvelle forme ; mais il est facile de se convaincre du contraire, en remarquant que l’intégrale définie, prise entre deux limites du même signe et devient alors ce qui reproduit exactement les mêmes résultats et conduit aux mêmes conséquences.

21. Quoi qu’il en soit, les considérations développées sous le n.o 17 nous paraissent reposer sur des inductions trop vagues pour infirmer les propositions énoncées dans le n.o 14. Il serait tout aussi naturel, et sans doute plus exact, d’une part, d’en conclure que les courbes ponctuées n’ont proprement ni tangentes ni cercle osculateur (ce qui n’a point lieu pour les courbes pointillées) ; et quant au développement que nous avons donné de ce développement reposant sur l’hypothèse d’une continuité qui n’existe plus, il ne nous paraît pas qu’on en puisse déduire aucune conséquence bien rigoureuse. Les objections que l’on pourrait tirer de ces diverses considérations, objections que nous n’avons pas cru devoir dissimuler, nous semblent donc devoir laisser dans toute leur force les principes posés n.o 14 qui nous paraissent d’ailleurs sans réplique, sur-tout si on les appuie de ce qui a été dit dans le n.o 15.

22. Il est nécessaire de conclure de ces mêmes principes que les courbes dont les équations renferment des fonctions logarithmiques sont également susceptibles d’avoir des branches pointillées ou ponctuées. Telle est, en particulier, la courbe dont l’équation est Cette courbe, en effet, en supposant qu’on prend pour base, devient identique avec celle dont l’équation est (fig. 1 et 2) en y prenant pour et réciproquement.

Soit encore la courbe ayant pour équation les logarithmes étant Népériens, on aura

En employant le même mode de discussion que ci-dessus (11, 12, 13), on reconnaîtra que la courbe (fig. 12) a, 1.o une branche continue partant de l’origine et s’étendant indéfiniment dans l’angle entre l’axe des et une parallèle à cet axe qui lui sert d’asymptote et dont la distance à l’origine est égale à 2.o une autre branche continue, située dans l’angle ayant la même asymptote en sens inverse d’une part, convexe vers l’axe des depuis cette asymptote jusqu’au point d’inflexion où elle fait avec l’axe des un angle dont la tangente tabulaire est après avoir été parallèle au même axe au point devenant au-delà du point d’inflexion concave vers cet axe, et lui redevenant parallèle pour le point 3.o une branche pointillée, prolongement de la première branche continue, dans l’angle symétrique, par rapport à l’axe des de celle qui lui serait symétrique par rapport à l’axe des 4.o enfin une autre branche pointillée dans l’angle également symétrique par rapport à l’axe des d’une branche qui serait symétrique, par rapport à l’axe des à la seconde branche continue.

Les résultats ne changeraient pas de nature quand bien même on supposerait une toute autre base logarithmique, pourvu qu’elle fût positive ; et, si elle était négative, les branches se changeraient en quatre branches ponctuées.

23. Dans les applications de la théorie des logarithmes au calcul des expressions numériques ou algébriques, on peut traiter de la même manière tous les nombres, tant positifs que négatifs ; et l’on doit prendre les logarithmes de ces derniers comme s’ils étaient positifs.

Pour le démontrer, il faut distinguer deux cas. Ou les logarithmes ne sont employés que comme un moyen abrégé de trouver la valeur numérique d’une expression donnée, ou bien l’emploi des logarithmes est indispensable pour parvenir à la valeur numérique d’une inconnue.

Supposons d’abord qu’on se trouve dans le premier de ces deux cas ; il résulte évidemment de ce que nous avons dit (14) que, si le nombre dont il s’agit est de ceux dont les logarithmes sont imaginaires, il suffira de l’augmenter ou de le diminuer d’une quantité indéfiniment petite, et conséquemment bien inférieure à la limite d’approximation qu’on peut se promettre du calcul par logarithmes, pour lui faire acquérir un logarithme réel positif ou négatif. Lorsqu’ensuite on sera parvenu à la fin du calcul, si le logarithme final est du genre de ceux auxquels il ne répond aucun nombre réel, il suffira également de l’augmenter ou de le diminuer d’une quantité bien inférieure à celles qu’on se permet de négliger dans ce mode de calcul, pour le faire répondre à deux nombres réels ne différant l’un de l’autre que par le signe. On n’aura donc plus d’embarras que sur le choix du signe du résultat, lequel devra être déterminé à l’avance, conformément à la nature des données et des opérations qu’on aura eu à leur faire subir. Si, par exemple, il s’agit d’un produit de facteurs, on prendra pour le nombre répondant au logarithme final le signe ou le signe suivant que le nombre des facteurs négatifs sera pair ou impair. S’il s’agit d’une puissance, on se réglera sur le signe de la racine et la nature de l’exposant qui pourront souvent conduire à rejeter comme faux le résultat obtenu. C’est, par exemple, ce qui arriverait, si l’on avait à calculer par logarithmes le résultat devrait être rejeté comme faux, à cause de la nature imaginaire de l’expression proposée.

Dans le cas où l’emploi des logarithmes est nécessaire pour obtenir la valeur de l’inconnue, on peut encore prendre les logarithmes des nombres négatifs comme si ces nombres étaient positifs sauf ensuite à vérifier le résultat obtenu, qui souvent peut être fautif. Soient, par exemple, les équations

on en tirera

d’où

et en effet

Mais, si l’on avait

d’où

on en tirerait

résultat faux, puisque

et non

Le nombre cherché dans le dernier cas est donc imaginaire.

24. Il n’a été question, dans tout ce qui précède, que de courbes rapportées à des coordonnées rectangulaires. Les mêmes considérations s’appliqueraient également à d’autres systèmes de coordonnées, si les équations des courbes qui y seraient rapportées contenaient des fonctions transcendantes des variables. Telles est, en particulier, l’équation polaire de la spirale logarithmique, dans laquelle représente un nombre constant, l’angle que fait le rayon vecteur partant du pôle avec une droite fixe menée arbitrairement par ce même point, et ce rayon vecteur. Si, en effet, on suppose d’abord positif, les variables et se trouveront exactement dans le même cas que et dans le n.o 6. Il en résultera donc pour une série continue de valeurs positives et une série discontinue de valeurs négatives. Or, les valeurs positives du rayon vecteur doivent être comptées du pôle vers l’extrémité de l’arc de cercle sur lequel se comptent les distances angulaires, tandis que ses valeurs négatives doivent être prises en sens contraire ; donc la spirale (fig. 13) aura une branche continue et une branche pointillée dont les spires s’envelopperont mutuellement. Mais, si la constante était négative, ces deux branches se trouveraient remplacées par deux branches ponctuées de même forme.

25. Des considérations analogues à celles qui viennent de nous occuper à l’égard des courbes planes sont évidemment applicables aux surfaces courbes qui peuvent être tantôt continues et tantôt discontinues, et qui, dans ce dernier cas, peuvent être formées tantôt de courbes continues ne se succédant pas consécutivement et tantôt de courbes pointillées ou ponctuées, et qui peuvent avoir aussi des nappes de ces différentes sortes à la fois. Ce que nous avons dit jusqu’ici fait assez comprendre comment on doit se conduire, dans la discussion de ces sortes de surfaces ; et, pour cette raison, nous croyons superflu de nous y arrêter. Les mêmes considérations pourraient également être appliquées aux courbes à double courbure.

26. Nous terminerons par observer que les courbes dont les équations renferment des fonctions circulaires des variables ont été jusqu’ici tout aussi incomplètement construites que celles qui viennent de nous occuper ; ce qui tient, comme on peut déjà l’entrevoir, à ce que dans leur construction on a négligé d’avoir égard aux différens arcs auxquels répond, en général, une même ligne trigonométrique. Nous nous proposons de traiter ce sujet dans un autre mémoire où nous ferons connaître, en particulier, quelques propriétés de la cycloïde qui, dépendant de la multiplicité de ses branches, n’avaient pu encore être remarquées.

  1. Pour rendre manifeste la vérité de ces dernières assertions, remarquons d’abord que fait prendre au facteur la valeur et que, si l’on donne à une série de valeurs de la forme
    ayant pour limite

    il en résultera pour les deux termes et les deux séries de valeurs suivantes

    ayant pour limite ;
    ayant pour limite

    Et que si, au contraire, on donne à les valeurs suivantes

    ayant pour limite

    on aura d’abord

    ayant pour limite

    série dans laquelle le rapport de deux termes consécutifs a pour limite l’unité ; et ensuite

    ayant pour limite

    série dans laquelle le rapport de deux termes consécutifs est

    Il résulte de là que le signe de toute l’expression ne dépend jamais que de celui du terme et que la limite de la même expression qui correspond à est aussi celle du terme