Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 14/Géométrie transcendante, article 2

GÉOMÉTRIE TRANSCENDANTE.

Recherches analitiques, sur une classe de problèmes
de géométrie dépendant de la théorie des
maxima
et minima ;

Par M. CH. Sturm.
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Soient les distances d’un point cherché à des points fixes, donnés dans l’espace ; soient les distances du même point à d’autres points qui doivent être trouvés sur autant de courbes fixes données, planes ou à double courbure ; soient enfin les distances de ce point à des points qui sont assujettis à se trouver sur autant de surfaces données ; et l’équation

dans laquelle désigne une fonction connue quelconque, étant donnée, proposons-nous d’assigner les conditions nécessaires pour que la fonction soit maximum ou minimum.

Rapportons l’espace à trois plans rectangulaires quelconques. Soient respectivement, les coordonnées des points d’où partent les droites pour se diriger vers soient respectivement les coordonnées des points d’où partent les droites pour se diriger vers ce point ; et soient enfin respectivement, les points d’où partent les droites pour se diriger vers le même point.

Convenons encore de désigner par les angles que font les droites avec les trois axes ; par les angles que font les droites avec ces axes ; et enfin par les angles que font les droites avec les mêmes axes ; et soient les coordonnées du point

La condition commune au maximum et au minimum de la fonction est, comme l’on sait, que sa différentielle totale du premier ordre soit égale à zéro. Il est connu d’ailleurs que cette condition, toujours nécessaire pour qu’il y ait maximum ou minimum, ne suffit pas néanmoins, dans tous les cas, pour en assurer l’existence.

En posant donc, pour abréger,

l’équation commune au maximum et au minimum sera


Or, nous avons

d’où

mais on a

donc

et l’on aura des valeurs analogues pour

Soient désignées par la tangente au point à la courbe sur laquelle ce point doit se trouver, et par l’arc de cette courbe, on aura

substituant ces valeurs dans celle de en observant que

elle deviendra

(2)

Soit ensuite désignée par la normale au point à la surface sur laquelle ce point doit se trouver ; l’équation différentielle de cette surface pourra, comme l’on sait, être mise sous la forme

d’où

valeur qui, substituée dans celle de donnera

(3)

et les valeurs de seront susceptibles de transformations analogues.

En substituant donc ces diverses valeurs dans l’équation

que nous avons vu ci-dessus exprimer la condition commune au maximum et au minimum, elle deviendra, en employant le signe par forme d’abréviation,

Or, présentement que les différentielîes sont tout-à-fait indépendantes, il faudra, dans l’équation (I), égaler leurs coefficiens à zéro ; et comme d’ailleurs aucune des fonctions ne doit être nulle, cela donnera d’abord

ce qui nous apprend, en premier lieu, que les droites doivent être respectivement perpendiculaires aux tangentes et par conséquent normales aux courbes auxquelles elles se terminant.

On aura ensuite

et les autres équations analogues, d’où

ce qui montre que les droites doivent aussi être respectivement normales aux surfaces auxquelles elles se terminant.

Concevons présentement que le point soit sollicité par des forces proportionnelles à et dirigé suivant les droites respectivement.

Soit la résultante de toutes ces forces, et soient les angles qu’elle fait avec les axes. Les quantités qui multiplient dans l’équation (I) reviennent visiblement à de sorte que cette équation, de laquelle nous avons déjà fait disparaître les derniers termes, se réduit à

(II)

Celle-ci sera toujours satisfaite, lorsqu’on aura c’est-à-dire, lorsque les forces proportionnelles à se feront équilibre, à quelque conditions que le point puisse être d’ailleurs assujetti.

Si ce point est parfaitement libre dans l’espace, les différentielles seront indépendantes, et il faudra encore que parce que ne sauraient être nuls à la fois.

Si le point doit être pris sur une surface donnée ; en représentant par les angles que fait avec les axes la normale à cette surface en ce point, son équation différentielle sera

en tirant de cette équation la valeur de pour la substituer dans l’équation (II), celle-ci deviendra, en divisant par

d’où, à cause de l’indépendance de et

ou bien

c’est-à-dire que la résultante des forces qui sollicitent le point doit, lorsqu’elle n’est pas nulle, être normale à la surface sur laquelle ce point doit être situé ; de sorte qu’on peut la regarder comme détruite par la résistance de cette surface.

Si le point doit être pris sur une ligne donnée, droite ou courbe, plane ou à double courbure ; en représentant par l’élément de cette ligne, au point dont il s’agit et par les angles que fait cet élément avec les axes, on aura

ces valeurs étant substituées dans l’équation (II), elle deviendra, en divisant par

d’où l’on voit que, dans ce cas, si la résultante n’est pas nulle, sa direction devra être normale à la ligne sur laquelle le point doit être situé ; de sorte qu’elle sera en équilibre sur cette ligne, considérée comme obstacle à l’action qu’elle tend à produire.

On peut donc, en résumé, établir le théorème général que voici :

Soient les distances d’un point à des points fixes dans l’espace. Soient les distances du même point à des points mobiles sur des lignes fixes. Soient enfin les distances de ce point à des points mobiles sur des surfaces fixes.

Supposons que ce point soit tellement choisi dans l’espace qu’une fonction déterminée des distances soit un maximum ou un minimum ; et concevons ce même point sollicité, suivant les directions de ces distances, par des forces proportionnelles aux valeurs actuelles des dérivées partielles de prises par rapport à ces mêmes distances ; alors,

1.o Les droites seront respectivement normales aux lignes et surfaces auxquelles elles se termineront.

2.o Si le point est parfaitement libre dans l’espace, il devra se trouver en équilibre sous l’action des forces que nous avons supposé le solliciter ; et s’il est assujetti à se trouver sur une surface ou sur une ligne donnée, la résultante de ces mêmes forces, lorsqu’elle ne sera pas nulle, devra être normale à cette surface ou à cette ligne ; de sorte qu’on pourra dire, dans tous les cas, que le point est en équilibre.

L’inverse de ce théorème nest pas généralement vrai, c’est-à-dire que toutes ces diverses conditions peuvent fort bien être remplies, sans que, pour cela, il y ait nécessairement maximum ou minimum.

Dans le cas particulier où la fonction sera simplement la somme des distances ou la somme des produits respectifs de ces mêmes distances par des multiplicateurs les forces sollicitant le point devront être égales entre elles ou proportionnelles à ces multiplicateurs[1].

  1. À cette théorie générale se rattachent un grand nombre de problèmes traités dans le présent recueil, notamment tom. I, pag. 285, 297, 373 et 375.
    J. D. G.